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JLc frécurseur.
(at des recettes de 1858 pour terme de comparaison :
Objets Je perception. Ar^ée 1858. Aivivee 1859.
Boissons. . .
Comestibles .
Fourrages . .
Combustibles
Matériaux. .
Expéditions .
Fr. 965,526
665,750
115,748
442,855
155,666
58,822
Fr. 904,559
652,154
117,164
420,292
144,094
57,507
Total. . . . Fr. 2,576,145 Fr. 2,276,490
Quoique le larifdes taxtes municipales ait été le mê-
me pour ces deux années, on voit que l’état ci-dessus
présente une différence de 100,000 francs dansles pro-
duits de l’octroi de l’année 1858, ce qui fait une dimi-
nution d’environ '1 j24e seulement. Nous disons seule-
ment, parce que d’après le résultat des octrois dans
plusieurs autres grandes villes du royaume, et d’après
la situation même de celui de Bruxelles à la fin des 9
premiers mois de l’année écoulée, l’on devait s’attendre
à une diminution plus forte, et elle aurait eu lieu effec-
tivement, si les recettes du dernier trimestre ne s’é-
taient pas remises au niveau de celles du trimestre cor-
respondant de l’année précédente.
Il est à remarquer que la diminution a porté en
grande partie sur les boissons, et que nous croyons
qu’elle est due principalement à la cherté des grains,
qui a fait considérablement diminuer la fabrication
de la bierre et celle du genièvre. La diminution se fait
aussi remarquer sur les combustibles et les matériaux.
ASiVEKS , 1 5 JANVIER.
Ce matin à la marée basse on découvrit dans le canal
de Saint-Jean, un cadavre que l’on reconnut bientôt
pour être celui du nommé Van Wind, batelier du ba-
teau Acht Gebroeders de Harame. On présume que cet
homme s’étant levé dans la nuit sera tombé dans le
canal. Il était blessé aux mainscequi fait supposer qu’il
s’est débattu entre la glace.
— Aujourd’hui a commencé devant la cour d’assises
l’affaire du nommé Kiebooms, prévenu de meurtre sur
la personne du nommé Huybrechts. La foule est si
grande aux environs du palais de justice qu’il est im-
possible de pénétrer dans la salle d’audience. C’est
M. Verheyen, procureurdu roi, qui soutiendra l’accu-
sation. M® Blockx est chargé de la défense de l’accusé.
— Le bateau à vapeur anglais Soho, c. Whitcombe,
arrivé ce matin de Londres, a débarqué à l’embarcadère
sa malle et ses passagers. Il estenlré immédiatement après
au bassin, pour débarquer sa cargaison, afin de pouvoir
repartir dimanche prochain.
— Le grand canot de l’administration du pilotage,
monté par plusieurs pilotes, a descendu l’Escaut cet
après-midi pour aller à la rencontre d’un brick que
l’on apercevait dans la passe du Wilhelm-Reck. Le
temps est couvert et fort brumeux; le dégel continue.
— On nous écrit de Flessingue, 16 courant : Tous
les navires, en destination de votre port, viennent de
lever l’ancre pour monter l’Escaut, étant favorisés d’une
bonne brise de l’Ouest. Les capitaines ont l’espoir de
rencontrer le bateau-pilote d’Anvers avant leur arrivée
à Litlo.
— Par arrêté royal en date du 15 janvier, le comte
deBergeyck est nommé commissaire de l'arrondisse-
ment de Sl-Nicolas.
— Par arrêté royal du 50 décembre 1859, la mé-
daille de la vaccine, instituée par l’arrété du 18 avril
1818, est décernée au sieur C. R. J. Van Parys,
docteur en medecine allèrent (province de Brabant).
—On écrit de Mons, 15 janvier: Par résolution du con-
seil communal.en date du 11 de ce mois.M.Vanlsendyck,
d’Anvers, a été nommé professeur de peinture à notre
Académie des arts. M. Vau Isendyck a obtenu 15 voix,
M.Juogbluth 2, et M. Hallez 1.
M. Wilmotte et «on élèt j*.
A propos du brillant succès que vient d’obtenir M.
Wilmotte, dans la capitale du monde artistique, nous
avons cité avant-hier quelques lignes d’un journal de
Liège. — Ce journal s’empresse de revendiquer pour le
conservatoire de Liège, l’honneur d’avoir produit un
élève aussi distingué, mais il omet de dire qu’il en est
sorti en 1855, après avoir glorieusement remporté le
premier pris de violon, ce qui établit que M. VVilmotte
quoiqu’encore jeune, n’en est plus à devoir faire ses
premières preuves comme virtuose. —Maintes fois depuis
plusieurs années il a fourni au public d’Anvers, l’occa-
sion de faire applaudir son talent à la fois si pur et si
entraînant. En notre particulier nous lui avons prédit
un brillant succès du jour où il lui serait permis de se
produire sur une scène plus vaste. — A Paris il trouvera
l’occasion de se faire applaudir non-seulement comme
violoniste solo, mais comme virtuose possédant tous les
secrets de son art pour rendre avec un accent de vérité
vraiment entraînant tout ce qu’il y a de touchant, de
noble, d’élevé dans la musique intime des grands maî-
tres, genre de talent tout spécial et d’autant plus méri-
toirequ’il devient louslcsjours plus rare, non-obstaut le
nombre toujours croissant des violonistes distingués.
Voici ce qu’on lit dans un journal de Paris : «M.Wil-
motte, jeune artiste belge, nous a révélé un talent devio-
ioniste fort distingué. M. Wilmotte a le jeu brillant et
correct et lessonsqu’il tire deson instrumentsontd’une
justesse et d’une pureté vraiment ravissantes , toutes
qualités qui fout de cejeuue homme un artiste des
plus remarquables. »
Après avoir parlé du maître, qu’il nous toit permis de
parler de son élève favori le jeune Selens , enfant doué
d’un sentiment musical peu commun, mais auquel il
manque depuis le départ de M. Wilmotte cet appui tu-
télaire que nous appelerons encouragement. Ne serait-
ce pas un crime de lèse-beaux-arts de laisser étouffer par
le besoin , le germe d’uue organisation réellement re-
marquable et qui déjà réalise plus que ce qu’on est
convenu d’appeler d’heureuses dispositions...? Il n’eu
sera pas ainsi, car nous avons appris avec le plus grand
plaisir, que dans une soirée brillante et nombreuse
donnée samedi passé chez M. le bourgmestre , ce ma-
gistrat, vivement secondé par M. le gouverneur de la
province et par l’élite des notabilités artistiques et finan-
cières de cette ville, a promis son bienveillant appui au
jeune Selens, ce qui le mettra à même d’achever son
éducation tant musicale qu’intellectuelle.
Il s’agit donc pour la vdle d’Anvers d’un bien faible
sacrifice, et d’eviter le reproche souvent adressé tant
aux administrateurs du royaume, que de nos npmbreu-
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ses cités de ne rien faire de réellement solide pour la
propagation et l’encouragement de l'art musical. — Le
croirait-on en voyant cette pépinière d’artistes Belges
qui occupent à l'étranger les cent bouches de la renom-
mée...? Rien n’est pourtant plus vrai, et la lésinerie est
poussée à tel point que nos conservatoires qui n’ont pas
de local convenable pour leurs concerts n’ont pas tou-
jours, à ce qu’on nous a assuré maintefois, de quoi
payer les quelques chétifs cahiers de musique offerts
comme prix aux élèves couronnés dans les concoùrs
annuels. — Bel encouragement vraiment...? Est-ce que
comme on l’a prétendu, la musique ne serait pas rangée
en Belgique dans la classe des Beaux-arts...? N’est-elle
pas la sœur aînée de la Peinture, de la Sculpture?...
Pourquoi n’est-elle pas aussi richement dotée...? Pour-
quoi ne fait-on rien de grand, rien de sérieux pour
Elle...? Pourquoi les illustres vicluoses que la Belgique
a produit, sont-ils obligés de s’expatrier, d’aller chercher
fortune ailleurs?... Pour résoudre toutes ces questions
il suffirait peut-être d’assister aux rares concerts que
nos grands artistes se hasardent de donner à leur béné-
fice (s'il en reste) à leur retour dans leur patrie. — Et
cependant à eux en grande partie l'honneur d’illustrer
la Belgique artistique à l’étranger, car que sont presque
tous les virtuoses, tant violonistes que violoncellistes
qui priment aujourd’hui, ce sont des Belges, ce sont
des magiciens qui soumettent tous les peuples au pou-
voir de leur baguette, leurs compatriotes exceptés; té-
moin le vide effrayant qui vous glace dans nos concerts
payants sans oublier ceux qu’ils ont parfois le courage
de donner dans la capitale. — On répond à leur noble
appel par la maxime peu charitable : Aide-toi, le ciel
t'aidera.
Exposition de l'industrie française.
SUITE DU RAPPORT (1)
Fait à M. le ministre de l'intérieur et des affaires
étrangères par le commissaire du gouvernement belge.
Des aiguilles à coudre.
Il n’y a pas long-temps que la France peut montrer des ai-
guilles de sa façon, et peut-être ne le pourrait-elle pas encore,
si un Prussien, aussi entreprenant que malhabile, ne lui avait
porté les premiers rudiments des procédés de Borcette ; car
c’est à peine si nous devons mentionner les essais faits à Pa-
ris aux frais de l’état parla convention nationale.
M Adam fut, A vrai dire, le premier père des aiguilles fran-
çaises ; car ce fut lui qui érigea en 1819, la première fabrique
i Méronvel prés l'Aigle; mais, après avoir constaté son im-
puissance il appela des associés auxquels il fit dépenser plus
de 500,000 fr. ; leur fabrique fut adjugée en 1824, avec un
zéro de moins, a MM. Dupuy et Delaborde ; elle passa ensuit»
à MM. Marchand et Van Houlein, puis fut reprise, en 1827,
par M. Chevassut, entre les mains duquel s'écroula l'an de
grâce 1831.
C'est parmi ses ruines que s'éleva M. Ventillard, ouvrier
intelligent qui la dirige aujourd'hui avec 70 travailleurs. Le
prix de ses aiguilles, faites avec du fer de Berry, est de t fr.
30c. pour les mauvaises, et de 3 fr. pour les médiocres, le
mille. M. Ventillard se plaint de n’avoir obtenu que la mé-
daille d argent, et accuse son concurrent de ne devoir sa mé-
daille d or qu’a un mélange adroit d'aiguilles anglaises â celles
de sa fabrique: accusation aussi aisée que la fraude a pu l’être
et qu'il était difficile de la constater. Ce concurrent était M.
Cadou-Taillefer, de l’Aigle, département de dOrne.
Quoiqu’il en soit, ce n’est pas sur ces deux champions que
porteront .nos investigations ; il en est de plus modestes qui
ont dédaigné les honneurs de l’exposition et qui n'avaient pas
besoin de cela pour se faire connaître, et ce sont les frères
Rossignol, qui, plus anciens et plus heureux dans leur pioduc-
lion, n'en sentirent pas moins le besoin de mettre un terme
aux déchets énormes qu'ils éprouvaient du fait, de la trempe,
du redressement et du polissage ; ces industriels, qui savent
calculer, eurent le bon esprit d'appelerà leur aide M. Thémar,
ingénieur d'Aix-la-Chapelle, qui alla leur communiquer les
perfectionnements dont il est l’inventeur; depuis lors tout
marcha de mieux en mieux dans leurs ateliers.
A en croire les comptes-rendus des journaux de Paris, les
aiguilles de l’Aigle ne laissent rien à envier aux aiguilles an-
glaises. Nous ne demanderions pas mieux que de le croire,
n’étant l'entêtement des dames françaises qui s’obstinent à
charger toutes leurs connaissances partant pour la Belgique,
de leur rapporter en fraude quelques paquets d'aiguilles an-
glaises qu'on trouve à fort bon compte à Bruxelles. Nous de-
vons seulement les avertir que les fabriques allemandes con-
trefont si bien les papiers, les marques et l’empaquetage
élégant des Anglais, que tout le.monde y est pris comme à la
véritable eau de Cologne de Jean-Marie Farina.
Cependant nous leur enseignerons à distinguer à peu près
les anglaises aux signes suivants : 1“ la rainure est très courte,
et ne s'étend pas en se perdant vers le milieu de l'aiguille;
2° le trou, ordinairement rond et douci, ne déchire pas le
ûl; 3° elles sont parfaitement droites, et la pointe est exacte-
ment dans l’axe; 4° les bleueurs leur donnent un beau poli
en long, sur une meule d’acier et non sur la meule de pierre
que l’on s'obstine a conserver ailleurs. Ce poli en long efface
entièrement les stries circulaires résultant du poli en rond;
5° les anguilles anglaises sont toujours trempées, de manière
â ce que les pointes soient élastiques et les corps raides;
6° elles ont un poli noir fort aisé à distinguer du poli alle-
mand, et ne se courbent jamais.
Rien n’est plus rare qu’un fétu d’acier possédant toutes les
qualités qui constituent une aiguille de mérite, nous dirons
qu’il estde ces petits instruments qui donneut lieu â des tran-
sactions commerciales d’une graude importance relative au
parquet des garçons tailleurs ; il n'est pas rare de voir un
ouvrier offrir un franc d’une aiguille qui a travaillé douze à
quinze jours et qui s’est habituée â traverser les étoffes les
plus dures, sans se casser et sans rompre son fil.
L acheteur retrouve son argent dans la plus grande somme
de travail accompli ; car on doit établir la valeur d’une ai-
guille qui passe vile, â la même échelle que celle d'un cheval
ou d’une locomotive.
Il est vraiment singulier que la France, qui est, sans con-
tredit, le pays de l'Europe où l'on casse le plus d’aiguilles, à
cause des articles de mode que Paris fournit au monde entier,
ait été jusqu'ici privée d une manufacture qui, de temps im-
mémorial, occupe des milliers d’ouvriers â ses portes, et
donue naissance à des fortunes considérables; fortunes dou-
cement progressives, que jamais une déconfiture n’a frappées,
en Allemagne du moins.
On pourrait dire que l'aiguille à coudre a les mêmes ten-
dances que l'aiguille aimantée, à se tourner au nord, puis-
qu’elle s'est portée vers Aliéna et fserlohn, de préférence à
Liège et aux pays méridionaux, où elle a tant de peine à se
fixer.
Nous ne suivrons pas la fabrication de l’aiguille dans ses
détails connus, nous croyons qu'il est superflu de nous extasier,
avec les touristes, sur I adresse et les bons yeux de ces ou-
vriers nains, qui percent mille petits trous d’aiguille pour 75
centimes, et enfilent un cheveu dans un poil do moustache.
Celle race de perce-aiguilles manque ailleurs, et il a donc
fallu chercher à la remplacer par des machines à percer et à
rainer, machines qui exigent une grande précision, mais qui
sont loin de faire gagner quelque chose aux aiguilles, en
bonté ou en régularité. Du reste, on ne saurait espérer d’éta-
(I) Voir notre numéro du 16.
blir à l'étranger une manufacture d'aiguilles sans ces moyens
mécaniques, à moins de se rendre coupable du rapt d’enfants
mineurs sur le terroir qui les produit.
Parlons maintenant de la trempe de M. Thémar, et décria
vons son seeret le mieux possible; car il peut servir à tout
autre objet qu aux aiguilles.
Il faut savoir, d'abord, qu’une bonne aiguille exige une
trempe a caractère, cesl-â-dire.quicasse plutôt que de plier;
mais elle doit résister, et faire ressort delà tète à la points
pour bien traverser les étoffes épaisses.
Si l’on considère la difficulté de donner à un petit instru-
ment de dimensions si variées, un degré de trempe uniforme
etcapablede remplir toutes les conditions qu’on en exige, il
ne faut pas s’étonnor du soin qu’apportent les Anglais à se
munir d'une qualité d’acier fin et tenace, là où les Allemands
n'emploient qu’une sorte d’étoffe d acier mêlée de fer, qui ne
peut résister, ni recevoir le poli complet, ni une trempe suffi-
sante. Aussi répandent-ils, sous la marque anglaise, des mas-
ses d'aiguilles de toutes formes et dimensions, qui se vendent,
il est vrai, à très bas prix; ce qui ne constitue pas inoius
une action déloyale de contre-façon, dont la répression serait
delà plus haute importance et devrait faire l’objet d’une
convention internationale ; car ce crime commence à se glis-
ser en toute sorte de choses.
Voilà pourquoi nous avions proposé d’étendre à tous les
pays civilisés la propriété industrielle des inventeurs , avec
le droit de poursuivre la contrefaçon devant les tribunaux,
chez tous les peuples entrés dans cette confédération protec-
trice des oeuvresde l’intelligence.
Un brevet accordé, un dessin, une livre, un firme, un mo-
dèle, déposés dans un pays quelconque, par un inventeur ou
un auteur , devrait en assurer réciproquement ia propriété
partout.
Nous ne cesserons de le dire, la libre concurrence et l’im-
punité des contrefacteurs ont fait du commerce un vaste ate-
lier de fraude ; c'est à qui trouvera le moyen de déguiser,
d’adultérer, de frélater ses produits ou ceux des autres ; les
honnêtes industriels eux-mêmes sont souvent sollicités, et
quelquefois forcés de fabriquer de mauvaise marchand se,
sous peine de n’avoir rien à faire. Par exemple : un Macaire
étranger viendra dire aux entrepreneurs d armes de Liège :
Je vous prends dix mille fusils, mais je les veux à huit francs,
arrangez-vous en conséquence ; il dira aux fabricants de cou-
teaux de Namur • Je ne tiens pas a ia qualité des lames, mais il
me faut de l’apparence pour cinq mille francs ; apparence qui
me fera plus de profit que la réalité à vingt mille francs, etc.
Pour donner une idée de l’effronterie de ces tripoteurs,
surtout quand il s'agit de tromper les habitants d'outre-mer,
nous rapporterons le trait suivaut :
Quand les frères L'Landers, serviteurs et compagnons de
Claperton et du major Laiug, furent décidés à repartir pour un
voyage de découverte en Afrique, ils chargèrent un courtier
de leur composer une pacotillpa l'usage des habitants de la
côte de Guinée, en recommandantd y joindre une forte partie
d'aiguilles; l'honnête chargée d’affaires s'adressera aux fabri-
cants anglais qui ne voulurent pas consentir à déshonorer
leur firme par l'action infâme qu’il leur proposait ; mais il
trouva son affaire chez les contrefacteurs du continent, et
quand les deux voyageurs arrivèrent eu Afrique, et qu’ils
eurent débité leurs paquets, ils virent, peu de temps après ,
nous les acheteurs, rapportant, de trente à quarante lieues
les malheureuses aiguilles, elles étaient pas percées !
Nous ne savons ce que sont devenus ces infortunés négo-
ciants ; mais nous serions étonnés qu’ils n’eussent pas été
massacrés, les barbares étant moins endurants, à ce qu’il
paraît, que les civilisés sur l’article de la conscieuce ; car.
dés que le commerce se fait à l'abri d'un arsenal de lois et de
tribunaux, la bonne foi semble perdre ses droits, et le débi-
tant qui met encore de la probité dans ses fournitures, est
traité de niais par les adeptes de la haute pègre commerciale.
Il est même reçu de ne parler qu’avec mépris de celui qui,
pouvant faire fortune par un moyen quelconque, a été arrêté
par des scrupules de conscience (i); car la fortune est tou-
jours honorée, n'importe d’où elle vienne. Lucri bonus odor,
ex re quâlibet : malheureusement la valeur intellectuelle n’a
pas plus de cours aujourd’hui dans les gouvernements, que la
valeur morale dans le commercede détail.
Il y a des spéculateurs qu: embarquent sans destination, et
seulement pour leur faire courir les risques de mer, de gran-
des quantités de mauvais produits qu’ils font assurer comme
bons, jusqu’à ce qu’ils aient la chance assez favorable pour
que leurs aiguilles trouvent leur placement dans le pays des
sirènes.
Il est même, en ce moment, des individus splénatiques,
qui s’en vont courir les mers après s'être fait assurer, sans
autre but que celui d éprouver quelque sinistre qui mette les
assureurs dans l’impossibilité d'attribuer leurmorta un sui-
cide, et d'en contester le prix à leur famille.
Presque toutes les aiguilles allemandes sont faites en fil de
fer cémenté. La fabrique de M. Rossignol à l’Aigle n’en fait
pas d’autres; mais elle est bien loin encore de pouver fournir
aux besoins de la France, car, il en est encore entré, en 1838,
pour plus d’un million et demi, sans compter la quantité peut-
être aussi grande qui s’est introduite en fraude.
Le trois fabricants d'aiguilles françaises n’en font pas pour
plus de 300,000 fraucs et d une qualité fort secondaire.
On voit donc qu’il reste une belle marge pour létablisse-
semenl d une fabrique d’aiguilles anglaises, en France ; mais
il ne serait pas prudent de tenter l’entreprise sans ouvriers an-
glais ; car leurs produits possèdent une égalité de trempe,
qui dénote un système fixe et régulier dout les Allemands
croient pouvoir se passer ; on peut dire que la trempe se fait
encore chez ceux-ci, au petit bonheur, lautôt bien, tantôt
mal. aussi éprouvent-ils souvent une casse énorme, que Ion
peut comparer à celle des fabricants de vin de Champagne
Si cette casse n'est que de 5 a 6 p. C-, le vin nëst pas mous-
seux et l'aiguille nëst pas raide ; si la casse s'élève a 50 p. c ,
la perte est trop forte ; la bonne casse, la casse qui dunne la
qualité et la quantité ; laçasse normale doit rester dansles
limites de 5 à 20 p. c , aussi bieu dans les fabriques de Bor-
cette que dans les caves d'Aï.
Trempe des aiguilles.
Nous avons promis de revenir avec quelques détails sur la
nouvelle trempe des aiguilles, avec laquelle M. f héinar a
préservé la fabrique de l’Aigle des nombreux déchets qui la
ruinaient. Voici quel est son système : ^
Un morceau d’acier, de quelque forme et qualité qu’il soit,
étant porté au rouge cerise, s’il est trempé, non dans un bain
froid, mais dans un bain chauffé au degré correspondant â
celui du revient qu’on désire. On obtiendra du premier coup
la meilleure trempe possible, sans être obligé de faire par-
courir a l'acier toute l'échelle du pyrométre, c’est-à-dire de
te faire passer subitement de quinze cents degrcs â zéro,
transition brusque qui agit sur les uerfs de l’acier, de manière
à le faire tortiller, gercer et souvent éclater, tandis qu en
bornant le refroidissement au degré même du recuit, on
(I) Nous en parlons par expérience; ayant été nommé, au
temps du choléra, commissaire de la Belgique a Lille, pour
forcer les voyageurs à faire une quarantaine de six jours
avaot de leur délivrer un passeport sanitaire, nous avons non
seulement donné gratis plus de vingt-cinq mille signatures
pour les personnes et les marchandises, mais nous n ayons
cessé de repousser toutes les offres d’argent qui nous étaient
faites, soit pour abréger le temps de la quarantaine, suit pour
laisser entrer les paquets provenant des zônes infectées.
Bien que le préfet nous eût appris lui-même que, remplis-
sent une mission consulaire, nous avions le droit de Fbire
payer notre signature, nous no pûmes jamais consentir à pré-
lever un impôt sur les Français, dans une ville de France.
Ce scrupule nous a fait repousser une fortune considéra-
ble. ce dont personne ne nous a su le moindre gré . mais on
nous a regardé comme uu imbécile, et nous n avons pas meme
reçu la médaille du choléra qui fut si prodiguée.
□'aura pas dépassé le but, et par conséquent on ne sera pas
obligé de revenir sur ses pas (2).
Tous les bains métalliques, pourvu qu'ils aient ie degré dé
recuit désiré, sont bons; mais l'huile est certainement le baie
le plus convenable, d’abord parce que les corps légers ne res-
tent plus flottants a sa surface comme sur les bans métal-
liques; l’huile a encore l’a<antage du meilleur marché, et avec
elleon obtient une trempe également distribuée de la pointe â
la tète.
Les aiguilles à tricoter, qui sont fort difficiles â bien trem-
per à cause de leur longueur, et qui se gercent et se tortillent
dans l'eau froide.se comportent on ne peut mieux dons l’huile.
Il est vrai qu’on redresse ensuite les aiguilles courbées,
avec le marteau ; mais il en reste des empreintes qu'il est dif-
ficile de faire disparaiire.
Nous ne voulons pas énumérer ici les nombreux avantages
de la trempe à l'huile, avautages qui se propagent dans les
opération subséquentes ; il uuus suffira de dire que la diffé-
rence est de nature à changer la marche d'une fabrique, de
perte â gain.
Ce qui se passe dans la trempe de ces petits outils, dont on
peut aisément étudier la fracture, se passe également dans
toute pièce petite ou grande qui n'exige pas une trempe dure
et cassante, mais une trempe modérée et conveuable aux
différents usages de la mécanique.
L’huile a réellement aussi la faculté de donner du corps â
l’acier, ou peut-être d'empêcher qu'il n’en perde, sous l’action
de l’air et de l’eau; ce qui le prouverait, c’est que cette
trempe peut être répétée très long-temps sur ie même acier,
sans détériorer sa qualité première (3). c’est-à-dire que le
carbone qu'il perd a la forge lui est rendu par l’buile qui est
un des corps les plus carburés que l'ou connaisse. L’acier
n'épouvant pas non plus, à la trempe au bain il'huile, cette
contraction dangeureuse que nous avons signalée, il s’ensuit
que la tourmente de se» molécules s’exerce dans des limites
beaucoup moios étendues,elle peut par conséquent se répéter
plus souvent que dans l'ancien système (4). cette trempe est
d’ailleurs ia plus expéditive et la plus commode que nous
connaissions; un excès de chauffe nëst pas même nuisible à
l’acier trempé dans Fhuile, comme il l’est à l'acier trempé
dans l'eau ; même laison que la précédente, — reprise du
carbone, — vérification du procédé de la trempe à la résine,
dont nous avons déjà parlé.
Nous résumerons cet article un peu long. ni3is d'uo puis-
sant intérêt pour nos fabricants, par déclarer que le secret
de la trempe consiste, désormais, dans l’établissement d'un
moyen quelconque de chauffer également les objets d'acier,
dans toutes leurs parties et da ns la préparation d’un bain
d'huile, amené â une température correspondante à celle du
revient que l on donnait auparavant à chaque pièce; on peut
alors où retirer les objets qu'on y plonge, ou les laisser re-
froidir dans le bain.
On voit combien il est aisé de tremper de la sorte des mas-
ses de coutellerie, d’armurerie, et surtout les ressorts de voi-
ture qui ne seront plus sujets à ces inégalités de résistance
qui entretiennent la défiance et font préférer la marchandise
étrangère, dont il serait souvent plus aisé d’imiter les bonnes
qualités, que les marques, les poinçons et l’apparence exté-
rieure.
Nous devons témoigner ici nos remerciments à M Thémar,
pour nous avoir permis de divulguer un procédé d’une utilité
aussi majeure, et qui s’accorde si bien avec ia bonne théo-
rie (5). JOBARD.
(Extrait du Moniteur belge.—La suite à un prochain n°.)
COMMERCE-
Place d’Anverg, 15 jtmvler.
CAFÉ — Il sëst encore traité 300 balles Brésil de 29 à 29
1|4 cents. Les autres sortent restent inactives.
COTON. — Point d'affaire à citer depuis les 106 balles
d’Amérique, annoncées hier. Le 3 mâts américain Yorck, au
bas de la rivière, venant de la Nouvelle Orléans, importe
1110 balles.
SUCRE BRUT. — On a fait environ 120 caisses Havane
blond ordinaire, à un prix qui nëst pas rapporté.
Les autres articles n’ont rien offert aujourd’hui de saillant.
(2) Il est probable que celte trempe conviendrait aux cyl in-
dres des laminoirs d'acier, qui sont les pièces les plus difficiles
à réussir. #
Nous devons cependant dire que M Griset, fabriquant de
plaqué à Paris, vient de découvrir, par hasard, que l'acier
fortement récroui ne se casse plus à la trempe. Voici ce qui
donna lieu à cette découverte : Pressé un jour de se servir de
deux forts cylindres d’acier tout neufs, qu’il n'avait pas la
temps de tremper, il les fit travailler tels quels pendant trois
ou quatre semaines; mais voyant qu'ils commençaient à se
détériorer, il les trempa et fut très surpris du succès.
Il exploite aujourd hui ce procédé qui ne consiste, comme
on voit, qu’à comprimer ou récrouir vigoureusement l'acier;
avant de le tremper.
Nous avons, en Belgique, aux usines de Clabecq, un vieil’
ouvrier qui réussit parfaitement dans la fabrication des cy- •
lindres de laminoirs en fer cémenté ; il est aussi le seul qui
confectionne des creusets en fer battu pour la fonte des mon-
naies; les Français no réunissent pas ces pièces aussi bien que >
lui,et pourtant personne,ou du moios très peu de monde,,
sait que nous avons de pareils produits exceptionnels aux por- -
tes de ia capitale, à défaut de publicité.
(3) Cette faculté de retourner souvent au feu, sans perdre-
son carbone, est de la plus haute importance dans la fabrica-
tion des armes de prix.
Deux ouvriers des plus habiles de la manufacture de Solin-
gen, avaient do fréquentes disputes au sujet de leur talent,
réciproque ; le directeur, pour y mettre fin. leur proposa Je
‘ concourir â qui ferait la meilleure épéetonmoisaprès.ilssepré-s
sentaient tous les deux devant un jury d’ouvriers compétents.
L’un saisit la pointe de son épée et lui fait toucher la garde,
la lame part et se redresse sans garder la moindre courbure,
l’aulre ne portait rien qu’une espèce de tabatière sur le cou-
vercle de laquelle il visse une monture, touche un ressort, et
l'épéejaillit de la tabatière dans laquelle elle avait élé roulée
comme un serpent. A ce coup de maître, le rival s'inclina et
proclama son adversaire roi de l’épée.
(4) Les idées ne s’étendent pas toujours fort loin dans les
anciennes fabriques ; on tient scrupuleusement aux vieux
procédés, pourvu qu’ils aillent passablement : mais personne
ne tente de les améliorer : par exemple, il n’y a pas long-
temps que l'on connaità Aix-la-Chapelle la manière attgl.vso
de polir les aiguilles. Ce fut seulement vers 1783 que la mai-
son Pastor de Borcette envoya un de ses ouvriers outre mer,
pour apprendre, qu'au lieu d huile les Anglais mêlaient du
savon a la potée d’étoin;car l’huile à l’inconvénient d’engluer
les aiguilles d une sorte de cambouis qu’il est très difficile
d’enlever quand il sëst un peu durci.
Cet Ariionaute prussien fit très bien valoir les dangers qu il
croyait avoir encourus à la conquête de cette toison, que nul
dragon ne gardait ; car cette découverte fort simple que n’a-
vaient pourtant pu faire toutes les têtes réunies des fabri-
cants d’aiguilles, fut pour lui une source de fortune.
(5) M. Thémar vient de nous faire connaître que , si quel-
ques établissements se trouvaient embarrassés pour l'appli-
cation de la trempe à l'huile, ii se mettait à leur disposition
pour les seuls frais de uCplacement et le plaisir d être utile 4
i’industriede la Belgique. |