Full text |
pies
(.1. 553.)
ON B'ABONNK
i Anrers, au Bureau dB
rburseur, rue des Fa-
ts N°1095, ou se trouve
ue boite aux lettres et où
vent s’adresser tous lei
a nis ;
< hargeanl ,
Mer Noir#*8-
doublé Belgique et à l’étran-
janvier, oAr, chez tous les direc-
s interromBars des postes.
. .. Ja Paris, A l'Office-Con-
eeimncBsp0n|]|lnce ,je b,epe||B.
Iler’ . . ler-Bourgoiu et comp.«,
, eapitairBgftotre-Dame-des-Vic-
( Co navirMjrjj N° 18.
1MVERS , mercredi 19 DEilDlBRE 1§S§.
(Quatrième Année.)
LE PRECURSEUR
JOURNAL POLITIQUE, COMMERCIAL, MARITIME ET LITTÉRAIRE.
PAIX.
1IBEBTÎ.
PBOOHÊI.
ABONNEMENT.
Par An........ 60 fr*
. 6 mois.... 30
> 3 » ..15
POUR LA BKLGIQUB.
Par 3 mois.... 18 fr.
POUR L'BTRAXGER.
Par 3 mois.... 00 fr.
ANNONCES.
25centimes la ligne.
Laquatriéme page, con-
sacrée aux annonces est
affichée à la bourse d'An-
vers et à la bourse de*
principales villes de com-
merce.
5 marchnnl
prendrait]
mations
re, ou am
>u Valider
. LeüloineJ
i » 25.-)
ers.
- Le nnvira
r capitaine
fin de ce
me grande
it.
•mations
, courtier
is Æolu»,
inzaine.
édtiis Ma\
cju i nzaino.
adresser
î 243)
A Vf RES
RISARJ
ilLY.
•*lge Ne)
ourant.
12Ö4)
is ./ubileti
éc. (12551
iiie Ledal
mer, poiin
lises pOUll
pour les y
non à sel
lesquels iü
(1205)
Frédéric!
tir venlflT
eveen Otf|
20 4)
mei FanI
le 20 déc J
d’Anverif
(1193)
ercuriui,\
int.(l214jf
eu ne 674-1
lécemhro.l
-Cas'ioriJ
(1215)
fret fro* |
Fers le 2*
(1210)
bourgeoiil
rrrs le 351
(11921
VY.
a Ceths*.
i courant-*
-CavuiaX,!
(1224)
t Quisi, )
re, pour
lieis lœ* '
194)
’lolhilie,
assagie'i,
Cayin.l,
(1179)
'1RES
I Fil»'
la , cp.
(1219)
Le brick
Crando.
étions é
courtier
07)
f'riend•
menti
1207) .
rien Sy-
ju pril»
1208)
roedersp
nn« prié-
;1208)
iBBI
ER5A»
18 Décembre.
DU DISCOURS DU ROI DE FRANGE.
Si quelques personnes espéraient trouver dans le
(iscours du roi de France . quelque chose de signifi-
ai, concernant la question Hollando-Belge . elles
lut été complètement déçues , car rien n’est moins
[tplicile que la partie de ce discours relative à la so-
ution de nos affaires. Voici la seule phrase qui y ait
Rapport :
« Les conférences ont été reprises à Londres sur les
paires de la Belgique et de la Hollande. Je ne doute
pas qu elles n’aient une issue prochaine et pacifique,
donnant à l’indépendance de la Belgique et au repos
ilEurope une nouvelle garantie. »
Et certes il serait difficile de rien imaginer de plus
bue. Le sens apparent en est tellement élastique, que
Ion peut en tirer les conséquences les plus opposées.
Tour nousnous n’y voyons qu’unechose,c’est qu’avant
t, l’on tient à maintenir la paix,c’est que pour ar-
•iver à ce but, la France, suivant la ligne de conduite
belle a suivie jusqu’à ce jour, n'a nullemeni l'inten-
ta de faire de la question Hollando-Belge une ques-
tion de guerre, et qu’elle ne s’élèvera pas seule à l’en-
fontre des décisions de la conférence. Au reste, pour
bien commun, il est vivement à désirer qu’il en soit
|insi et que nos différends avec la Hollande soient ter-
mes d'un manière pacifique.
[La Belgique y est, nous semble t-il, plus intéressée que
ptautre pays , car quel bouleversement la moindre
erre ne jetterait-elle pas dans toute sa fortune? Son
sdustrie, même dans la situation actuelle des choses,
«i loin d’étre fortement assise, et I on vient d’avoir
lime triste leçon à cet égard : que serait-ce donc si des
dissensions plus graves survenaient, s’il éclatait une
Perre dont il fût impossible de prévoir l’issue , si le
(rédit pulic, déjà ébranlé, venait à faillir ? Puisse la
lfermeté des gouvernements et la sagesse des peuples
nous préserver des désastres qui en seraient iniman-
(iiablemeDt Je résultat.
|iPFAIRE DE LA BANQUE DE BELGIQUE.
La mesure qu’a été forcée de prendre la Banque de
dgique était trop grave dans les circonstances ac-
Ituelles, pour ne pas exciter au plus haut point l’in—
fiiélude générale. C’était en effet une malencontreuse
«implication apportée à nos affaires politiques, et
l’un autre côté, cette banque étendait si loin son ac-
tion, elle avait aidé avec tant de force au développe-
ment du travail, que la seule absence de l'appui
ju’elle prêtait aux établissements industriels devait
litre craindre de malheureuses catastrophes. El corn-
lien de conséquences déplorables sous tous les rap-
ports et pour tout le monde ne se rattacheraient pas à
|le pareils événements !
11 importe donc au plus haut point d’empêcher
Ifie quelque chose de semblable arrive, et nous voyons
Hoc une très grande satisfaction que l’on cherche à
hmortir le plus possible un coup aussi funeste. Le
tommerce et le gouvernement s'en occupent avec une
hgalesollicitude. Le langage des journaux de Bruxel-
Fcuillcton «lu Précurseur.
YOLANDE.
Mt des femmes qni pensent tard, la pensée n'est éveillée
•»elles que par le sentiment ; elle ne manquent pas d’esprit,
luis leur esprit vient du cœur; avant d’avoir aimé elles n’ont
1ut des idées vagues, leurs désirs sont sans volonté ; l’amour,
1 passion peut seule leur faire comprendre qu’elles ont un
•e arbitre.
Telle était Yolande de Rocmarline . une des plus nobles
l(ancs elles de la Provence , cette vieille terre de la grande
•Ostocratie. La mère d’Yolande avait émigré; rentrée en
rnncc, veuve et presque sans fortune, elle racheta à grande
Mne le vieux châteaude sesancèlres qui dominait un village
I "t le* habitants, autrefois ses vassaux, étaient devenus, par
'confiscation et la vente de ses biens , ses co-propriétaires.
*e malheur avait rendu la marquise de Rocmarline plus fiére
"Plus hautaine; ses prétentions nobilaires . renforcées par
•ne dévotion rigoriste , la faisaient invulnérable a toute idée
•onveile; elle se croyait encore femme d'un président au
P'j’lement et reine de la capitale du comté.
°He avait deux enfants : un fils, héritier de tous les titres
"* *a haute maison, médiocre intelligence, qu’elle faisait éle-
’*c dans un séminaire; et Yolande, plus âgée que son frère,
‘•nfièe depuis son enfance aux Ursulines de la ville d'Aix.
o.nude ne voyait sa mère qu’une ou deux fois par an ; elle
"il involontairement pour elle plus de respect que d'a-
®#ur, de ce respect de crainte qui glace l'ame prête à s’épan-
"er- et non de ce respect de vénération qui nous attire com-
eun réfuge. A dix-huit ans elle sortait du couvent ; son
! ®e sommeillait encore, rien n’aurait pu lut donner l’éveil
ans ce cloître aux règles sévères. Ou avait appris à Yolande
*!ez Passablement la grammaire française . un peu de musi-
?e.et les ouvrages d'aiguille ; en histoire elle connaissait des
i“|csês arides, renfermant des dates, des noms et peu de
I'181 pour toute littérature le poème sur la Religion de Louis
•cine Ce qu’Yolande avait reçu de la nature valait mieux
r.® c« qu’on lui avait enseigné : elle avait une de ces voix
«les et rares dont les vibrations étendues et touchâmes
"aient naître l'émotion ; lorsnu’ello chantait nieusement
lorsqu’elle chantait pieusement
<—es cantiques où l'amour divin s’exprime parfois en
profane, elle trouvait des élans do tendresse ineffable
les est unanime pour l’attester, et peut déjà rassurer
les esprits: voici ce que nous lisons dans l'Obser-
vateur :
Nous avons reçu hier à midi communication des faits
suivants dont nous pouvons garantir à nos lecteurs l'en-
tière exactitude :
Vivement frappé des conséquences déplorables que
pourrait entraîner une plus longue interruption des
paiements de la Banque de Belgique, le tribunal de
commerce de Bruxelles a fait, dans l'intérêt du public,
une démarche auprès des ministres pour les engager à
prendre des mesures efficaces et qui puissent câliner les
esprits. Il lui a semblé que ce but pourrait être atteint,
si le gouvernement garantissait, au nom de l'Etal, le
remboursement des billets de la Banque de Belgique
pour une époque déterminée , et fixée, par exemple, à
quatre ou cinq mois. Dans l'intervalle, les détenteurs
des billets pourraient les faire escompter, la Banque
achevant ses entreprises. D’après l'accueil qui a été lait
par les ministres à MM. les membres du tribunal de
commerce, il y a lieu d’espérer que leur demande sera
prise en considération , et que, dans le conseil des mi-
nistres qui a du avoir lieu hier au soir, des mesures
propres à calmer les inquiétudes du public seront défi-
nitivement arrêtées.
Nous ne doutons pas que la démarche du tribunal de
commerce n’obtienne l’approbation générale.
MM. Van Overbeek et Mascard, avocats, fondés de
pouvoir des administrateurs de la Banque de Belgique,
ont présenté hier à la cour d’appel une demande à l’ef-
fet d’obtenir un sursis de paiement en faveur de cet éta-
blissement.
Par suite de cette demande, les principaux créanciers
de la Banque de Belgique, ont été convoqués en assem-
blée générale par devant le collège des bourgmestre
et échevins de la ville de Bruxelles. M. Van Volxem s
présidé l’assemblée. Les agents de la Banque ont dépo-
sé sur le bureau le bilan de la Banque, et l’assemblée a
été consultée d’abord sur la question de savoir si ce bi-
lan lui paraissait probable.
L’assemblée a déclaré, à une grande majorité, que le
compte lui paraissait probable.
On a demandé ensuite s’il convenait d’accorder un
sursis.
A la meme majorité, il a été décidé qu’il y avait lieu
d’accorder un sursis de trois mois.
On peut donc, d'après cela, espérer que l'embar-
ras actuel de la Banque cle Belgique n’aura pas les
fatales conséquences que l’on pouvait craindre.
LA POLOGNE MISE AU PILLAGE,
Posen, S décembre.
La pauvre Pologne, comme si ce n’était pas assez des
malheurs et des humiliations qu’elle a déjà essuyés,
vient maintenant d’étre livrée au pillage du corps de
cavalerie caucasienne,cette terrible garde prétorienne
du feld-maréchal Paskiewitsch. Immédiatement après
la découverte de la conspiration de Wilna, le gouver-
neur-général a ordonné à ce corps de remplir les fonc-
tions de gendarmerie ; il l'a chargé de la mission de
parcourir le pays en tout sens pour rechercher les mé-
contents et les conspirateurs, et à cet effet il a donné à
tous les officiers et sous-officiers de celte troupe l’auto-
risation d’arrêter toutes les personnes qui leur semble-
raient suspectes, et de faire des perquisitions domicï-
vers Dieu, où se trahissait la sensibilité d’une ame qui s’igno-
rait encore A dix-huit ans. la seule poésie d’Yolande était
sa voix ; en l’écoulant chanter on comprenait que cette
femme saurait aimer ; mais si on avait interrogé son cœur
on l’aurait trouvé muet. Elle était fort belle ; elle avait de
sa mère, cequi l’avait rendue très fiére dans sa jeunesse , une
taille élevée et majestueuse, un port imposant, une tête ad-
mirablement posée sur un beau cou de cygne . des pieds et
des mains aristocratiques, tout cequi fait dire d’une femme
quand elle entre dans un salon ; « Elle est d’un haut rang ! »
Elle avait de plus que sa mère, pour énivrer et ravir . un de
ces teints purs où se reflètent les sensations , où le sang écrit
ta pensée ; un œil noir , grand et limpide, qui n’exprimait
encore que la candeur et une caressante bonté . mais qui
serait irrésistible du jour où il exprimerait l’amour; puis
avec cela la séduisante fraîcheur d’une jeune fille vivant dans
un calme insoucieux ; sanssouvenirs amers, sans prévisions
douloureuses.
La bonté, la douceur étaient les seules qualités d’Yolande
bien nettement dessinées ; elle quitta avec douleur ses amies
d’enfance, et éprouva une sorte d'effroi plein de timidité, en
se trouvant seule avec sa mère dans le vieux château seigneu-
rial de Rocmarline.
« Je vous marie dans quinze jours, lui dit la marquise : pré-
parez-vous à ce grand acte avec piété. L’homme que je vous
ai choisi est croyant, noble et riche ; je bénis Dieu de m’avoir
dirigée. »
Yolande écoutait avec étonnement et sans bien compren-
drejee qu’on lui annonçait.
« Ce sont des vœux éternels que vous allez faire, continua
la marquise ; Dieu vous protégera si vous les tenez. »
L’idée d’une novice qui prend le voile se présenta involon-
tairement à l’esprit de la jeune fille ; elle ne s'en effrayait
point ; rien ne la préoccupait alors. Lo vieux château de
Rocmarline prit un air de fête, l’étiquette l’exigeait. Le frère
sortit du séminaire pour assister au mariage de sa sœur ;
quelques nobles familles furent conviées. Ce mouvement
charmait Yolande par sa nouveauté et l'empêchait de penser;
on lui avait présenté son fiancé ; elle avait été surprise, mais
rien de plus.
L’époux que la marquise destinait à sa fille était un type
de gentilhomme campagnard, impayable pour exciter l’hilari-
té d’un Parisien blasé qui va chercher aux champs quelques
éléments de cette franche gaîté, délassement des fatigues et
des tourments de l'intelligence. Le comte de Villabren, héri-
tier du domaine de ee nom qui lui rapportait quinze mille
liaires partout où ils le jugeraient convenable. Les mi-
litaires asiatiques n’ont pas tardé à se mettre en roule,
mais au lieu de rechercher des criminels politiques, ils
maltraitent les habitants, ils pillent les maisons où ils
sont logés, ils violent les femmes, et ils vont jusqu’à se
faire payer par les citoyens des contributions en argent.
On a vu des détachements de celte cavalerie s’emparer
de troupeaux entiers de bœufs, de moutons et de che-
vaux, et les vendre publiquement dans les villes voisi-
nes. Des officiers supérieurs se sont meme chargés de
fournir des bestiaux aux marchands prussiens, et des
chevaux aux commissaires de remonte de l’Autriche.
Toutes ies plaintes qui ont été adressées à ce sujet au
feld-maréchal Paskiewitsch sont restées sans résultat.
L'Alter ego du czar répond aux citoyens outragés et
lésés dans leurs intéréts ; « Je n’y puis rien. Ce sont
des extravagants qui n’entendent pas raison. » Et peur
peu qu’on insiste sur sa réclamation, le gouverneur-gé-
néral se fâche et dit : « Tout cela est votre propre faute,
pourquoi faites-vous du patriotisme mal à propos. Soyez
tranquille, et l’on ne vous inquiétera pas, autrement
on fera occuper militairement tout le pays, et alors vous
verrez bien d’autres choses. »
ESPAGNE.
(Correspondance particulière.)
Madrid, 10 décembre. — La gazette de ce jour contient en-
fin les décrets de nomination des membres du nouveau cabi-
net composé de la manière suivante : Présidence du conseil
et affaires étrangères, M. Evariste ferez de Castro, homme
capable et vieilli dans la diplomatie dont il a fait une longue
étude. [I remplit en ce moment les fonctions d’ambassadeur
d’Espagne à Lisbonne; un courrier extraordinaire lui a été
expédié pour lui porter sa nomination. La présidence du con-
seil, en attendant son arrivée, sera confiée au général Alaix,
et le portefeuille des affaires étrangères sera géré par M.
Charles Ouis. Le ministre de la guerre est le général Alaix;
ministre des finances, M. Pizarro ; on peut dire que ces deux
ministres exerceront toute l’influence et dirigeront les affaires
du cabinet.
M. Hompanera, député, est appelé au ministère de l’inté-
rieur. Connu seulement par l'emploi peu‘;imporlant qu’il a
rempli à la députai ion provinciale de Païencia, ce nouveau
ministre a besoin d’agir avant d’être jugé d’une manière im-
partiale ; le public attendra ses actes.
Le ministère de la justice est donué à M. Arrazola , député
de Valiadolid.
La marine à M. Chacou ; le général Alaix demeure chargé,
ad interim, de ce portefeuille jusqu’à ce que le titulaire soit
arrivé de la Coroguc.
Le ministère ainsi constitué est décidé à marcher, et «'il
rencontrait de la part des chambres, une trop forte opposition,
on croit que ses principaux membres seraient décidés à em-
ployer d'énergiques mesures.
Aujourd'hui, ii a été donné lecture à la chambre du décret
qui annulle celui qui avait ordonné la formation de l’armée
de réserve et des ordonnances royales qui nomment les nou-
veaux ministres.
Le général Cordova a adressé au ministre de ta guerre un
rapport sur sa conduite et sur les motifs qui l’engagent à sup-
plier la reine de vouloir bien accepter la renonciation for-
melle et complète de tous ses grades, emplois et décorations.
FRANCE. — Paris, 17 décembrt.
Aujourd’hui, lundi 17. le roi a fait l'ouverture de la
session des chambres dans la salle des séances de la
chambre des députés.
A 1 heure le roi est sorti des Tuileries pour se rendre
au palais de la chambre des députés.
francs de rente, était un homme court et replet qui, à cin-
quante ans, ne se sentait pas vieilli, et dont le visage forte-
ment coloré tenait de la pomme d’api et de la betterave. Son
œil petit et rond semblait goûter à ce qu'il regardait, si je
puis m'exprimer ainsi : sa lèvre épaisse était friande et
pleine de convoitise : on voyait que cet homme avait des
sensations, mais de sentiments point. L’instinct de ses
intérêts remplaçait en lui l’intelligence ; il avait certai-
nes connaissances en agriculture; nul ne vendait mieux
que lui ses huiles et ses vins ; il chiffrait assez bien ,
mettait forthographe à demi. et avait lu en sa vie quel-
ques volumes dépareillés de Voltaire, dont il parlait fort plai-
samment En fait d’art il connaissait à fond l'art culinaire:
il en aurait remontré à sa cuisinière sur l'assaisonnement d’un
civet ou d’une brandade. La chasse était sa passion, non cette
noble chasse du Nord où l'on combat avec ardeur, où l'on
poursuit à cheval le cerf ou le sanglier, mais la chasse timide
du piéton indolent et gourmand qui épie, couché dans les
hauts blés, la caille ou la juteuse perdrix rouge qu’il voit en
perspective sur sa table. Jusqu’à cinquante ans les plaisirs
de la chasse et de la table remplirent la vie du comte de
Villabren ; il quittait peu ses terres. Dans les rares visites
qu’il faisait à Aix. à ses parents, gentilshommes proven-
çaux, il avait cherché à se marier ; il tenait à l'argent et aux
litres, et les jeunes filles, riches et nobles, ne voulaient
pas de lui. Cependant, craignant de voir s’éteindre l'illus-
tre race des Villabren, cl s'apercevant que ses cheveux
grisonnaient, il rechercha Yolande de Rocmarline qui était
titrée, mais sans fortune. Ce choix le posa bien dans l’esti-
me des gentillâtres campagnards; on le proclama tout-â-
fait bonhomme, éloge banal qu’on donne aux êtres qui n’ont
que des qualités négatives. Yolande vit le comte de Villabren
avec indifférence, comme tous ies hommes qui avaient passé
devant elle.
Le jour du mariage était arrivé, la marquise de Rocmar-
line , après avoir présidé à la toilette de sa fille, l’avait quit-
tée pour donner des ordres; Yolande était restée aveedeux de
ses cousines, jeunes filles insouciantes comme ello. mais dont
l’esprit, quoique peu cultivé, avait pourtant des jets lumineux
qui les éclairaient déjà sur la vie. Tout en nouant le large
ruban qui serrait la robe de tulle et de satin de la mariée,
tout en posant sur son sein la rose blanche, dans ses cheveux
l’oranger virginal et le beau voile en point d Angleterre
qu’elles admiraient avec envie, lesjeunes filles rieuses jetaient
à Yolande quelques images bouffonnes sur l’homme qui lui
avait donné tous ces beaux atours et dont elle allait devenir
LL. AA. RR. les ducs d’Orléans et d’Aumale étaient
dans la voilure de S. M.
La voilure du roi était escortée par des détachement*
delà garde nationale achevai.
MM. les aides-de-camp de service, les écuyers et le*
officiers d’ordonnance de S. M. se tenaient de chaqu*
côté de la voilure.
Les autres voitures étaient occupées par MM. les ai-
des-de-camp du roi et des princes.
Un grand nombre d’officiers-généraux s’étaient joint*
aux états-majors de MM. les lieutenants-généraux Pajol
et Daniule.
Depuis les Tuileries jusqu’à In chambre des député*
en longeant le quai , la haie était bordée à droite par
de nombreux détachements de diverses légions de la.
garde nationale et à gaucho par la troupe de ligne.
Des salves d’artillerit ont annoncé le départ et l’arri-
vée du roi.
S. M. a été reçue par les grandes députations de la
chambre des pairs et de la chambre des députés; ayant
a leur lèteM. le baron Pasquier, chancelier de France;
et M. de Nogaret, doyen d'âge.
Un trône surmonté de drapeaux tricolores était élevé
sur l'emplacement du bureau eide la tribune. A droite
et à gauche du fauteuil du roi, étaient placés 4 pliants :
deux seulement étaient occupés par LL. AA. RR. le*
ducs d'Orléans cl d’Aumale.
MM. les ministres secréla/rcs-d’état, comte Molé ,
comte Montalivet, M. Barlhc, M. Bernard, M.Salvandy,
M. Martin du Nord, M. Lacarve-I.aplagne, M. Rosamelj
MM. les maréchaux de France ; MM. les conseillers-
d’état et inaitres des requêtes, désigné pour prendra
séance avaient des banquettes disposées pour eux au-
dessous du trône.
A 10 heures, les tribunes de la chambre avaient clé
ouvertes et elles avaient été bientôt remplies. On remar-
quait un grand nombre de dames sur les premier*
rangs.
A midi, MM. les pairs de France et MM. les députe*
en grand nombre , ont pris place dans l’enceinte de la
salle des séances. MM. les pairs occupaient les bancs d»
la droite et du centre ; MM. les députés remplissaient
ies autres places.
Le corps diplomatique occupait les tribunes réser-
vées.
A une heure, le canon annonce que le roi a quitté
les Tuileries. Quelques minutes après , la reine, M"» I*
duchesse d'Orléans , M00 Adélaïde prennent place dans
la tribune royale. L’assemblée s'est levée respectueuse-
ment à leur entrée et le plus profond silence a régné
pendant quelques instants.
Bientôt les cris de Vivo le Roi qui retentissent au de-
hors annoncent l’arrivée de S. M.
Le cortège commence à entrer dans la salle; les pair*
et les députés se lèvent ainsi que les personnes placée*
dans les tribunes.
Un huissier annonce à haute voix : Le Roit
S. M. en uniforme de la garde nationale, accompa-
gnée de LL. AA. RR. les ducs d’Orléans et d’Aumalé,
suivi des aides-de-camps,entre dans lasallede séances.
A son entrée , i’assemblce a fait éclater les sentiment*
qui l'animént par les cris de Bice le /foi.’qui se sont pro-
longés jusqu’à cequeS.M. eulpris place avec les prince*
scs fils sur l’estrade où le trône est élevé. Le roi ayant
salué l’assemblée et dit à MM. les pairs et députe* de
la femme. Yolande riait à son tour et restait sans émotion ;
elle se tenait debout, la main appuyée sur le riche livre
d Heures dans lequel elle allait prier durant la consécration
du mariage; elle était ainsi parfaitement noble et belle, mai*
un peu inerte. En la voyant on eût deviné qu’on la dirigeait
et qu’elle allait obéir sans regret comme sans entrainement.
Le bruit des pas d’un cheval fit bondir à la fenêtre une de se*
cousines.
u Est-ce un hôte qui nous arrive 7 dit-elle en regardant â
travers les vitraux gothiques du vieux châssis; Dieu le veuillel
Votre noce, machère Yolande, estbien triste ; pas un danseur,
pas un jeune homme. Mais voyez, ajouta-t-elle vivement, j’ai
deviné : c’est un beau cavalier. »
Les trois jeunes filles se penchèrent à la fenêtre et aper-
çurent, à cheval un jeune homme d’une tournure distinguée,
et dont le visage pâle et triste était couronné de cheveux
blonds que le vent soulevait sur son front ; ii passa devant
le château et nes’y arrêta pas
« En vérité, c’est fâcheux, dit l’autre cousine ; il est biea,
très bien, mais peut-être va-t-il nous attendre à l’église. »
Yolande suivit du regard ce cavalier quifuyait ; elle n’avatt
distingué qu’imparfaitement ses traits, mais elle avait com-
pris en le voyant ce charme de l’élégance dont toutes les fem-
mes ont l’instinct.
La marquise vint rappeler les deux cousines et ditsolea-
nelleinenl à sa fille :
« Dans une heure vous serez aux pieds des autels; prier,
recueillez-vous en songeant au grand acte que vous allez ac-
complir. » El elle laissa Yolande seule.
La pauvre fille resta près de la fenêtre où, comme nne ap-
parition, venait de passer l’inconnu; l’image de l'homme*
jeune et beau, beau par l'intelligence, se dessinait confusé-
ment à sa pensée et l'attristait comme une crainte. Elle fer-
mait les yeux pour échapper à cette vision et elle entendait le
vent gémir comme une voix qui la plaignait. Son cœur avait
froid et peur; elle éprouvait une douleurs! vague, si inintelli-
gible pour eüe, qu’elle pensait dormir et être dans le monde
des songes. Tout-à-coup le rêve devint cauchemar; un sabla
épais sembla se dresser vers elle et la menacerconime un flux
qui monte; elle le sentait venir; ses pieds d'abord étaient en-
sevelis; puis le sable, lourd et compacte comme la terre d’un
cimetière, enibottait progressivement son corps, il gagnait ta
poitrine qu'il enserrait, il touchait à sa gorge qu’il étouffait,
et déjà elle le sentait monter jusqu'à ses lèvres qui se dessé-
chaient. Sa tète allait disparaître, scs yeux se fermer tous c»
linceul si lourd qu'elle m pouvait soulever, lorsqu'elle fit «b
i |