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qui écrivait : Nous insistons surtout sur une sobriété
d'ornementation si l’on veut bâtir à bon marché, et
nous répéterons sans cesse qu'il faut absolument ap-
porter une grande économie dans l’emploi des mou-
lures et des ornements tant intérieurs qu'exté-
rieurs (1).
Ce principe ou plutôt cette leçon applicable à bien
des constructions surchargées d’ornements élevées de
nos jours, et dont quelques-uns de nos grands édi-
fices, tels par exemple, que la Bourse de Bruxelles,
nous offrent la regrettable antithèse, ce principe, di-
sons-nous, est vrai ; la simplicité est une condition du
beau, c’est pourquoi il est si difficile d’être simple en
architecture. Mais dans un tel genre de construction
serait-il applicable? Quel effet produiront toutes ces
lignes si sévèrement droites,ces angles si correctement
droits, découpant une surface plane sans ou presque
sans saillies et dont les éléments métalliques auront
peu de largeur?
Il y a certes quelque chose dans ce que l’on a ap-
pelé déjà l’architecture de fer et peut-être sera-ce
l’origine d’une révolution artistique ; le caractère de
l’architecture du dix-neuvième siècle sortira peut-être
de ces tâtonnements de l’emploi du fer, car l’on a déjà
essayé et à diverses reprises; mais il y a là une
question spéciale que nous nous réservons d’examiner.
Nous nous bornerons à constater qu’aujourd’hui
l’architecture domestique ne diffère de celle de la fin
du dix-neuvième siècle, que par un nombre plus con-
sidérable d’étages et de fenêtres ; que nous conti-
nuons à bâtir comme nos prédécesseurs et que nous
faisons assez souvent, dans notre art, comme l’on fait
pour les chapeaux : remettre à la mode des styles, des
fantaisies démodées, des goûts qui ne sont pas, qui
ne peuvent être les nôtres et que l’on voit en peu de
temps, être admis avec engoûment par le public et
repoussés avec dédain.
C’est surtout à Bruxelles que cette manie s’est
montrée avec le plus d’entrain, car à côté d’une façade
néo-greque, nous en voyons en renaissance dite fla-
mande, à côté d’une composition classique, nous en
trouvons une anglo-saxone (?). L’idée, le sentiment
Louis XVI domine cependant et se modernise, prend
un petit cachet d’élégance et de richesse qui lui sied à
ravir, mais c’est toujours du Louis XVI.
Les éléments sont, aussi, peu coordonnés et l’étude
manque à tel point, que ces superpositions de co-
lonnettes sur colonnettes pour rattraper une nais-
sance d’arc ; de colonnettes, portées par des consoles,
soutenant une nouvelle console pour arriver à se met-
tre sur la tête un balcon énorme, nous font un peu
l’effet de ces magasins d’antiquaires où nous trouvons
dans une soucoupe de vieux Rouen, s’élever un can-
délabre renaissance, portant un crucifix gothique
auquel est accroché une bague ou un bracelet pom-
peïen !
Et nous n’entendons pas cependant parler de l’idée
logique qui, souvent, est bien autrement malmenée.
Pourquoi aussi chercher à implanter chez nous des
styles, des goûts qui ne sont pas les nôtres et qui vont
à nos mœurs et à nos idées comme un chapiteau
égyptien à une colonnette gothique?
Nous disons pour finir avec M. Pfau (2):
« S’il y a un art qu’on ne peut transplanter, c’est
justement l’architecture qui s'attache à la terre natale,
qui suit la transfiguration du sol, qui s'inspire de la
matière du pays et qui a pour base artistique les be-
soins naturels d’un culte particulier. L’architecture
d'un climat arcadique, plein de chaleur et de lumière,
reproduite sous un ciel qui ne connaît que la pluie et la
neige pendant les trois quarts de l’année — quelle folie !
" L’architecture, plus que tout autre art, doit être
nationale et rester chez soi. «
E. ALLARD.
Notices sur les œuvres publiées
L’Eglise N.-D. de la Chapelle, à
Bruxelles.
(Planches, 7 à 9).
L’église de la Chapelle, dont le chœur a fait l’objet de plu-
sieurs planches, plan, coupes et ameublement, est un des
plus beaux spécimens de l’architecture de la transition du
roman au gothique que nous possédions. Le chœur de cette
église, dont nous nous occupons seulement jusqu’ici, a été
construit, à l’emplacement d’un oratoire construit sous Go-
defroid Ier, duc de Brabant, qui en posa la première pierre
en 1134, ainsi que le constate une charte de 1138, dans laquelle
le duc déclare formellement avoir présidé à cette solennité.
C’est en souvenir de l’oratoire que l’église a reçu le nom
de la Chapelle, et pendant assez longtemps on a. hésité quant
à la date probable de la construction du chœur ; les recherches
(1) L’architecture et la construction pratiques, 1871, 2e Ed.
pag. 525.
(2) Etudes sur l’Art, 1862, pag. 121.
des savants ont amené la découverte d’un fait qui vient jeter
quelque lumière : c’est l’érection en 1216, de la Chapelle en
paroisse.
Il est évident que de notables agrandissements ont été
apportés à cette époque et déjà il y a trente ans, le savant
M. Schayès disait : peut-être est-ce là la date de la construc-
tion du chœur de l’église de la Chapelle.
Dans une étude archéologique, publiée dans les Précis his-
toriques (1), M. Piot s’occupe de cette question si intéres-
sante. Quelle est l’époque de la construction du chœur ac-
tuel de l’église Notre-Dame de la Chapelle?
Nous résumons rapidement l’article cité, tout en lui con-
servant la suite, les arguments et les conclusions de l’auteur :
Le chœur est construit dans des proportions plus grandes
que celles usitées à l’époque romane ; l’abside est pentagonale.
•— Il est éclairé par de larges fenêtres à plein-cintre formé
par des tores concentriques reposant sur de doubles colon-
nettes superposées et à chapiteaux ornés de crochets allongés
et terminés en feuilles roulées (volutes).
Comme on le voit par les arrachements de pierre, ces
fenêtres étaient géminées comme celles qui sont marquées
dans l’abside. A l’extérieur, entre chaque fenêtre, un con-
trefort vient se perdre dans la corniche qu’orne une frise de
feuillage, des gargouilles appuyées sur des figures fantasti-
ques et d’une exécution pure et soignée. — A l’intérieur, la
voûte en ogive à tiers-point est subdivisée par des arêtes et
des arcs doubleaux à moulures arrondies et annelées.
Les intersections sont historiées, et les arêtes viennent se
réunir sur le tailloir des colonnettes cylindriques, isolées sur
le mur. Il est évident que toute cette partie de l’édifice est
d’un seul et même jet, d’une même pensée.
L’entrée présente une ogive immense ; ainsi que celles des
chapelles latérales élevées vers la même époque, elles sont
ornées de colonnettes annelées ; ces chapelles sont absolument
du même style, quoiqu’il soit difficile de bien reconnaître
celle de gauche qui a été singulièrement modifiée par des
restaurations entreprises au XVIIe siècle. Les deux façades
des transepts, construites d’une manière uniforme, pré-
sentent une large fenêtre ogivale surmontée d’arcades simu-
lées, à plein cintre, soutenues par des colonnettes et flanquée
de deux arcades allongées également en plein cintre, simulées
et ornées de colonnettes annelées.
Comparant l’ensemble et les détails du chœur de la Cha-
pelle aux édifices religieux du commencement du 13e siècle,
l’auteur de cette intéressante notice constate que le caractère
général de cette architecture, l’élégance des colonnettes, la
beauté et le fini des sculptures décoratives, les chapelles laté-
rales bordant le sanctuaire et inconnues encore au XIIe siècle,
les crochetsà feuille roulée en volute qui n’apparaissent qu’au
13e siècle même qui n’est pas, comme dans le roman .
la décomposition des masses en petits prismes rectangulaires
réguliers, mais qui forme, ce qui existe à la Chapelle, des
prismes plus grands et de dimensions moins régulières, —
que tous ces faits viennent démontrer que c’est au commence-
ment du 13e siècle que nous devons le Chœur de la Chapelle.
Nous ajouterons que les nefs actuelles, de style ogival ont été
commencées en 1421, seize ans après l’incendie désastreux de
1405 qui détruisit tout le quartier et entama la partie anté-
rieure de l’Eglise qui était séparée du Chœur et du transept
par une tour de la transition qui fut détruite dans le bom-
bardement de Bruxelles par les Français, 1695.
Le château de Faulx
(Planches, 1 à 6).
Bien que nous ayons déjà, antérieurement, donné les ren -
seignements que nous croyions utiles à propos de cette œuvre
remarquable de l’un de nos architectes les plus éminents, nous
tenons à les rappeler dans notre seconde année en publiant
les dernières planches relatives au château de Faulx.
Monsieur l’architecte Henri Betaert a choisi le style de
l’architecture du XIIIe et du XVIe siècle pour donner à son œuvre
le caractère dont il voulait la revêtir. La conformation du ter-
rain lui a donné les grandes lignes du plan, car, procédant
comme les anciens maîtres de l’œuvre, il en a étudié tous les
accidents afin d’en tirer tout le parti possible, tant pour la
distribution que pour l’aspect général, le pittoresque à obte-
nir. Les traces d’une vieille tour ont été relevées avec soin, et
rappelées dans le plan.
Le château de Faulx, bien que conçu en bonne partie dans
un style d’architecture militaire du moyen-âge, est simple-
ment et exclusivement un château moderne ; l’artiste et l’ar-
chéologue sont devenus collaborateurs et réunis en une même
intelligence, ils devaient produire une œuvre remarquable
tant au point de vue de l’art qu’à celui de la science architec-
tonique.
Nous avons décrit successivement chaque partie du châ-
teau et nos lecteurs ont pu apprécier, par les planches pu-
bliées, l’œuvre de M. Beyaert ; nous croyons inutile de revenir
sur ce qui en a été dit déjà.
Nous ajouterons que nous nous sommes efforcés de donner
aussi complètement que possible, le superbe château qui nous
occupe; quant à la construction, nous dirons que M. Beyaert
n’a employé que des matériaux du pays, et que la pierre
extraite des rochers de la Meuse, à Samson près Namèche,
quoique d’assez petit appareil, relativement, a été surtout
mise en œuvre.
Maison de campagne à Boitsfort
(Planches, 23 et 24).
La maison de campagne qui fait l’objet de nos planches 23
et 24 (2e année), est l’œuvre d’un jeune architecte, M. G. Ghy-
sels.
C’est un bâtiment de 95 mètres carrés, environ, ayant :
Souterrains, composés de caves et cuisine. Rez-de-chaussée,
(1) Décembre 1859, page 572.
ayant salon, salle à manger, vestiaire, bibliothèque et bain.
Etage, composé d’un petit salon, de chambres à coucher et
d’un cabinet. Mansardes et greniers.
Ce n’est ni excessivement grand, ni mesquinement petit ;
sur cette superficie relativement peu considérable, l’auteur a
su trouver tous les appartements avec leurs accessoires, sans
cependant donner à la construction une hauteur considérable.
La distribution est irréprochable; on pourrait peut-être
trouver très-importante la place occupée par l’escalier ; nous
nous empressons de dire que: un escalier très-vaste était
demandé à l’architecte. Les caves sont distribuées intelligem-
ment pour leur usage respectif et les exigences de certains
de ces locaux, tels que garde-manger, cave aux vins et à la
bière, etc.
Les élévations sont charmantes et l’exécution répond par-
faitement à l’impression qu’elles produisent, surtout les deux
faces que nous publions. Cette maison de campagne est élevée
en briques frottées, et ce fond rouge fait ressortir parfaite-
ment les lignes et les ombres, tout en atténuant la vigueur
de quelques-unes de celles-ci. La tour engagée qui se dessine
dans la face principale, nous plaît, et nous aimons le pitto-
resque de la face latérale.
C’est enfin une œuvre d’un artiste qui nous promet un bon
architecte.
Notes de constructions.
LA PIERRE.
La pierre, cet élément si important de la construction,
demande tout autant que le sol, un minutieux examen au point
de vue de sa nature, de sa résistance, des fonctions qu’elle
doit remplir. En effet, la pierre est appelée à être employée
tant comme support vertical que comme support horizontal ;
mais pour sa résistance, c’est surtout au point de vue de la
compression qu’elle doit être examinée, car il n’arrive jamais
que l’on fasse porter des charges considérables, et ce serait
une erreur, à un linteau de pierre si ce n’est quand ce linteau
devient un bandeau clavelé ou un arc de décharge et alors
l’effort, la pression verticale se traduit en un effort de com-
pression selon les surfaces de contact des claveaux.
La pierre à bâtir doit avoir les qualités distinctives sui-
vantes, autant que possible, ou s’en rapprocher :
1° Le grain fin et homogène ;
2° La texture compacte, c’est-à-dire que la soudure des
grains doit être parfaite et sans laisser de cavités ;
3° Se prêter suffisamment à la taille ;
4° Faire adhérence avec le mortier;
5° Résister à l’écrasement;
6° Résister aux influences atmosphériques telles que la
dilatation par l’humidité et la gelée, et la contraction par la
sécheresse ou la chaleur.
Les pierres ne sont pas atteintes, toutes, de la même ma-
nière par les agents atmosphériques ; les unes se décompo-
sent a la suite de nouvelles combinaisons chimiques au contact
de l’air, les autres se ramollissent ou s’usent au contact de
l’eau. Gela est vrai surtout pour les pierres silicieuses.
Mais le plus grave accident qui se produise dans la pierre
à bâtir c’est la dilatation la gelée, dilatation assez puis-
sante pour arracher des éclats ou même déchirer, faire sauter
en énormes morceaux les blocs déposés en chantier.
Les pierres qui subissent cette action désastreuse de la
gelée sont appelées gélives ; ce défaut leur vient de leur peu
de densité, du manque d’homogénéité ou de leur porosité
excessive ; l’accident se produira surtout lorsque la pierre
n’a pas été extraite en bonne saison, c’est-à-dire qu’elle n’a pu,
sous les rayons du soleil et l’action de l’air débarrassé de va-
peur d’eau, abandonner son eau de carrière.
On a employé un procédé artificiel pour chasser l’eau recélée
par les pores de la pierre ; les Anglais ont imaginé d’introduire
les blocs extraits dans la petite île de Portland (Angleterre)
ou à Bath, dans des fours fortement chauffés; c’est sans doute
ce qui accuse la teinte de ces pierres assez semblables à cer-
taines pierres françaises.
On peut s’assurer du degré de résistance à la gelée d’une
pierre quelconque, par le procédé Brard qui consiste à la plon-
ger pendant assez longtemps dans une dissolution bouillante
de sulfate de soude, à suspendre les cubes d’essai, taillés ou
sciés à vive arête, dans une chambre mise à la température
moyenne de 12 à 15 degrés. Après 24 heures il se formera de
légères efflorescences salines, on recommencera 2 ou 3 fois
l’immersion à des intervalles égaux; si alors il ne se détache
aucune parcelle de la pierre, si les arêtes restent vives, on
peut admettre ces pierres comme non-gélives.
Outre la gélivité, les pierres présentent d’autres défauts :
quelques-unes contiennent des moyes ou (ils remplis de ma-
tière terreuse qui se détache à l’action de l’humidité et laisse
des cavités qui empêchent d’utiliser ces pierres autrement
que comme libage.
La généralité des pierres tendres, ou du moins beaucoup
de ces pierres contiennent du gravier que l’humidité détache ;
ces pierres sont dites moulinées. — Quelquefois, comme dans
la savonnière, on rencontre dans la hauteur du banc, de pe-
tites zones, souvent un noyau, un filon très-dur qui fait donner
à la pierre le nom de ferrée.
Les pierres ont encore comme défauts les rognons, clous,
fontaines et géodes, dont nous parlerons plus loin,
Les pierres peuvent être classées en deux divisions généra-
les : les pierres dures et les pierres tendres.
Les pierres dures sont celles qui ne peuvent être débitées
qu’au moyen de la scie sans dents, simple lame, et de l’eau
mélangée de gravier.
Les pierres tendres sont toutes celles qui se débitent au
moyen du passe-partout, scie à dents.
Elles nous viennent généralement sous forme de blocs ; le
bloc débité donne les pierres de taille, les déchets du bloc,
en carrière, grossièrement taillés, donnent les libages.
La taille de la pierre demande beaucoup de soin, car il y a
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