Full text |
LE PRECURSEUR.
PWWW
crime qui a mis Lacenaire à la mode , ne fléchirait pas
entre la selctte et l’échafaud, si l’impudence avec laquelle
ce misérable parlait de son châtiment ne se démentirait
pas à l’instant de le subir. Nous garantissons comme au-
thentiques les détails que nous donnons.
» Au point du jour, le bourreau et ses valets se trou-
vaient à Bicêtre. On a fait descendre les condamnes dans
la chambre destinée à la toilette mortuaire. Avril montrait
une assurance à laquelle on ne s’attendait pas. Voici ma
dernière toilette, a-t-il dit en riant; là-dessus il a avalé un
verre d’eau-de-vie, et s’est laissé couper les cheveux en
causant sur divers sujets.
)> Lacenaire a montré beaucoup moins d’aplomb. 11 s’est
gorgé de café pour se donner du ton ; mais la nature et la
crainte d’un vengeur autre que la société outragée par ce
misérable, paraissaient troubler son agonie. Tantôt il de-
mandait à écrire une lettre, tantôt à faire quelques révé-
lations; il balbutiait;.les paroles qui sortaientde ses lèvres
étaient comme expirantes et inarticulées. Il avait la figure
pâle et les yeux hagards. On assure qu’avant de monter
dans le panier à salade, il a voulu se réconcilier avec
Avril, et qu'il l’a embrassé.
» La voiture funèbre est partie de Bicêtre vers 7 heures
et demie ; elle était escortée par la gendarmerie de la Seine ;
les deux coupables étaient séparés par un compartiment ;
ils étaient assistés de M. l’abbé Montés et d’un autre ecclé-
siastique. Lors de leur arrivée à la barrière St-Jacques, une
affluence nombreuse s’y trouvait déjà. Beaucoup d’indivi-
dus étaient montés sur des arbres. On remarquait un grand
nombre de voitures armoriées renfermant des dames élé-
gantes, lesquelles s’étaient matinalement arrachées aux
douceurs de l’alcôve pour venir satisfaire leur besoin d’é-
motion. Un nombreux détachement de gardes municipaux
stationnait sur la place.
» Il était huit heures et demie lorsque le funèbre cor-
tège est arrivé sur le lieu de l’exécution. A huit heures
trente-cinq minutes tout était terminé.
)> Avril, qui devait être exécuté le premier, est monté
à l’échafaud d’un pas très ferme ; Lacenaire attendait au
pied de l'échafaud; son complice lui a crié : Adieu mon
vieux ! et un instant après , il n’était plus. On a remarqué
que le fils du bourreau tremblait beaucoup en relevant le
couteau sanglant. On dit que c’est l’apprentissage de ce
jeune homme.
» Lacenaire, voulant faire preuve d’assurance, a ôté sa
chemise et s’est mis nu jusqu’à la ceinture. Mais ce n’était
qu’une bravade, ses jambes fléchissaient à tel point que
les valets du bourreau ont été obligés de le soutenir, sans
quoi il serait tombé en montant l’échelle. Quoiqu’il eût plu-
sieurs fois annoncé qu’il parlerait aux spectateurs, il n’en
a pas trouvé la force. Sa figure était décomposée ; un com-
bat épouvantable semblait se passer dans l’âme de cet
homme sans morale et sans foi. Lacenaire, assassin systé-
matique, après avoir poussé le matérialisme jusqu’à ses
plus horribles conséquences, est mort avec toutes les
frayeurs du plus vulgaire des criminels !
» On se rappelle que , dans les débats de cette triste af-
faire, François, que la déclaration de circonstances atté-
nuantes avait arraché à l’échafaud, avait terminé son allo-
cution en disant : « Si je suis condamné, en allant à la
mort j’irai ferme, et toi, canaille, tu caponneras, lâche! »
La prédiction de François s’est accomplie. »
CHAMBRE DES DÉPUTÉS. — Séance du 8 janvier.
( Présidence de M. Dupin. ) lecture de l’adress ’.
A deux heures dix minutes M. le président monte au
fauteuil.
M. Piscatory, secrétaire, donne lecture du procès-ver-
bal.
M. le Président, plusieurs députés s’excusent sur l’état
de leur santé de ne pouvoir assister au commencement de
la session.
M. Hœsinger, député du Bas-Rhin, donne sa démission,
motivée sur ses affaires. La lettre sera envoyée à M. le mi-
nistre de l’intérieur.
En ce moment la chambre est peu nombreuse, les dé-
putés se livrent à des conversations particulières. On
remarque l’ambassadeur de Grèce dans la tribue diploma-
tique.
L’ordre du jour est la communication du projet d'a-
dresse.
M. le Président donne lecture du projet d’adresse .au
milieu du plus grand silence.
Voici le texte de l’adresse :
« Sire, la chambre des Députés fidèle interprète des
vœux et des besoins du pays se félicite d’avoir à porter à
V. M. des paroles de satisfaction et d’espérance. Une paix
Tirofonde règne dans l’Etat et la France a foi dans sa durée.
Cette sécurité, en cimentant notre union au-dedans, assure
de plus en plus notre puissance au dehors. Heureux le
pays qui retrouve à un si haut degré, le sentiment de sa
force quand tous ses vœux sont pour la paix.
» Cette situation prospère est due à l’action du temps
et aux progrès de la raison publique qui ont triomphé des
circonstances les plus difficiles. Naguères la France voyait
encore l’ordre public et nos institutions aux prises avec
les efforts acharnés des factieux. Pour les défendre, Sire
votre gouvernement n’a fait appel qu’à la force des lois et
nous aimons à reconnaître avec V. M. les heureux effets
des mesures législatives adoptées par les pouvoirs consti-
tutionnels. Partout secondées par le bon sens national
cllesontramené le respect des lois et des mœurs publiques.
Les attaques contre le Prince et la Constitution du pays
ont cessé , et la confiance des bons citoyens se rallie au-
tour de ces grands intérêts désormais inviolables.
» Une catastrophe de douloureux souvenir a consterné
la patrie, elle n’aura servi qu’à faire éclater la magnani-
mité du roi et l’amour de la France.: et la Providence qui
veille sur ses destinées, a visiblement protégé les jours
dont V, M. a fait le plus cher patrimoine de la nation.
» Sire, votre famille royale a aussi sa part dans les espé-
rances de la patrie. Vos fils ont passé leurs premières an-
nées avec les nôtres et nous les -retrouvons aujourd’hui
dans les camps au milieu de notre valeureuse jeunesse.
A cette noble égalité de travaux et de périls, la
France reconnaît son caractère national et la dynastie
qu’elle-s^esï choisie. Elle n’a pas vu sans émotion l’ainé
de ses princes associé aux fatigues et aux dangers de notre
armée ; et la Chambre après avoir ressenti vos justes sol-
licitudes , a droit de partager votre satisfaction de père et
de Roi. Elle espère, Sire, que le séjour de l’héritier de la
couronne au sein de nos possessions d’Afrique contribuera
à éclairer le gouvernement sur les mesures les plus pro-
pres à combiner à leur égard, les vœux de la civilisation
et les véritables intérêts de la France.
» Le premier besoin de la civilisation, Sire, c’est la paix,
et nous avons accueilli avec empressement de la bouche
de V. M. l’assurance de l’état satisfaisant de nos relations
avec les puissances étrangères. Notre intime union avec
la Grande-Bretagne est une garantie de plus pour la durée
de la paix. Elle assure la réserve et le maintien des droits
consacrés par les traités dont l’exécution importe à l’équi-
libre de l'Europe.
» La France , Sire , donne l’exemple , delà fidélité
aux promesses. Le gouvernement de V. M. a pris sur les
frontières d’Espagnes les mesures nécessaires à assurer
l’accomplissement du traité du 28 avril 1834. La Chambre
fait des vœux sincères pour que ces mesures continuées
avec une vigilante fermeté , concourent à la pacification
intérieure de la Péninsule et à l'affermissement du trône
de la Reine Isabelle II.
ii La Chambre regrette, comme V. M. , que le traité du 4
juillet 1831 n’ait pu encore recevoir son exécution com-
plète. Elle a vu dans la médiation amicale de la Grande-
Bretagne une nouvelle preuve de l’alliance qui unit les
deux pays. Les déclarations contenues dans un acte récent
nous font espérer enfin une issue également honorable
pour deux grandes nations.
» La paix , Sire , ne peut qu’accroître la prospérité de
nos finances ; lcurctat satisfaisant queV. M.nousannonce,
permettra enfin d’obtenir dans toute sa vérité l’équilibre
tant désiré entre les revenus et les charges de l’Etat. Pour
atteindre et conserver cet important résultat, nous savons
tout ce qu’il faut de maturité dans le règlement des cré-
dits , de fixité dans le maintien de leurs limites , de pru-
dence dans l’évaluation des recettes qui doivent y pour-
voir. C’est donc dansicet esprit que nous examinerons les
lois des finances qui nous serons présentées ; une sage
économie est un devoir sacré pour le gouvernement, c’en
est un aussi pour la Chambre , gardienne de la fortune
publique.
n La Chambre portera aux autres lois que V. M. lui a
annoncées toute l’attention que mérite leur importance. Il
s’agit d’organiser les libertés municipales qui fondent
l’existence politique des nations , la responsabilité minis-
térielle qui la garantit, l’enseignement qui la perpétue. Il
fautdéliberer sur les réformes administratives et judiciai-
res, sur l’agrandissement et la régularité de ses communi-
cations intérieures, sur les graves questions qui touchent
notre commerce extérieur. C’est surtout dans les temps de
sécurité qu’on peut sans entraînement comme sans défiance
consolider les libertés politiques. C’est alors qu’on peut
imprimer aux améliorations sociales le caractère de la du-
rée parce qu’on les entreprend avec sagesse.
» Sire, le moment est venu pour la France, de recueillir
les fruits de sa prudence et de son courage. Le premier de
tous, c’est le calme des esprits que V. M. appelle par ses
nobles paroles et sans lequel la tranquillité des états n’est
qu'apparente et passagère.
ji Oui Sire, la chambre le pense avec vous, c’est quand
la force persévérante des lois a découragé les partis par la
conviction de leur impuissance, qu’il appartient à une po-
litique généreuse et conciliatrice de rallier tous les Fran-
çais autour du trône et des institutions de juillet.
» C’est ainsi que la France pourra consacrer à la pros-
périté commune scs forceset son génie trop souvent tour-
nés contre elle-même au profit des dissensions qui l’ont
déchirée. Aujourd’hui , Sire, elle n’écoute ni les vaines
théories , ni les paroles passionnées ; elle demande à ceux
qui la gouvernent de veiller pour elle à ces grands inté-
rêts nationaux et positifs qui font la véritable splendeur
des nations.
« Sire , la Chambre des députés sera fidèle à sa voix ,
nous seconderons ce noble essor en perfectionnant nos
lois , en aidant de tous nos efforts à l’amélioration des
mœurs publiques , en recherchant attentivement les vé-
ritables intérêts du commerce , en protégeant nos indus-
tries et surtout l’agriculture , la première!de toutes, qui
par les difficultés de sa situation actuelle autant que par
son importance vitale appelé toute la sollicitude du gou-
vernement.
il Sire , tels sont nos vœux ; puisse la nation dans la
carrière qui s’ouvre devant elle marcher rapidement à
Faccomplissement de ses hautes destinées.
» Sire , la reconnaissance nationale y associera votre
nom , et tandis que la pacification des troubles et la pros-
périté des peuples n’appartiennent d’ordinaire qu’à «les
époques et à des règnes divers , cette double gloire sera
réservée à V. M. Elle sera la plus douce récompense pour
yotre cœur paternel et l’histoire en fera le caractère dis-
tinctif de votre règne. »
BELGIQUE.
AN VERS , 12 Janvier.
IWCSIU3ÏÏE ÉPOUVROTABIE J»E MEW'YOBK.
Un de ces événements effroyables qui fout époque ,
vient de jetter New-York dans la désolation. Un incendie,
fait pour rappeler la mémoire de celui de Londres, qui en
1686 , plongea tant de familles dans la misère , un incen-
die épouvantable, a réduit en cendres 700 maisons , la
bourse , et d’autres établissements publics. Les lettres de
New-York qui annoncent ce désastre , et «pii ont été re-
çues à Londres le9 decc mois, sont du 22 décembre : elles
sont écrites sous l’influence de l’effroi et du malheur , et
cependant elles ne peuvent peindre que faiblement le dé-
sespoir de la population toute entière. La confusion n’était
pas plus grande à Lisbonne , lors du fameux tremblement
de terre qui détruisit cette ville, qu’elle a été à New-York;
les ruines fûmentencore , et déjà d’autres malheurs vien-
nent mettre lecomble à l’infortune. De nombreuses faillites
sont déjà déclarées, et elles se multiplieront d’autant plus,
que les compagnies d’assurances contre l’incendie, éprou-
vant à la fois des pertes si nombreuses qu’elles ne peuvent
les supporter , sont elles mêmes entraînées dans le tour-
billon, ne peuvent adoucir aucune douleur , et sont obli-
gées de subir le même sort que beaucoup de leurs assurés.
C’est-à-dire de cesser leurs payements.
Nous donnerons demain un résumé de la première
séancedes conseils-généraux d’agriculture et de commerce
tenue à Paris le 8 courant ; c’est une parodie de l’enquête
commerciale et le ministère aura bien de la peine a ral-
lier à son système de libertés une foule d’intérêts diver-
gents dont l’influence se fait sentir même dans la question
des chemins de fer.
— On nous écrit de Bayonne, 4 janvier :
Le bruit se répand que le fort de Guetaria aurait été en-
levé d’assaut le lendemain de la prise de la ville, mais on ne
connaît rien de positif à cet égard,
Nous avons retiré de notre boite deux lettres que nous
nous empressons de publier. Nous ne partageons pas tout à
fait l’opinion de l’auteur de celle sur les assurances, comme
on pourra s’en convaincre parla lecture d’un article que nous
publierons demain et qui est destiué à réfuter celui du Jour-
nal du Commerce qui a paru hier.
Pour ce qui est de la 2de lettre nous nous joignons de
grand cœur aux vœux exprimés par l’auteur ; tout ce qui
peut activer notre commerce et contribuer à l’écoulement de
nos produits est trop précieux pour que nous désespérions
de .voir accueillir par l’autorité compétente la demande de
notre abonné.
ASSURANCES MARITIMES.
Anvers , le 11 Janvier 1830.
Monsieur le Rédacteur ,
Votre numéro 20 , en date d'hier, contient une revue sur
les assurances maritimes des plus intéressantes et des plus
utiles. Elle fait naître le regret que votre journal n’ait pas
paru trois ans plutôt, car, je n’en doute pas, vos réflexions
maintes fois répétées auraient eu pour résultat de faire ré-
fléchir les assureurs du continent qui n’ont pas encore per-
du l’habitude de baser leurs primes d’assurances sur celles
de nos voisins d’outre-mer. Cependant les assureurs anglais
ont mille petites compensations que les nôtres ne connaissent
pas , quand ce ne serait que celle de toujours transiger à 20,
25 et 80 ojO de perte pour les assurés, et celle de ne jamais
payer les avaries sur les corps de navires, et.ee sont précisé-
ment les plus ruineuses.
La comparaison que vous établissez entre les primes d'au-
jourd'hui et celles de 1828 est frappante ! J ’y ajouterai une
réflexion que vous n’avez pas faite, c’est qu’à cette époque
là il y avait encore unavantage qui n’existe plus aujourd’hui':
les assureurs étaient généralement plus unis , s’entendaient
mieux ; se partageaient les affaires, les primes étaient uni-
formes ; aujourd’hui, n’a-t-on pas vu dans une même
bourse, le même risque être payé de cinq manières différen-
tes ? Les affaires s’arrachent au rabais et quelle est la cause
première de ce rabais ? Je n’ose réellement pas me pronon-
cer , mais je crois ne pas pouvoir l’attribuer à autre chose
qu’aux agences des Compagnies étrangères à la place, qui ne
sont rétribuées qu’à raison des primes et non des bénéfices
qu’elles procurent. Aussi aurait-on vu avec infiniment de
plaisir que l’agence de la Compagnie des assurances réunies
avait été supprimée forcément parce qu’on espérait que la
leçon serait profitable. Si elle a eu des résultats, ils sont im-
perceptibles jusqu’ici ; peut-être vont-ils devenir plus sensi-
bles parce que l’agence de la Compagnie de l’ Union Belge et
étrangère a annoncé à la Bourse de ce jour qu’elle venait éga-
lement d’être forcée d’arrêterses opérations.
Sans parler de l’agence de la Compagnie d’assurances gé-
nérales de Paris qui partage fort innocemment le malheureux
sort de nos compagnies, je ne vois plus sur notre place
qu’une seule agence, celle de la Compagnie des assurances
universelles, mais elle sera assez politique pour changer de
système. Que tous les assureurs se coalisent donc pour
maintenir les primes, et alors peut-être ne faudra-t-il que
s |