Full text |
LE UHSEEIi , Vendredi 7 Janvier 18-1S
» D'après les informations que nous avons recueillies, voici ce que
nous croyons vrai :
» M.de Pahleu, ambassadeur de Russie en France, fut rappelé, dans le
courant de novembre, par son gouvernement; et le motif non contesté
de ce rappel, c’est que l’Empereur de Russie voulut éviter que ll.de
Puhleu, doyen du corps diplomatique, eût, en cette qualité, à haran-
guer le roi le I" janvier.
» Le 18 décembre, jour de la fête de l’empereur de Russie. M. Périer
et les autres personnes attachées à l’ambassade française, à Sl.-Péters-
bourg.se trouvèrent indisposées et ne se présentèrent pas au palais
impérial.
» M.de Kisseleff s’est ég dement trouvé indisposé le 1" janvier, et ne
s’est point présenté aux Tuileries. «
— Tout le monde en lisant hier soir l’article du Moniteur Parisien se
demandait comment M. Guizot prétendait s'expliquer cet incident, et le
paragraphe du discours du trône dans lequel ie ministre fait dire au roi
qu’il continue à recevoir de toutes les puissances les assurances les plus
amicales.
— Les personnes attachées à la légation russe paraissent s’attendre 5
recevoir l’ordre de demander leurs passeports.
— La commission de l’adresse a tenu aujourd’hui sa seconde séance
au palais de la présidence de la chambre. Elle a entendu M. le président
du conseil et M. le ministre des affaires étrangères sur l’ensemble des
questions de la politique extérieure et intérieure du cabinet. M. Guizot
a répondu liés nettement aux vœux des membres de la commission,et
S’expliquant sur la question d'Orieul, il a dit qu'il serait donné com-
munication à la commission de tous les documents qui pourraient être
communiqués sans pouvoir préjudicier aux relations diplomatiques de
l’Etat.
La commission entendra demain MM. les ministres de l’intérieur,des
finances et de la marine.
Cette seconde séance s’est prolongée jusqu’à ce soir cinq heures. Les
députés étaient en grand nombre à la salle des conférences.
— La commission d’instruction de l’attentat du 13 septembre dernier
s’est assemblée au Luxembourg et a demandé que quatre des condam-
nés envoyés à la prison du Mont-Saint-Michel soient immédiatement
ramenés à Paris. (Journal des Débuts.)
— bulletin de la bout.se. — Décidément les fonds sont en voie de
hausse, et les pronostics de la liquidation ne se sont pas réalisés; malgré
tous les bruits qui ont circulé toute la matinée de la rupture prochaine
avec la Russie, du prochain répart de M. Kisseleff, ie ô p. c. s'est élevé à
78 60 fin courant L'on a remarqué des achats assez considérables d'or-
dre et pour compte de maisons importantes.
L’actif espagnol était moins recherché aujourd’hui qu’hier; il était of-
fert au commencement de la bourse, à 20. cours de fermeture d’hier, et
il n’a pas tardéà tléchir à 25 3j i; d en a él éde mémedu passif qui, fermé
hier à 5 7|8, est resté à 5 ô|4. Le à p. c. est toujours bien tenu et a fermé
à 117-45, après avoir ouvert à 117 33.
Les reports sur le 3 p. c. sont entre 17 I t2et de 90 centimes au comp-
tant fin courant et de -0 à 22 i|2 centimes sur le 5 p. c. Lés autres va-
leurs ont été assez négligées, sauf les chemins de fer sur lesquels la spé-
culation est très active.
BElilWlOEE.
Bruxelles, 7 janvier. — Un journal a annoncé le départ de M. Morel
pour Paris.Nous apprenons que celte nouvelle est dénuée de fondement.
— Il sera procédé, le mercredi 11) janvier 1842. à midi, à l'hôlel du
gouvernement provincial rue du Chêne, à Bruxelles, par-devant M. le
gouverneur de la province, assisté de M. la directeur de l’administra-
tion des chemins de 1er en exploitation, ou de son délégué, à l’adjudica-
tion publique de la fourniture des huiles nécessaires au service de l'ex-
ploitation des chemins de fer pendant l’année 184 i.
L’adjudication se fera sur soumissions cachetées, écrites sur timbre,
rédigées conformément au modèleaunexéau cahier des charges, et en
trois lots, savoir :
1er lot, huile de palmier»
2* lot, huile épurée,
3* lot, huile Gallipoli,
Minimum,
8,0110 kil.
5.0(8) a
12,000 3
Maximum .
25.000 kli.
15.000 »
30.000 a
Chronique judieialre,
COUR d’appel DE BUUXELI.es. — 1"> CUASIBR8.
Présidence de M. Espital. — Audience du 5 janvier.
A l’appel de la cause entre le ministère publie, appelant contre M«
Roussel el Vervuurt, M. le président fait donner lecture de la liste des
témoins cités par le parquet (I).
Ces témoins se retirent dans une salle voisine et déposent successi-
vement dans l’ordre suivant :
Bernard Mathieu, frère des accusés, ancien client des inculpés, est le
premier entendu.
Il déclare que M» Vervoort lui a été recommandé par une lettre de
11. Devylder de Bruxelles, alors que ses frères étaient encore en prison
à Nivelles. Le témoin se rendit plus tard à Bruxelles où il vit cet avocat,
s’arrangea avec lui et le laissa maître de s’en adjoindre un second, li*
Vervoort proposa 31' Roussel, chez qui le témoin fut appelé d ms le cou-
rant de juillet, et l’on convint alors d’une somme de 25,000 francs pour
honoraires.
Revenu a Bruxelles I’avant-veille du jour des accises, les deux avocats
le virent à la prison et lui demandèrent que la somme promise fût comp-
tée d’avance. Le témoin partit dans la soirée pour Nivelles, où il alla
demander cette somme à M. Lizard, qui ne put la loi donner. Il revint
à Bruxelles le lendemain, dimanche, et pria MM. Roussel et Vervoort
d’attendre jusqu’au lundi.
Le lundi matin de bonne heure, il fit des démarches chez M le ban-
quier Van Humbeek, avec 81 Devylder. N’ayant pas réussi, il alla à la
Banque de Belgique qui n’était pas ouverte encore. Il y laissa M. Devyl-
der et courut à la cour d’assises où l’affaire était déjà remise.
Ayant alors rencontré MM. Devylder et Blaes, il fut avec ces deux
M.M. chez 81e Roussel, où était 81e Vervoort, pour les engager à plaider,
disant que les fonds étaient faits. Alors les avocats ont offert de plaider
d office et engagé les témoins à aller porter celle offre au président des
assises.
M. le conseiller Bosquet. Lorsque vous êtes arrivé à la cour d’assises,
la remise avait-elle déjà été annoncée officiellement ?
R. Non.— D. Quand avez-vous su que les avocats refusaient de plai-
der ? — R. En ne les voyant pas au tribunal. - D. Les avocats vous out-
ils dit chez M» Roussel qu’ils avaient écrit au président pour lui annou-
(1) Nous n’avons donné hier qu’un court aperçu de cette affaire ; l’in-
térêt qui s’y attache nous fait un devoir d’y revenir.
cer leur refus ?— R. Non. Ces MM. ont déclaré qu'ils ne voulaient pas
des 25.000 fr. même à litre de cadeau.
M. le conseiller de Fierlanl. Lorsque le chiffre de 25,000 fr. aété fixé,
n’avez-vous pas fait d’observations ? R. J’ai dit que la fortune de Guil-
laume ne lui permettait pas de payer autant que Melehior, d’ailleurs plus
chargé que lui. 81' Vervoort m’a alors répondu que Melehior pouvait
supporter à ce titre les deux tiers de la somme.— D..V1M.Roussel et Ver-
Vervoorl ont-ils refusé toute espèce de cadeau ? — R. Ils ont refusé les
25,000 fr.; toutes ces circonstances, ne sont plus très présentes à ma
mémoire; j’étais aussi très troublé.
81» Lebon, avocat à Nivelles, j’ai élé consulté par B. Mathieu lorsque
ses frères étaient encore à Nivelles. Je lui ai conseillé pour avocats aux
assises SIM. Roussel et Vervoort. J’ai moi-même parlé à M' Roussel qui
m’a montré de la répugnance à accepter celte défense.
Le dimanche ,« août, j étais à jouer avec 81. Lizard lorsqu’il fut appelé
au dehors. Il me dit en rentrant que c’avait élé pour lui demander des
fonds afin de payer les avocats des frères Mathieu, sans dire la somme.
Ici un débat s’engage entre le témoin et 31. B. Mathieu sur le point
de savoir si ce fait doit, être fixé au dimanche ou au samedi soir. — Le
témoin persiste.
M. Degluiu, directeur de la prison des Petits-Carmes.
M.M.Roussel et Vervoort sont venus à la prison la veille de l’ouverture
des assises et sont restés avec ies Mathieu jusque vers t) ou 10 heures du
soir. J’iguoiesi Bernard Mathieu y était aveeeux. Les Mathieu nem’out
jamais parlé de ia cause du procès actuel.
Quand les avocats ont quitté ta prison, je ne leur ai rien demandé, et
ils n’avaient rien d extraordinaire en eux.
M. Deswert, directeur de la banque de Belgique.
Un lundi d’août dernier avant l'ouverlurede la banque, mon collègue,
81. hok, m’a annoncé qu’on sollicitait l’escompte d’un billet signé Nélis,
Devylder, Blaes de Donder et B. .Mathieu. Il était 10 heures. On atten-
dait mon consentement pour conclure, je l’at donné.
M. Nélis était, déjà venu plus lóf à la banque.
8i. Van Humbeek, banquier. — J étais absent le 2 août. J’ai appris
qu’on était venu chez moi demander une somme qui devait être prête
avant l’heure du tribunal : mon commis me t’a dit à mon retour.
Nelis, négociant, associé de M. .Mathieu. Bernard Mathieu tu’a dit que
les avocats demandaient 25 000 fr.; un jour B. Mathieu m'a demandé ma
signature pour 15.000 fr. Nous sommes ailés ensemble chez M. Vau Hum-
beek, puisa la banque de Belgique ou je suis resté seul. Allant de là à la
cour d assises, j’ai rencontré vers li heures, rue des Carrières, les avo-
cats qui m mil annoncé la remise. Mathieu m’avait devancé; il n’avait
pas encore l’assurance mathématique que les fonds seraient faits par la
banque : moi je le croyais.
Je ne me rappelle plus ce que les avocats m’ont dit, lorsque je les ai
rencontrés. •
Chemin lésant avec Mathieu pour aller chez 81. Van Humbeek, j’ai eu
une discussion avec M. Puyenbroek qui m’avait accompagné et qui
trouvait que la somme aurait dû être eomp ée, tandis que je trouvais
étrange qu’on se faisait payer d’avance. — Puyenbroek s’est alors lâ-
ché ci nous a quittés.
B. Mathieu est rappelé. — D. Mathieu, puisque vous n’avez pas été à
la banque avec le témoin, comment saviez-vous que les fonds seraient
faits lorsque vous êtes allé chez 4t. Roussel. - B Mathieu. Je dois l’a-
voir su par M. Devylder, et je le prévoyais ayant déjà eu des fonds à.la
banque sur dépôt d'actions industrielles.
Edouard de V)lder, négociant. - B. Mathieu m’a dit le samedi avant
l'affaire que les avocats exigeaient de suite 25,tH)0 fr. Je l’ai engagé à
allerà Nivelles chercher des fonds, ce qu'il a fait, ie même soir, mais en
vain
Le dimanche, chez M» Vervoort, j’ai été avec le frère Mathieu; là ma-
sigimture a éié refusée : 31' Vervoort a exigé la somme comptant.
Le lendemain nous sommes allés vainement chez Van Humbeek; puis
M. Ndis a élé à la banque de Belgique.
J’ai accompagné U. Blues el R. Mathieu, le jour du procès, chez M'
Roussel, où 91' Vervoort était; ils nous ont répété qu’ils exigeaient l’ar-
gent. refusant des signatures, puis dit que c’était si peu une question
d’argent qu’ils offrait ut de plaider pro duo, ce qu’ils nous ont invités à
aller dire au président. — M. le président ne nous a donné aucune ex-
plication, et a dit simplement que l’affaire était remise.
Il n’élait pas dix heures quand nous sommes allés à la banque. Il était
9 heures et demie au plus quand je suis revenu de chez les avocats à la
cour d’. ssises.
Avant d’aller chez les avoeals. j’ai passé à la cour; 1 affaire n’était pas
remise. Quant j’ai parlé au président, je crois que l’on avait déjà an-
noncé au public la remise.
81. Blaes et moi avons seuls parlé au président. — B. Mathieu n’y était
pas.
Sur interpellation de M. le conseiller Fierlant. le témoin ajoute :
Je ne connaissais pas 81' Vervoort avant l’affaire, mais un 31 Puyen-
broek est venu me prier à titre de connaissance de B. Mathieu de lui
écrire pour faire avoir eetie cause à M' Vervoort. sans me dire pourtant
que 81' Vervoort lui aurait demandé ou mirait connu cette démarche.
Connaissant la réputation de cet avocat, j’ai fait lu démarche la croyant
bonne pour les accusés el pour lui. ,
81. Blaes de Donder. J’étais témoin aux accises. Etant là, lorsqu’il fut
question du refus de plaider des avocats, 31. Devylder me pria de l’ac-
compagner chez 31' Roussel où nous trouvâmes 31. Vervoort.
Si» Vervoort reprocha à B. Mathieu d’ètre resté huit jours sans venir
le voir et persista dans son refus, ajoutant ce n est point une question
d’ rjenl : vous m’offririez 100.01)0 fr. comptant, je ne plaiderais pas.
Cioymt que ces messieurs ne connaissaient pas la solvabilité de M.
Devylder. j’offris ma signature. C’est alors que 81' Vervoort persistant
dans son refus d’argent me pria d’allerdireau président qu’il plaiderait
d’office, el mieux ainsi que s’il était payé. Sur ce, 31' Roussel ajouta à
B. Mathieu : Remarquez bien ceci 31. Mathieu , je n’entends recevoir ni
honoraires ni cadeau , et si vous osez m'en envoyer un je vous le re-
tournerai et vous ferai connaître.
Le témoin continuant, dit qu’il est allé aux assises où le président lui
a dit que l’affaire était remise,
91. Percy. président des assises.
M. Percy prie le ministère public de l’interroger sur des faits précis
et répond dans cette forme.
La cause était remise lorsque SI. Blaes m’a parlé; je l’ai remise parce
que cela devait être ainsi dans ma manière de voir, après le refus de
plaider des avocats. Ayant agi en vertu de mou pouvoir de magistrat,
je ne crois pas devoir rendre compte de mes motifs. L’affaire était re-
mise depuis S à i 0 minutes; le public était encore dans la salie et la re-
mise n’était pas officiellement annoncée; ni les jurés, ni les témoins
frétaient congédiés; mais je crois ces circonstances indifférentes, car
dans ma manière de voir, tout le monde eut-il encore été là,je n’aurais
pas cru devoir rouvrir les débats.
Cette déposition faite avec une dignité et une impartialité de langage
remarquables parait produire une viveimpression.
toutee qu’il y a de plus commun lis ont presque détruit les nègres
marrons dans les bois. Pendant mon séjour au Fort-Royal, j’eus l'uon-
neur, à quelques reprises, d'aller diner chez 31. l'amiral Du Vaidailiy,
gouverneur, de la colonie; et il ne voulut jamais souffrir (|ue je me reti-
rasse sans être précédé d’un l'anal, pour éviter ies serpents. Allez donc
vous livrer à des promenades romantiques, au clair de la lune ! Un soir,
dans le palais môme du gouverneur, ou tua un de ces charmants notes
dans la cuisine.
C’est principalement dansles charnus de cannes que les serpents se
tiennent; et lorsqu’on lescotipe, les nègres font toujours double récol-
te. Lorsqu’ils en aperçoivent un, ils crient : Serpent ! Alors chacun
prend garde à soi; on suit des yeux la direction qu’il prend en fuyant,
et on lance une pierre à quelques pasdevant lui.ee qui le fait arréter.Ou
coupe les cannes en cercle autour du reptile, jusqu’à cequ’ou arrive à
la couche quiie cache Lorsqu’on en trouve plusieurs dans la mémepiè-
pe, on les chasse vers le centre; et puis, pour ne pas exposer les nègres,
on laisse une île de cannes auxquelles on met le feu. La flamme occa-
sionne alors une sauve-qui-peut général de serpents ; mais les nègres,
qui sont prévenus et armés, les tuent toujours jusqu’au dernier.
J’ai vu des personnes du très petit nombre'de celles qui, ayant été
piquées parmi serpent, n’en sont pas mortes. Lorsque le serpent pique,
il ouvre sa bouche extraordinairement,et frappe, sans mordre, avec ses
crochets, qui sont aigus comme des aiguilles, et à la racine desquels se
trouve une alvéole remplie de poison. Lorsqu'on ne s’y attend pas, et
qu’on n’a que la douleur sans l’effroi, la piqûre du serpent est tout aussi
insignifiante que celle d’un chardon ou d’une ronce. Un habitant, ainsi
piqué à la jambe, m’a raconté que sur le moment, et après avoir vu le
petitserperit jaune s’enfuir dans les lierbes.il conserva toute sa tran-
quillité d’esprit, n’augurant rien de bien terrible d’un accident accom-
pagné de circonstances aussi vulgaires; et comme ses esclaves épouvan-
tés lui offrirent de le porter à l'instant même à l’habitation, il se moqua
d’eux, et leur dit qu’il irait bien tout seul, ne comprenant pas ce qui
pourrait l’en empêcher. Mais il n’avait pas encore fait vingt pas, qu’il
sentit un froid glacial monter le long de sa jambe. En six minutes, la
jambe et le genou étaient tuméfiés et liv ides ; el il se crut sérieusement
perdu. Ses esclaves lui lièrent fortement le bas delà cuisse et le portè-
rent chez lui, où une négresse le guérit. Eu thèse générale , lorsque la
piqûre d’un serpent ne porte que sur ies chairs.on peulen guérir,quoi-
que le danger soit grand; mais lorsqu’elle parte sur une veine on dans
vie voisinage d’une artère, la mort suit inévitablement, en moins d un
quarl-d’heure.
Quoique les serpents de la Martiuique soient un grand fléau, iis ren-
dent, d’un autre côté, d’immenses services en détruisant les rats, qui
dévorent les plantations de cannes, et qui escaladent les caléyères. La
plupart des colons seraient donc désolés de n’avoir pas de serpents; ce
qui est le cas. ou jamais, de dire qu on ne dispute pas des goûts De
celte façon, les serpents ont rendu inutile, à la .Martinique, un per-
sonnage fort important dans les autres colonies, elque l’on nomme le
ralier. .
Le ratier est une sorte d’artiste par rapport aux antres nègres, ses
compagnons, il est rusé par devoir, flâneur par habitude, et philosophe
par inclination, il part, le malin, le nez au vent et les mains dans ses
poches, silllottantim petit air de chasse, et provoquant du geste les
vingt-cinq chiens qui jappent sur ses talons Qui n’a pas vu ces chiens,
ne peut pas savoir le nombre exact de mésalliances dont est suscepti-
ble la race canine. Il y en a de peiils, de gros, de noirs, de blancs, de
camus, d'écourtés, d’essorrillés. enfin toute la gamme qui va du bottl-
dogne au lév rier, et du basset à l’épagneul, ils crient, ils hurlent, ils
miaulent; c’est un pêle-mêle incroyable, indicible, infini de sons, de for-
mes el de couleurs. Le Céphale africain conduit sa meute dans les cannes,
et là, par des signes qu’elle comprend, il la met sur la trace des rats
sortis le matin de leur trou, pour se livrer, avec la fraîcheur, au délasse-
ment d’une rêverie péripatélique. Le rat, une fois flairé et dépisté, ne
tarde pas à être pris, et le ratier le reçoit de la bouche de ses chiens
fidèles el le met dans sa gibecière, comme un perdreau ou un faisan.
Vers le soir, la prise monte ordinairement à deux douzaines, et le ratier
les porte au maître, qui en fait lui-même l’inspection. Il s’esl vu autre-
fois des ratiers peu scrupuleux qui rapportaient les mêmes rafsdeuxou
trois jours de suite ; depuis lors, on a imaginé de leur couper la queue,
et c'est une opération à laquelle le ratier se livre lui-mème avec une
conscience qui n’est égalée que par son sang-froid.
Hélas ! je n'en ai pas fini avec les fléaux de la 81arlinique, et j’arrive au
plus terrible de tous, le poison.
L’aride l’empoisonnement est arrivé, à la Martinique surtout, à une
habileté effroyable, et ce sont les nègres qui lui ont fait faire ce progrès.
Ils empoisonnent à jour fixe, à l’échéance de trois mois, de six mois,
d’un an. et ils ne se trompent jamais. Avec quoi ? on l’ignore .M. Orlila
el 91. Raspail y perdraient leurs cornues, el tous les appareils de Marsh
n’y verraient rien. Le pantonflier. le brinvilliers, le maneenilier el dix
autres plantes et arbustes fournissent des poissons subtils, sans comp-
ter ceux dont les nègres ont seulsle secret.
Pourquoi donc les nègres empoisonnent-ils. On n’en sait rien. Est-ce
l’esclave qui les pousse? pas du tout; car le poison a toujours été in-
connu dans les lies anglaises, et il l’est encore dans Iss lie# espagnoles.
M. Vanden Eynde, conseiller. Lorsque j’arrivai pour siéger eux assi-
ses. M. le président me fit part d’une lettre par laquelle les avocats an-
nonçaient ne pouvoir plaider.
Interrogés surcelle circonstance, les accusés dirent que ces messieurs
avaient exigé 25.000 fr. comptant el demandèrent une remise. Cette
remise fut prononcée ainsi que ies témoins el les jurés. Je quittai le
local el rencontrai M. Bosquet conseiller et son frère l’avocat qui me té-
moignèrent leur surprise de ce que l'affaire aurait été remise malgré
l’offre faite par les avocats de plaider d’office. Je répondisque cette offre
ne pouvait avoir été faite, puisque je d’en avais pas ouï parler.
31. le conseiller Bosquet demande aux témoins s’il est bien certain que
l’offre de plaider n’atiraiL pas été faite au président avant que le témoin
ait quitté ie local. Ii fait observer aussi que la chambre du conseil aux
assises comprend deux pièces distinctes.
81. Percy. Jedois ajouter dans I intérêt de la vérité que M. Vanden
Eynde était encore à la cour quand l’offre a été faite. Agissant en ma
qualité de président, je n’ai pas cru devoir référer de celte offre à mes
collègues.
31. Van den Eynde. Si 81. le président avait été appelé dans la deuxiè-
me pièce servant d’atni-cliatnbre , j’aurais me semble-t-il dû le voir.
Comme il avait été question dans le sein de la cour d’une nomination
d office, je pense que le président nous aurait parlé d’une offre analo-
gue qui lui eût été faite.
81. le conseiller Levieux rappelle le motif pour lequel 91. le président
n’a pas cru devoir en référera la cour.
91. Cloquelle, substitut, a rencontré 8131. Vervoort et Roussel qui lui
ont communiqué leur résolution de ne pas plaider, à la cour d’assises,
le matin même.
La remise ayant été prononcée au sein de la cour, le témoin a quitté
le local. Il n’a entendu parler du motif de la remise que dans le public.
Clais, gendarme. Pendant que je gardais les frères Mathieu aux assi-
ses. 31' Roussel est venu remettre un paquet de papiers à Melehior. Je
n’ai rien entendu de leur conversation.
De Knop gendarme. —L’accusé Melehior .Mathieu s’est plaint que son
affaire allait être remise parce que son avocat n’était pas d’accord avec
lui sur les honoraires. Est-ce donc tout? demanda ie témoin.—Oh ! gen-
darme, répondit Mathieu, c’esl trop pour oser vous le dire ! — Est-ce
l O.' 0;) francs. — Si ce n’était que cela gendarme, ce ne serait rien? -
Est-ce 20,ooù? — C’esl trop, répéta toujours Mathieu, je n’oserai vous le
dire.(Hilarité.)
L’audience est suspendue. •
Ü.La parole est donnée a M. d’Anethan, qui, dans un réquisitoire de
deux heures, a présenté les faits articulés à charge de M91. Roussel
et Vervoort, comme prouvés, el constituant uu triple manquement à la
discipline du barreau.
1. En ce que la somme de 25,000 fr. serait exorbitante.
2. En ce qu’ils auraient exigé d’avance le prix de leurs soins.
3. En ce qu’ils auraient tardivement refusé de plaider.
Un nombreux public assistait à cette séance.
(Nous rendrons compte de la sentence qui interviendra.)
AJSVERS, 9 J ASYIEK.
L’Escaut charrie aujourd'hui une grande quantité de glaces.
Le pilote du Soho rapporte qu’il y avait peu de glaçons au bas de la
rivière, à haute marée mais qu’il y en avait beaucoup à marée basse.
— Signalement d’une femme inconnue jusqu'à ce jour et qui s’est
noyée le premier de ce mois près de la nouvelle écluse :
Taille moyenne, âgée de 28 à 30 ans. cheveux et sourcils noirs, yeux
bruns, nez petit, bouche moyenne, visage rond, légèrement gravée de
la petite vérole. Vêtue d’une cornette blanche, mouchoir brun, jaquette
de coton brun et rouge, jupon de dessous de mérinos brun, bas de laine
noire, sans chaussure.
— On a arrêté dernièrement et écroné dans les prisons de Liège, un
cultivateur des environsde cette ville, sous prévention d’avoir, au mois
de novembre dernier, incendié volontairement la ferme qu’il occupait.
Les bâtiments, les récoltes, les bestiaux, les meubles et même les lin-
ges du prévenu et de toute sa famille avaient été assurés au mois d’août
précédent par la Société d’Assurances Générales contre l’incendie
Ce qu’il y a d’extraordinaire, et ce qui a peut-être éveillé l'attention
de l’autorité judiciaire, c’esl que. depuis six ans. le prévenu parait avoir
été victime de quatre incendies successifs, après assurance.
— Le capitaine de la goélette américaine <irampus, qui commande
la station de la côte d’Afrique, et qui a eu la faiblesse de permettre à des
bâtiments de guerre anglais de visiter des navires des Etats-Unis, est
hautement désapprouvé par son gouvernement. Il est même question
de le traduire devant un conseil de guerre.
— Ou écrit d Elalle (Luxembourg). 2 janvier :
« Un de nos manoirs antiques vient d’être détruit par un sinistre :
dans ia nuit du 3i décembre au I" janvier, entre 10 et 11 heures du soir,
un incendie a éciaté dans ie vieux cliàleaii dit Blanchards ou Chàiet-
Haut, à Habay la-Neiive; depuis 8 à U mois ce bâtiment n’élait plus ha-
bité, mais on y avait engrangé une grande quantité d’orge, avoine et
autres céréales; comme il était éloigné de loules les autres maisons, les
charpentes, bois, grains, tout a été réduit en cendres, sans qu’il ait été
porté des secours; le hài iinent appartenait à 31. Jean Ranck. cultivateur,
il était assuré pour 14.000 fr. par la compagnie des Propriétaires-Réunis;
la perte en récolte est estimée de 10 à il mille francs. On croit que ce
désastre est dû à l’imprudence, n
— Pendant la campagne de Russie , en 1812 . un enfant de ô ou 4 ans
fut trouvé à demi mort dans la neige el recueilli par un paysan russe ;
quelque temps après . cet enfant fut présenté au général comte de Be-
ningsen, qui le fil élever, le garda à son service et finit par lui donner
le soin de ses jardins L’année dernière, cet homme écrivit au ministre
des affaires étrangères de France qu’il était né à aielz de 1806 à i8IO, et
qu’il croyait que son père portait ie nom de Leroy. Par ordre du minis-
tre, des recherches furent faites sur le registre de 1 élat-eivil de 31etz. et
on découvrit tin acte de naissance de Joseph-Frederick Leroy, né le 3
août, fils de Cliai les-Louis-Fraiiçois Leroy, natif de Rumigny ;Aisne),
maître bottier au 0' bataillon principal du train d’artillerie, el de Marie-
Madeleine-Charlotle Pesson, son épouse, native de Besançon.
Cet acte de il iss mee s'appliquait évidemment au malheureux enfant
trouvé après la déroute de .Moscou, et bientôt on découvrit que ce jeune
homme avait une sœur demeurant à Paris rue SI Hyacinthe, et mariée
à un 31. Diival.Ces renseignements furent transmis au pauvre exilé, qui
prit aussitôt la résolution de venir en France voir la sœur que la Provi-
dence semble lui rendre après trente ans, et qui l’attend dans la pre-
mière quinzaine de janvier.
— On vient d'inventer à Londres une espèce de glace artificielle à
l’usage des patineurs. Cette composition a une ressemblance très pro-
noncée avec l’eau glacée par le froid, et elle jouit des mêmes propriétés
sous les pieds des patineurs. L’inventeur, nommé Kirk, élève à Londres
un bâtiment destiné au club des patineurs, el le prince Albert qui est.,
comme on sait, grand amateur du patin, s’est déjà déclaré ie protecteur
Les empoisonneurs sont généralement exportés à Porto Rico, et ils
n’empoisonnent plus dès qu’ils y sont. Est-ce par vengeance ? 9ton
Dieu non;car ils empoisonnent souvent leurs enfants, leurs frères, leurs
amis, et les maîtres qu’ils aiment quelquefois le plus. Ces empoison-
neurs sont doncun redoutable fléau, autant qu’un redoutable mystère.
Quelquefois, les empoisonneurs procèdent comme la foudre, et ils l tient,
en deux ou trois nuits, trente bœufs, vingt mulets, cent moutons et
dix ou douze nègres, leurs compagnons. Cela est arrivé, au su de tout
le monde, en dix endroits, et cela arrive presque chaque année. Quel-
quefois, ils donnent du poison qui tue minute par minute, et qui fait
durer l’agonie pendant six mois. Cela estarrivé sous mes yeux, au Fort-
Royal.
J’ai vu dans la famille de M. Cadéot. directeur de l’intérieur, une jeune
fille de onzeans, belle et bonne comme les anges. Elle était fort précoce,
comme lies femmes des colonies ; et il était impossible de considérer
cette enfant, sans être frappé de la grâce divine et de la douce majesté
de son visage. J’en fusais compliment à sa mère, qui l’idolâtrait ; mais la
pauvre femme me montrait, les larmes aux yeux, ies traits légèrement
amaigris el pâles de sa fille, en médisant que sa Laure avait élé empoi-
sonnée, six mois auparavant, par une vieille négresse; que les médecins
y avaient perdu leur science, et que la maladie gagnait du terrain cha-
que jour. « Je ne sais pas quand elle mourra, ajoutait la malheureuse
mère; mais ce sera bientôt. Elle a sa place toute prête à la Maison-
Royale de St.-Denis; mais elle n’ira pas ! » Nous étions alors dans la der-
nière semaine du carnaval. M1" Cadéot. invitée aux bals de famille du
Fort-Royal, conduis dt Laure au premier. Elle y dansa avec une joie
douce et mélancolique, qui brisait le cœur de ceux qui savaient qu’elle
allait bientôt mourir. Au second bal. je ne vis plus Laure. J'allai chez sa
mère, car je parlais le lendemain, pour lui faire mes adieux. Laure était
au lit, a vécu ne fièv reien le, et je baisai ses petites mains blanches, comme
on baise la robe d’un saint. Six jours après, je reçus à la Basse-Terre
une lettre de la famille, qui m’annonçait que Laure Cadéot venait d»
mourir, âgée de onze ans L’autopsieavait prouvé un empoisonnement
par des aaenU inconnus et insaisissables.
A. GRAN1EB DE CASSAGNAC.
(Fin du premier volume.)
Le premier volume du Voyage, aux Jntilles, par SI. A. Graxieb ds
Cassagxac, est terminé; le second volume sera prêt en février prochain :
il contiendra le Foyayeaux /les anglaises, danoises et espagnoles, à Saint-
Dominç/ue et aux Etats-Unis. |