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91 Janvier.
PROCBÈS SOCIAÏi. — CWSJP“IS'®EI®i StJR
I/AWNÉE fi Sali.
.— TROISIÈME et dernier article. —
Nous avons présenté dans un sens général cette tendance des
esprits à se préoccuper exclusivement des intérêts matériels
de la société. Malgré la guerre acharnée livrée par certaines
doctrines à un culte qu’elles appellent impie , cette tendance
est manifeste, irrécusable. Interrogez les nations contemporai-
nes sur leurs besoins les plus immédiats, sui lents aspnations
les plus absolues, sur Sa garantie la plus suffisante de leur exis-
tence présente et à venir — et vous entendiez ce qu elles vous
répondront, non pas une seule mais toutes.
Les intérêts matériels sont acceptés aujourd'hui comme les
fanaux conducteurs de la société, et celle-ci s'est réfugiée dans
l’absorption de ces mêmes intérêts comme dans sa dernière et
seule voie de salut. Un engouementtrop puissant peutêtre assi-
milé à un élément attractif vers l'abus, et sous ce rapport nous
ne pouvons pas adhérer sans restriction aucune à ce mou vement
spontané el quelquefois irréfléchi des masses a se piécipitei
dans une carrière unique et ne présentant qu'un résultat sou-
vent insuffisant. Mais à voir les efforts delà société actuelle
pour ('amélioration matérielle de son existence, il ne faut pas
en déduire les conséquences que les hommes croiront avoir at-
teint l’apogée de leur bien-être quand ils n auront plus rien à
désirer pour la béatitude de leur organisation animale. L hu-
manité sent encore d autres besoins que la satisfaction exclusive
du corps i ceux de 1 unie, de 1 esprit se manifestent ('gaiement
à des époques déterminées. D’ailleurs, ia nature des choses
s’oppose à ce qu’il en soit autrement. Ce n'est pas dans la mi-
sère, au milieu de I'asservissementcorporel que l’homme songe
le plus à élever son intelligence au-dessus du cercle trop étroit
où il s’agite, qu’il portera le travail de ses facultés au-delà de
l’horizon rétréci qui l'environne. Ne le croyez pas. La puissance
des idées religieuses, les préceptes de la morale auront beau
déplover toutes les ressources dont l’initiative leur appartient,
ils n’obtiendront jamais que des fruits négatifs — sauf les ex-
ceptions. , , , . , , • - i i •
Autre chose est de l’homme a l’abri des nécessités de la vie :
alors son âme s’ouvrira plus volontiers aux indications de lois
supérieures, aux exigences d'un enseignement spirituel. Car il
faut avoir la franchise d’avouer que la société ne subsiste pas
plus de, prédications purement moralistes que de rêveries
politico-nébuleuses : c’est du travail qu’elle demande, du tra-
vail satisfaisant amplement le despotisme du corps, et du tra-
vail entretenant sagement l’activité de son esprit. C’est là,
croyons-nous, la science de faire concorder des éléments si dis-
semblables. .
Amenez le triomphe des intérêts materiels, et vous verrez la
société sinon s’élancer dans le chemin que lui ouvriront les
élucubrations des subtilités politiques, les enseignements de
la philosophie, les abstractions de la métaphysique et les maxi-
mes d’une morale ascendante, au moins en peser consciencieu-
sement la valeur relative.
La société civilisée demande une plus grande somme de bien-
être; eh bien ! pourquoi ne pas adhérer à ses vœux pressants,
pourquoi vouloir la nourrir d’utopies? C’est une grande faute,
car tôt ou tard elle saura faire prévaloir ses volontés. Est-il
donc si fortement nécessaire de froisser ses sympathies et de
vouloir en faire le jouet de quelques individualités ? Rien n'est
cependant plus propre au renversement des institutions établies
et créées par un long labeur que de mépriser les idées reçues ;
et de travailler en quelque sorte à la rétrogradation du genre
humain. Et en arrêtant le mouvement de l'époque actuelle vers
l’édification des intérêts matériels, vous tarissez la source de
son émancipation pour la rejeter dans un dédale où elle ne trou-
vera qu’une horrible décomposition. Une dislocation complète
de l'édifice social sera évidemment le couronnement de votre
œuvre.
Là où les exigences des intérêts matériels se manifestent le
plus impérieusement, c'est sans nul doute en Angleterre, en
France et en Belgique.Quoique l’esprit public dans ces pays ne se
prononce pas identiquement sur sa situation, il n’en est pas
moins vrai que ces différentes nations attendent avec une vive
impatience l’heure qui sonnera la fin de leur prostration maté-
rielle. Les pays que nous venons de nommer sont réputés les
plus avancés dans la roule de la civilisation, et c’est aussi dans
leur sein que les améliorations physiques deviennent le plus ur-
gentes et qu'elles sont demandées avec une insistance infatiga-
ble. Cela ne vient-il pas à l’appui de ce que nous disions précé-
demment: que l’homme en acquérant la valeur intégrante de
son individu, s’aperçoit de la débilité et en même temps de la
force de son existence, et cherche la consolidation *de celle-ci
par tous les moyens que son instinct d’abord et puis son intel-
ligence lui font entrevoir. De là après ce premier développe-
ment de l’émancipation intellectuelle,cette fièvre remuante qui
s’empare des masses pour améliorer matériellement leur sort
commun.
Le sol anglican porte une race famélique dont le désespoir
s’exhale par des malédictions et des haines. Que demande-t-elle
à ceux qui conduisent les rênes de ses destinées? Est-ce autre
chose que l'affranchissement d’une tutelle dont le poids écrase
des familles entières, que ia guérison de ce cancer immonde
qu’on appelle le paupérisme? Délivrez les travailleurs d’Angle-
terre du paupérisme, c’est-à-dire améliorez leur condition so-
ciale, préparez la régénération des intérêts matériels, et vous
débarrasserez ce pays du fatal cauchemar qui lui pèse sur la
poitrine et qui lui suce le plus précieux de son sang.
En France,les classes ouvrières souffrent aussi, parce qu’on y
néglige également le cuite des intérêts matériels. Aux crises
dont la France est menacée si ce dédain devient permanent, se
joint déjà l’agitation des rues, les tumultes de l'émeute. Là l'i-
magination des masses est plus brûlante; excitée par l'égoïsme
des passions dévastatrices, son irritation menace à main armée.
Si vous aviez plus d’égards pour l’amélioration matérielle de
l’existence de la population, vous éviteriez celte hideuse exploi-
tation des masses par les factions turbulentes; vous rendriez le
repos à un pays dont le salut dépend de la primauté immédiate
des intérêts matériels.
Sous nos yeux, en Belgique, une nation aspire non moins ar-
demment vers ce point de bien-être qui est devenu le palladium
des peuples modernes. Elle aussi, elle met son refuge dans le
culte des intérêts matériels, lui seul étant assez consolant pour
qu’elle puisse contempler l’avenir sans effroi. Mais nous pouvons
le dire avec bonheur , cette nation plus calme, animée de sen-
timents plus épurés qu’aucune autre, attend avec patience, avec
résignation l’arrivée de temps meilleurs.
Maintenant faut-il le dire que l’année 1841 a été une immense
déception pour la population belge, et que sa patiente résigna-
tion a été mise à une bien cruelle épreuve? Oui, car sa sagesse
a déjà montré du doigt la cause flagrante de ces douloureux
mécomptes. De quelles illusions la Belgique ne se berçait-elle
pas au début de i’année précédente! Combien de brillantes es-
pérances ne nourrissait-elle pas vers cette époque! Ses intérêts
les plus immédiats étaient depuis long-temps atteints de souf-
france; elle voyait poindre l’horizon des améliorations, son exis-
tence matérielle alîait recevoir un nouveau et salutaire aliment...
Que de beaux rêves détruits !
Les passions politiques les plus éhontées ont commencé une
lutte déplorable, et dans celte lutte nous avons vu fouler aux
pieds et mettre en lambeaux les suppliques d’une nation entière!
La guerre de partis a été impitoyable; on ne songeait pas une
minute à toute cette phalange de travailleurs qui demandait
tié et merci.....
Que nous amènera l’année 1842? Nous faisons des vœux, des
vœux sincères pour que la Belgique rentre enfin dans unesitua-
tion plus prospère. Mais nous est-il encore permis de formuler
des espérances, et celle-ci peuvent-elles s’aventurer sur un ter-
rain encore bien mouvant?—Le ciel fasse que l’union ac-
quiert une prépondérance stable sur les passions politiques
qui ont divisé lanation belgejusqu’ici.Àprèsonzeansd’attente,
est-ce trop que de demander le repos intérieur d’un pays comme
la Belgique? Et n'aurions-nous pas encore le droitd’entrerdans
la voie des améliorations sociales? Franchement, qu'on nous
réponde ! j
WOIJVEIÆIES ÏÏE IiA CïaiïïE.
Nous recevons les journaux de Bombay du 1" décembre. Ils annon-
cent que le 28 août les Anglais se sont emparés de la ville d’Amoy. Les
Chinois n’ont pas fait de résistance. Voici des’détails à ce sujet :
« Le 21 août, l’expédition anglaise, composéede34 voiles, était partie
de Hong-Kong, et, le 23, elle arriva en vue del’ile d’Amoy. L’amiral sir
William Parker donna alors ordre aux deux frégates, la Druide et la
Ulonde,de prendre les devants et de sonder les parages qui avoisinaient
le port, tandis quelereste de la flotte lessuivraitàmiecerlainedistance.
Pendant cette opération, les'batteries chinoises ouvrirent leur feu sur
les deux frégates qui n’y répondirent pas, les boulets arrivant rarement
jusqu’à elles, ou les dépassant sans les atteindre. Le lendemain 26, à la
pointe du jour, toutes les embarcations furent mises à la mer, et. lés
deux commandants en chef (l’amiral sir W. Parker et le major-général
sir Hugh Gough) étant montés à bord du bâtiment àvapeur, le Phlegton,
allèrent reconnaître la place.
» Vers huit heures, un peu après leur retour 5 bord du vaisseau amiral
le Wellesley, un mandarin se présenta en parlementaire. Le but osten-
sible de 3a mission était de s’enquérir comment il se faisait qu’un si
grand nombre de navires fût venu à la fois pour se livrerai! commerce,
et quelles étaient les marchandises qu’ils venaient chercher. Le plénipo-
tentiaire anglais, Henri Pottinger, congédia bientôt le mandarin, en
lui expliquant que la visite de la flotte à Amoy n'était point d’une natu-
re commerciale. A midi, toutes les dispositions étant prises, l’amiral
donna le signal de lever l’ancre. Les bateaux à vapeur Sèsostris et Queett
s’avancèrent les premiers, et s’embossèrent devant une batterie garnie
de 70 pièces de canon, à la droite du port.
» La Blonde, la Druide et la ModesteXes suivirentde près, et allèrent
attaquer les batteries situées à la gauche, tandis que la division du cen-
tre , composée de deux vaisseaux de ligne, le Wellesley et le Blenheim,
delà Columbine, du Pylade, du Cruisere t de V Algerine se formèrent
en bataille devant l’entrée du canal. A deux heures, la flotte ouvrit le
feu conlrela ville, et vers quatre heures le 18' et le 26' régiments et de
forts détachements de marins et de matelots ayant été mis à terre, sir
Hugh Gough marcha à la tète du 18« contre la longue batterie, et s’em-
para d’une de ses extrémités, en même temps que le 26« et les marins
enlevaient les batteries de Pile de Koulangsu. Quelques instants après, les
marins du Wellesley s’établirent à l’autre extrémité delà longue batte-
rie. Les Chinois,pris entre deux feux, ahondonnèrent leur poste en dé-
sordre et laissèrent les Anglais maîtres de toutes les fortifications.
• Les remparts d’Amoy étaient d’une très grande épaisseur. Formés
d’énormes blocs de granit, ils s’étaient fort peu ressentis du feu des
vaisseaux, et si les Anglais ne s’en élaient emparés par escalade, les Chi-
nois auraient pu rester long-temps à couverts derrière leurs murs.
» Dans la matinée du 27, sir Hugh Gough lit son entrée dans la ville,
qui avait été abandonnée par les mandarins et la garnison. Les Anglais
trouvèrent dans le port 18 jonques et plusieurs chaloupes canonnières;
les fonds, déposés dans les caisses publiques, ne s’élevaient qu’à envi-
ron 23,000 francs, et le butin qui tomba entre leurs mains fut de peu
d’importance,leshabitants ayanteu letemps d’emporter ce qu’ilsavaient
de plus précieux dans la matinée du 26.
» Le major-général ne voulant pas affaiblir l’expédition en laissant
une garnison dans la place, résolut de l’évacuer et d’occuper seulement
l’île de Koulangsu, qui commande la ville et dont la défense pouvait être
confiée en pureté à un demi-bataillon. F,n conséquence, le30 août, dans
la soirée, toules les troupes furenlréembarquéesàrexceplion d’environ
300 hommes des 18» et 26' régiments et quelques artilleurs, qu’on laissa
dans l’He de Koulangsu avec les navires la Druide, le Pylade et l’Alyérine.
Le 5 septembre,l’expédition remit à la voile, et le 11, elle fut rencontrée
par 21» lattilude nord se dirigeant vers Ningpa et Chusan.
a Les Chinois ayant violé l’armistice conclu avec les autorités deCan-
ton, en rétablissant plusieurs batteries et en cherchant à entraver la
navigation du Tigris.au moyen de pieux et de pierres.le capitaine Nias,
du vaisseau le Herald,remonte) le fleuve et détruisit le fort de Wantong.
Cet oflicier publia ensuite une proclamation par laquelleil déclarait aux
Chinois que toute nou veile violation de l’armistice serait à l’instant suivi
de la reprise des hostilités.
ii Aucun autre événement important n’avait eu lieu aux environs d«
Canton, jusqu’à la date du 9 octobre. Le commerce se faisait comme par
le passé, les Chinois ne s’opposaient point à ce que les navires anglais
prissent des cargaisons; mais on pensait à Macao, que cct état de cho-
ses ne serait pas de longue durée. »
AlSGLETEBltG.
Londres, 4 janvier. — City-article du Globe, midi : Ce jour étant le 4
du mois, on pensait que l’argent serait en grande demande, mais il n’en
a pas été ainsi, et tout le monde, au contraire, a montré le désir de Se
défaire de son numéraire avant le paiement des dividendes de janvier,
dans la certitude qu’à cette époque le taux des intérêts sera moins élevé
par suite de la situation incertaine du commerce qui ne permet pas de
trouver à placer dix millions de livres sterliugs environ qui seront jetés
sur le marché.
FKAISTCE.
Paris, 5 janvier. — On lit dans le Journal des Débats l’article suivant
extrait du Moniteur Parisien d’hier au soir :
« Quelques journaux font la remarque que M. de Kisseleff, ministre
de Russie en France, n’a point paru aux Tuileries le l" janvier, jour de
la présentation au roi du corps diplomatique.
FEUILLETON.
v VOIT AGE AUX AMTIlÆEg
FRANCAÏSES, ANGLAISES, DANOISES, ESPAGNOLES, A SAINT-
DOMINGUE, ET AUX ETATS-UNIS D’AMERIQUE. (1).
Lorsqu’on arrive à la Martinique, on n’a pas les yeux frappés decette
admirable et gigantesque végétation qui tapisse les côtes de la Guade-
loupe. L’aspect lointain des terres est légèrement brun et grisâtre, etle
sol est une montagne perpétuelle sur laquelle on marche de piton en
piton. Il y a bien, au milieu de l’île, des gorges profondes et boisées',au
fond desquelles roulent des torrents limpides ; il y a des plaines vertes
et fécondes, il y a des mornes dontl’abord est défendu par des forêts de
fromages et de courbarils séculaires, auprès desquels les chênes de
Vincennes et les futaies de Chantilly sont des bruyères arides; mais la
main de Dieu, jalouse de ses chefs-d’œuvre, n’a pas voulu qu’il y eût au
monde deux exemples des bois de la rivière du Carbet à la Cabesterre,
des sources de Dolé, descafeyères du Matouba et des vergers du Vieux-
Fort. Serrée à peu près vers son milieu par deux anses, qu’on nomme
le cul-de-sac François et le cul-de-sac Royal, la Martinique est comme
coupée en deux presqu’îles, réunies par un isthme, et à la forme d’un
sablier. Six montagnes, assez élevées et couvertes de forêts, dans les-
quelles habitent les nègres marrons, attestent la nature volcanique du
sol, laquelle ne s’est, du reste, que trop manifestée par les derniers
tremblements de terre. La ville du Fort-Royal, bouleversée de fond en
comble, étaitaux trois quarts sortie de ses ruinés, lorsque je l’ai visitée,
et elle y aura gagné d’être plus régulière et mieux bâtie, si l’on gagne
quelque chose aux malheurs.
La population de la Martinique se distingue par des qualités qui la
font aisément reconnaître, même en France.
Les habitants y ont ce qu’on peut appeler une distinction personnelle
plus marquée que dans les autres îles. L’habitant de la Guadeloupe est
plus spécialement bon et affable ; celui delà Martinique est plus spécia-
lement homme du monde. Cette différence se retrouve partout, dans le
maintien, dans le langage, dans l’accent, dans la toilette, dans l'intérieur
du ménage. A la Guadeloupe; vous sentez que vous êtes chez vous; à la
Martinique, vous sentez que vous êtes chez vos hôtes.
(1) Suite, voir le Précurseur d’hier.
Les dames créoles de la Martinique réunissent en elles un des plus
charmants types de femmes que Greuse ou Vanloo eussent pu désirer.
Elles sont en général de taille moyenne, excepté dans le quartier du
Gros-Morne, où l’on retrouve les seules femmes grandes et blondes qui
existent, depuis que Rubens a emporté les siennes. Elles sont rarement
brunes, malgré l’idée que l’on se fait des créoles, el elles possèdent de
ces pieds et ces mains que l’on ne trouve que dans les pays chauds, où
le repos perpétuel étiole les membres destinés au travail et la fatigue.
A proportion que l’on va du midi au nord, les pieds et les mains des
femmes grandissent, parce que les peuples des pays froids marchent
beaucoup et travaillent toujours, ne serait-ce que par la seule nécessité
d’entretenir la chaleur vitale. Les dames créoles de la Martinique ne sont
donc pas brunes, en général; elles seraient plutôt blondes; et cette cou-
leur légèrement fauve de leurs cheveux donne à leur regard cet éclat à
la fois doux et pénétrant, que l’usage de la poudre communique aux
beaux pastels du temps de Louis XV ou de la régence.
Les mulâtresses de la Martinique, car un voyageur doit compte de
tout, sont, dans la couleur du bronze corinthien.ee que sont les créoles
dans la couleur du marbre de Paros ou des brèches roses de l'Egypte.Je
ne crois pas qu’il existe ailleurs que là une pareille élégance de tournu-
re.Ces femmes de couleur ont emprunté aux blanches leurs petits pieds
et leurs petites mains, et l’aristocratie de la beauté européenne a élevé
à un degré singulier de finesse et de dislinclion la grossière ébauche
des formes africaines.
Les hommes de couleur delà Martinique offrent, en général, plus
d’aisance, plus d’éducation que ceux do la Guadeloupe ; mais les idées
des libéraux français ont tourné leurs pauvres têtes,et les ontempêchés
de poursuivre par le travail et par le bon sens l’œuvre de moralisation
et d’accroissement qu’ilsavaient si bien commencée. L’orgueil les a ga-
gnés, et avec l’orgueil l’envie et la haine; et lorsqu’il eut été pour eux
si logique et si facile d’arriver, avec le concours bienveillant des blancs
eLsotis leur patronage, à la conquête de toutes les positions honorables
que le mérite donne en tout pays, ils ont eu la stérile et fausse idée d’y
arriver parla politique. Notre mauvaise presse les a égarés, comme elle
en a égaré tant d’autres ; et l’on peut dire, en général, que jamais le
journalisme ne fera, dans les colonies françaises, autant de bien qu’il
y a fait de mal. Du reste, c’est une chose singulière et frappante,que les
pays où les hommes de couleur affectent de se plaindre le plus, sont
ceux où ils rencontrent le plus d’égards et le plus de fraternelle assis-
tance. A les entendre dire, nos colonies sont celles où ils ont à élever les
'
griefs les plus vifs et les plus fondés; et pourtant c’est là où vous trou-
vez des hommes de couleur membres des conseils coloniaux, membres
des conseils municipaux,officiers de la milice etjuges d’inslructioœtan-
dis qu’aux îles anglaises, il n’y a pas deux ans qu’ils sont devenus juges
de paix, malgré la liberté; et tandis qu’à New-York .en pleine républi-
que américaine, un homme de couleur, même parfaitement élevéetfort
riche, ne serait pas reçu,non pas dans une famille distinguée,maisdans
une auberge de troisième ordre, et pour son argent. Les colonies fran-
çaises sont donc, sans aucune comparaison, les pays où les nègres et les
hommes de couleursontle plus aimés etlemieux traités par des blancs;
et il a fallu la fatale intervention du mauvais libéralisme des journaux
parisiens pour arrêter à moitié chemin tout ce qui peut s’opérer de fu-
sion entre deux races. Du reste, il y a des faits que disent mieux que
des livres les dispositions des blancs à l’égard des nègres et des
hommes de couleur. De 1830 à 1835, il y a eu 17 mille esclaves affranchis
■pour rien, à la Martinique. ■
Peut-être dois-je faire observer, en (erminant, ce que je disais des
hommes de couleur de la Martinique,qu’ils possèdent plus de treize mille
nègres esclaves. .
Les cultures de la Martinique sont les mémesà peu près que cellesde
la Guadeloupe, c'est-à-dire la canne à sucre, le cafiçr. le colonnier.le ca-
caoyer, le giroflier, le cannellier, le cassier,l’indigo et le tabac. C’est à la
Martinique que se récolte le tabac si connu des priseurs sous le nom de
Macouba, et qui tireson nom de celui d'un quartier où on le cultive.
J’aime beaucoup la Martinique, comme toutes les iles ravissantes qpi
forment l’Archipel des Antilles, et où la moiliédel’Europe émigrerait,si
elle avaitdu bon sens; mais si l’on m'y donnait, tout à l’heure.uné cam-
pagne àmon gré, avec la condition expresse que je l’habiterais, je crois
que je refuserais. A cause de quoi ? — A cause des serpents.
Dieu, qui fait bien tout ce qu’il fait, s’est réservé le secret du motif
étrange qui le porta à met! re des serpents venimeux, par millioDS à la
Martinique et à Sainte-Lucie, tandis que la Dominique, Marie-Galante,
les Saintes, la Guadeloupe.terres voisines eten vue l’une de l’autre.n’en
ont pas un seul. Ce qui est plus fort encore, c’est qu'en certains quar-
tiers de la Martinique, par exemple, dans le quartier du Morne-Rouge,
on ne les connaît pas,et on ne les a jamais connus. Pourquoi ? Dieu seul
le sait.
La Martinique a donc reçu du ciel, en compensation de faveurs sans
nombre, un petit serpent jaune et un gros serpent marbré, dont la pi-
qûre est à peu près toujours mortelle; et en outre, ces serpents sont |