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Sous la devise modeste : « Antwerpen boven », est exposé
un des bons projets du concours. Il se compose d’un soubas-
sement assez élevé, qui supporte un sarcophage derrière lequel
est placée un obélisque indiquant les titres des œuvres de
Conscience. En avant du soubassement une femme tient
sur ses genoux un livre ouvert, et du doigt, indique à un
enfant appuyé contre elle, le médaillon du poète qui se trouve
à la partie supérieure du soubassement ; à ses pieds le lion de
Flandre.
Ce groupe est d’une inspiration heureuse; il fait compren-
dre facilement l’idée que son auteur a voulu exprimer et donne
au monument ce caractère particulier qui est toujours difficile
à trouver. Rendu assez habilement, ce projet, un des meilleurs,
gagnerait encore s’il était moins petit d’échelle et si l’on suppri-
mait la pyramide dont la ligne un peu raide, contraste avec les
détails du soubassement. Nous faisons également des réserves
quant à la dépense limitée, d’après le programme, à 20,000 fr.
Pour ce chiffre, le projet ne nous paraît pas exécutable dans
de bonnes conditions.
Les projets : « Conscience tôt aandenken », « Eigen taal is
eigen leven », « Conscience tôt eere », semblent être de la
même main. Ils ne sont pas traités maladroitement, mais
leur auteur a eu tort, nous semble-t-il, de s’inspirer pour un
monument isolé de certains tombeaux adossés de l’époque
Louis XIV. Le rendu de ces projets, un peu tapageur, dissi-
mule à distance l’exécution trop sommaire du dessin.
Le projet : « Vlaamsch van ziel, etc., » semble à première
vue un monument classique, et c’est bien ainsi, croyons-nous,
que levait être l’esquisse que son auteur, pour rester dans le
programme, a arrangée à la mode du jour. Mais ni les obélis-
ques, ni les volutes, ni les carottes prodiguées un peu partout,
ne sont parvenues à corriger la ligne assez pure du piédestal
élancé qui supporte le sarcophage. Le groupe qui se profile sur
le socle est d’un sentiment distingué, les dessins sont rendus
avec légèreté.
Les auteurs des 5 projets que nous venons de citer n’ont
pas joint de maquettes à leurs envois. Parmi les concurrents
n’ayant exposé que des maquettes, nous remarquons d’abord
le projet « Hij leefde voor het vlaamsche volk ». Ce projet
conçu, sauf quelques petits détails, en classique romain est
simple et a grande allure. Il se compose d’un soubassement
très important supportant un sarcophage sur lequel se trouve
une figure couchée. Comme on le voit, ce sont presque les
mêmes éléments que ceux des oeuvres mentionnées plus
haut, disposés autrement et différents de proportions et
de détails, mais il y a ici, grâce à l’emploi d’un style plus
sobre, un caractère de grandeur qu’on ne retrouve pas dans les
autres projets. On pourrait malheureusement faire à ce tombeau
le reproche assez grave de pouvoir servir à tout autre qu’à
Conscience. En effet, rien ne rappelle l’homme qu’on a voulu
honorer, ni buste, ni médaillon, ni attributs quelconques. Nous
ne comptons évidemment pas la figure du sarcophage qui,
placée à plus de sept mètres de hauteur ne se verrait que de
loin et ne ferait au plus qu’un effet de silhouette.
Les observations que suggère le projet ayant pour devise :
« Vlaamsch van ziel » peuvent s’appliquer au projet : « Baes
Gansendonck ». La donnée est classique. C’est une stèle sur
laquelle se trouve sculpté le médaillon de Conscience. Sur le
devant du sarcophage précédant la stèle est couché le lion
inévitable, bien petit cette fois-ci. L’auteur de cette œuvre, vou-
lant rester dans le programme, a agrémenté les différentes
parties de son travail de motifs renaissance, mais il n’a pas
réussi à lui enlever son caractère classique qui perce malgré
tout.
Sous la devise: « Gestorven leeft hij voort », se trouve une
maquette d’une certaine allure. Une figure couchée sur un sar-
cophage, se détachant sur une espèce de stèle très grande et
bien lourde. Le lion de Flandre, là comme dans tant d’autres
projets, fait faction. Disons à ce propos que les lions ont été
joliment mis à contribution. Il y en a pour tous les goûts ;
debout, assis, couchés, affaissés. Il s’en trouve de grands et
de minuscules.
★
* *
Avant de terminer nous tenons à dire combien l’Emulation
avait vu juste en protestant contre certaines conditions du pro-
gramme, entre autres celles relative à l’échelle. On se rapel-
lera, sans doute, que la Commission demandait que les con-
currents envoyassent un dessin ou une maquette ayant au moins
un mètre de haut. Cette clause ridicule a amené les résultats
auxquels on devait s’attendre. Toutes les échelles ont été
employées; certains projets sont à b centimètres pour mètre,
d’autres à 10,d’autres à 18. Impossible de comparer deux œuvres.
La Commission se réservait également le droit de nommer
le jury. Elle a, à cet effet, désigné MM. Baeckelmans et Blomme,
architectes, de Brackeleer et Deckers, sculpteurs, Schaefels et
Van der Oudera, peintres, Van Beers, Max Rooses et Van Rys-
wyck, littérateurs.
Si nous nommons ces Messieurs, ce n’est pas précisément
pour discuter leurs titres. Quelques-uns, les quatre premiers par
exemple, étaient bien à leur place ; quant aux autres, ils ont
cru être à même de juger en connaissance de cause, des œu-
vres d’architecture. C’est une prétention que l’on rencontre trop
souvent pour en être encore étonné. Si nous avons parlé du
jury, c’est plutôt pour signaler une innovation : la Commission
du monumentétait composée à parties égales de libérauxet de ca-
tholiques et chacun des deux groupes a choisi 4 membres du jury.
Voilà au moins du nouveau.
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Jusqu’à maintenant lorsqu’il s’est agi de nommer un jury,
on s’est plutôt préoccupé du talent et du caractère des candi-
dats que d’autres choses; actuellement il s’agit de savoir avant
tout s’ils sont bon teint.
Du train dont nous marchons on en arrivera sans doute à
ranger les matériaux aussi en deux catégories, les matériaux
catholiques et les matériaux libéraux. La brique rouge de
Boom sera naturellement recommandée aux administrations
catholiques; les autres affirmeront leurs opinions en n’em-
ployant plus que la pierre bleue.
Ce sera complet.
A. E. T.
Concours nouveaux.
ÉCOLES A SAINT-JOSSE-TEN-NOODE.
Nous avons annoncé dans notre précédente livraison le con-
cours ouvert par la commune de Saint-Josse-ten-Noode pour
la construction de deux écoles; nous avons reçu de l’adminis-
tration communale les « concluions imposées aux architectes
qui voudront y prendre part ».
Les conditions dé ce concours sans primes (l’exemple de la
ville de Bruxelles est décidément contagieux) et sans pro-
gramme (!) nous paraissent de nature à écarter tout concurrent
sérieux.
Nous ne croyons donc pas devoir le publier in extenso ;
mais nous nous proposons d’examiner, dans une pro-
chaine livraison, où nous conduira inévitablement l’organisa-
tion sciemment vicieuse de concours sans prime et sans pro-
gramme bien déterminé, qu’on semble vouloir ériger en système.
AUTEL A OFFRIR AU PAPE LEON XIII.
La Commission promotrice des fêtes du jubilé sacerdotal de
Sa Sainteté Léon XIII établie à Bologne (Italie) ouvre un con-
cours pour un projet d’autel qu’elle désire faire exécuter et offrir
à Léon XIII à l’occasion de ce jubilé en 1887.
Les primes suivantes seront décernées aux auteurs des meil-
leurs projets :
lre Prime................ Fr. 3,500
2e » 700
3e » 500
4e » 300
Total. 5,000 francs,
pour un autel, tandis qu’en Belgique on n’offre pas même
1,000 francs pour une école.
ŒUVRES PUBLIÉES (l).
Maisons Boulevard Frère-Orban, à Liège.
PL 25.
Parmi les construclions intéressantes édifiées à Liège dans
le nouveau quartier de i'Ile du Commerce et dont nous avons
parlé dans un précédent article, figurent celles qui font l’objet
de la planche
Ainsi que l’on peut s’en convaincre par l’examen des plans,
ce groupe comprend deux habitations bien distinctes: à gau-
che, un grand hôtel à porte cochère comprenant de vastes
salons tant au rez-de-chaussée qu’à l’étage; à droite, une habi-
tation plus modeste, ne présentant qu’une petite porte à rue
et rentrant, en somme, dans le type bien connu de nos maisons
bourgeoises.
Les plans que nous reproduisons nous dispensent d’entrer
dans de longs développements au sujet de leur distribution.
Disons toutefois que le soin apporté dans l’aménagement des
locaux en vue d’obtenir tout le confort qu’exigent nos mœurs
actuelles, ainsi que leur décoration intérieure, sobre et de bon
goût, font de ces habitations des séjours pleins de charme et
d’agrément et qu’augmente encore leur situation dans la partie
la plus agréable du nouveau quartier.
Bâties, en effet, à front du boulevard Frère-Orban, on jouit
de là d’une vue admirable sur la Meuse, sur les parcs et jar-
dins, qui bordent la rive droite du fleuve et enfin sur les coteaux
qui se profilent à l’horizon.
Notre confrère liégeois, M. Soubre, a parfaitement compris
le parti qu’il y avait à tirer d’une situation aussi privilégiée.
De là, ces bretèches posées en encorbellement, à un ou deux
étages, polygonales ou rectangulaires; ces galeries couvertes ou
découvertes qui donnent tant de pittoresque, tant de mouve-
ment à ces façades sans rien leur enlever de leur grandeur.
On remarquera enfin que tout en conservant les grandes
lignes de l’ensemble, accentuant ainsi l’importance de ces habi
tions, notre confrère a su donner à son oeuvre une allure plus
mouvementée encore, grâce à la diversité des matériaux et à
la variété, peut-être excessive, apportée dans la forme des
ouvertures et dans l’étude des détails.
Grand concours triennal d’architecture de 1884.
PI. 26 et 27.
Le programme posé en 1884 aux élèves de l’Académie des
Beaux-Arts de Bruxelles, pour le grand concours triennal
d’architecture, comportait un Palais pour le Gouvernement pro-
vincial.
Sur un terrain, dont la formeet les dimensions élaient laissés
(1) Errata. — Une erreur s’est glissée dans la rédaction de l’article
que nous avons consacré au Palais de Justice de Matines (col. 107).
Le subside alloué par le Département de l’Intérieur pour la restauration
de cet édifice, a été de 15,000 francs et non de 85,000 francs, comme
cela a été indiqué par erreur.
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à l’appréciation des concurrents, il fallait concevoir un édifice
renfermant les bureaux d’une administration importante, une
grande salle de réunion avec ses salles annexes, des salons de
réception, l’habitation du gouverneur ainsi que toutes les
dépendances qui en sont le complément.
Parmi les projets présentés au concours, celui de M. J. Hu-
bredit fut déclaré le meilleur par le jury. Nous n’y contredirons
rien, n’ayant pas eu l’occasion de voir les résultats de cette
joute artistique et nous avons tout lieu de croire que le juge-
ment a été équitablement rendu.
Il est, en tous cas, certain que la valeur de ce projet dépasse
la bonne moyenne des travaux de l’espèce.
Les plans présentent une silhouette heureuse, un ensemble
agréable, les dégagements sont nombreux, les locaux bien
éclairés. Nous y trouvons ces alignements de colonnes, ces
enfilades de galeries, ces axes non interrompus, cette symétrie
implacable des projets académiques. La pratique trouverait
peut-être quelque chose à redire à ces bureaux disséminés
autour d’un vaste rectangle, de 80 mètres de longueur sur 25
de large, ainsi qu’à ce grand escalier si éloigné des salles de
réception qu’il doit desservir; les chefs de bureaux diraient,
avec quelque raison, que parcourir 100 mètres de couloirs et
de vestibules pour aller voir un de leurs trois collègues est peut-
être beaucoup ; M.leGouverneurlui-même trouverait plus agréa-
ble et surtout plus confortable d’habiter un modeste apparte-
ment d’une de nos modernes maisons de rapport, que de résider
dans les quelques locaux symétriquement rangés autour d’un
vaste escalier d’honneur et auxquels il n’arrive qu’après avoir
successivement parcouru des entrées, des galeries, des vesti-
bules grands et petits, et des escaliers.
Laissons donc là ces plans bien classiques d’autant plus qu’il
n’est guère possible d’exiger davantage d’élèves à qui l’on sem-
ble refuser systématiquement les moindres notions de science
pratique et empressons-nous d'ajouter que nous ne trouvons
pas ici comme dans certains travaux primés des lapsus voulus
ou non, comme des fenêtres tracées en plan qui disparaissent
en élévation ou des escaliers immenses qui grandissent l’aspect
d’un monument, mais qu’il serait impossible de maintenir dans
la distribution sans modifier complètement l’ordonnance géné-
rale.
La façade du projet de M. Hubrecht ne présente point ces
défauts et donne assez bien l’impression de ce que doit être un
édifice aussi administratif qu'officiel : que l’on nous passe ces
expressions ; c’est simple et grand, quoiqu’un peu monotone ;
de bonne proportion et de sérieuse allure, quoiqu’un peu froide ;
sans grande recherche mais sans superfluité d’ornements.
Disons enfin que le dessin de M. Hubrecht, simplement rendu
à l’encre de Chine en plusieurs tons, au tireligne et sans lavis,
dénote une grande sûreté de main delà part de notre jeune con-
frère.
BIBLIOGRAPHIE (1).
La Revue de Belgique vient de publier, sur ce sujet fertile en
observations fines qui s’appelle l’Art religieux, un article de
M. Emile Leclercq, inspecteur des Beaux-Arts.
« La question valait la peine d’être traitée même sommai-
rement », et quoique nous ne partagions pas entièrement la
manière de voir de M. Leclercq à ce sujet, nous devons lui
savoir gré de l’avoir étudiée.
FAITS DIVERS
Dans une de ses dernières séances le conseil communal de
Liège a nommé M. Charles Soubre, professeur à l’académie de
cette ville, membre correspondant de la Société Centrale d’Ar-
chitecture. Nous félicitons le conseil communal de Liège de
l’heureux choix qu’il a su faire.
Le Gouvernement vient de nommer M. Helleputte (professeur
à l’Université de Louvain), membre effectif de la Commission
des Monuments en remplacement de M. Deman, démissionnaire.
Nous annoncions dernièrement la prochaine ouverture des
nouvelles salles de moulage du Musée du Trocadéro.
Les membres de la Commission des Monuments historiques
chargés de l’organisation du Musée se sont réunis il y a quelque
temps au Trocadéro, sous la présidence de M. Antonin Proust.
Il a été constaté que les nouvelles salles qui complètent le
Musée et qui sont consacrées aux sculptures des XVIIe et XVIIIe
siècles étaient, grâce au zèle et à l’activité déployés dans ces
derniers mois par le conservateur M. Geoffroy-Dechaume, en
état d’être ouvertes au public. L’inauguration de ces nouvelles
salles aura lieu dans quelques jours, après que la Commission
des Monuments historiques aura pris les convenances du
ministre et invité le Président de la République à choisir le
jour qui lui conviendra pour cette inauguration.
La dernière salle du Musée est destinée à recevoir, à côté
d’une bibliothèque consacrée aux monuments historiques, les
dessins de Viollet-le-Duc. Cette salle sera ornée des bustes de
Vitet, Mérimée, Henri Martin, Victor Hugo, Quicherat et
du Sommerard. Ajoutons que, en vertu d’un traité intervenu
entre la Commision des Monuments historiques et un photogra-
phe, 1,700 épreuves d a pi ès des clichés laits sur les monuments
de 1 art français sont mises a la disposition du public qui visite
le Musée du Trocadéro.
(1) Il sera rendu compte de tout ouvrage dont un exemplaire sera
envoyé à l'Administration du journal, boulevard du Ilainaut, 12, à
Bruxelles. |