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1875-1876
N° 5.
2e ANNÉE.
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L’Année parue:
Belgique: fr. 30-00.—Etranger: fr. 33-00(Port en sus.)
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Rue Cans, 22, Ixelles.
PUBLICATION MENSUELLE DE LA SOCIÉTÉ CENTRALE
D’ARCHITECTURE
— DÉPOSÉ —
DE BELGIQUE
— DÉPOSÉ —
ANNONCES A FORFAIT
S’adresser rue des Palais, 193
SCHAERBEEK.
RÉDACTION:
Rue des Quatre-Bras, 5, Bruxelles.
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Bruxelles, Janvier 1876.
SOMMAIRE: L’Architecture domestique. E. A. — OEuvres publiées :
L’Eglise de la Chapelle ; le château de Faulx ; la maison
de campagne à Boitsfort. — Notes de construction : la
pierre. — Correspondances : Réponse à la lettre d’un mo-
deste Zoïle. — Faits divers : Les Nouveaux Boulevards
de Bruxelles ; Résultats du concours. — Notions géné-
rales de la construction des voûtes en berceau, par M. Po-
plimont, ingénieur.
L’architecture domestique.
Il y a dix-huit ans un Français, M. Félix Abate,
architecte et ingénieur civil, publiait en une brochure
in-4°, avec planches, une étude très-intéressante qu’il
avait faite de cette question si importante, déjà à
cette époque : De l’adoption d’une double réforme
DANS L’ARCHITECTURE DOMESTIQUE EN FRANCE.
Après avoir examiné le mode de construction
adopté généralement à cette époque et en avoir fait
ressortir les inconvénients si nombreux, l’auteur con-
cluait à ces deux principes :
1° Adoption du système anglais (une maison pour
chaque famille) en ce qui concerne la distribution in-
térieure.
2° Décomposition de toutes les habitations possibles
en panneaux verticaux ou horizontaux semblables,
composés de châssis en bois ou en fer avec remplis-
sages en briques.
La pensée de l’auteur avait du mérite ; elle visait à
l’augmentation du comfort privé et à la diminution des
frais considérables d’acquisition ou de location d’un
immeuble par le fait d’une construction rapide et fa-
cile, réduite, en quelque sorte, à sa plus simple ex-
pression. Atteindre le but était évidemment désirable,
dans les grandes cités particulièrement, là où la po-
pulation augmente rapidement, où à certains mo-
ments l’espace semble devenir trop restreint, où l’air
vient à manquer et où il faut construire beaucoup pour
satisfaire aux besoins.
Mais à côté de ces avantages évidents se présen-
tent immédiatement les difficultés nombreuses qui
rendent en quelque sorte impossible la mise à exécu-
tion des principes qui doivent les amener ; en Belgique,
dans les grandes villes, la propriété foncière a aug-
menté de valeur, comme en France, dans des propor-
tions considérables. Il importe aujourd’hui d’occuper
le moins de surface possible, quitte à reprendre en élé-
vation l’espace économisé en largeur et en profondeur.
Non-seulement le terrain a acquis une valeur con-
sidérable, mais les matériaux, en général, ont aug-
menté dans la même proportion ou à peu près ; aussi
faut-il des capitaux importants pour construire et la
valeur locative doit-elle être très-élevée pour répon-
dre, comme intérêt produit, à l’importance même du
capital.
L on a donc superposé les étages, et au lieu d’avoir
la maison d habitation comme lacomprenait M. Abate,
en est-on arrivé à avoir des bâtiments à 3, 4 ou 5
étages et plus, rarement il est vrai. L’augmentation
de la valeur locative a forcé la grande partie de la
population, celle dont les ressources ne permettent
pas la location d’une maison pour une seule famille,
à se contenter d’appartements composés de 3 ou 4
pièces.
Or c’est là le genre de constructions quis’élèvent le
plus aujourd’hui; c’est donc dans ce mode d’habita-
tion qu’il conviendrait de chercher le progrès, les
améliorations au point de vue du comfort et de l’hy-
giène dont se préoccupait l’auteur de la brochure que
nous avons citée.
Quoi qu’il en soit, si l’habitation comprise par
M. l’architecte Abate ne peut pas être appliquée dans
les grands centres, nous la voyons assez générale,
aujourd’hui, dans les faubourgs et les villes de second
rang. Là en effet, aucune des raisons que nous avons
citées ne vient en rendre l’application impossible : le
terrain est relativement peu coûteux, et c’est là la
considération majeure.
Mais il y a beaucoup à faire encore, quoique de-
puis dix-huit ans, il ait été beaucoup fait pour arriver
à satisfaire aux exigences impérieuses du comfort et
de l’hygiène ; nous voyons en effet le type de maison
de rapport, se composer de magasins au rez-de-
chaussée avec entresol et escalier particulier, former
à la fois le local du commerce et les appartements
nécessaires ; les étages se composer d’appartements
bien distribués assez souvent, et bien complétés par
tous les locaux indispensables que pourraient donner
une maison d’habitation pour une famille. Ces ap-
partements sont desservis par une entrée à rue et
un escalier spéciaux, que l’on sacrifie trop souvent
cependant en ne leur donnant pas l’importance qu’ils
devraient avoir. Il arrive souvent que l’éclairage y est
très-insuffisant, que, trop étroits, il est difficile d’y
faire passer le meuble, et que l’escalier, fatigant par
son élévation même, l’est d’autant plus que le nombre
et les propositions des marches y sont vicieuses, que
les paliers ou repos ne sont ni assez nombreux, ni
suffisamment spacieux. La cour surtout, si l’on peut
appeler cour un étroit espace compris entre des murs
de 15 ou 16 mètres de hauteur, une véritable che-
minée d’aérage, la cour surtout est insuffisante. —
De là deux inconvénients graves : manque de lumière
ou éclairage insuffisant des salles distribuées de ce
côté, et, pour ces pièces, aérage par cette cour qui
ne sert que de conduit aux gaz et aux émanations
insalubres qui s’élèvent du rez-de-chaussée et des
souterrains.
L’aérage des appartements se fait dans d’assez
mauvaises conditions, en ce sens que l’air pur est
appelé par les joints des portes et des châssis ; ce sys-
tème a un double inconvénient : l’un de conduire
d’appartements en appartements un air qui n’est pas
fort pur déjà et qui entraîne avec lui toutes sortes de
gaz, et l’autre de faire circuler en hiver, sur les plan-
chers, un air frais qui glace les pieds malgré le tapis
le plus épais, le plus chaud. — Cherchez à empêcher
cet inconvénient, et la salle ne verra son atmos-
phère renouvelée que lorsque, accidentellement, la
porte vient à s’ouvrir pour se refermer instantané-
ment.
Le chauffage aussi laisse souvent à désirer parce
que l’on n’apporte pas tout le soin désirable à la cons-
truction des conduits de fumée où bien souvent, se
trouvent les causes, produits de la négligence, d’in-
cendies désastreux.
Depuis quelques années l’on a adopté presque gé-
néralement dans les constructions importantes, le
système de calorifères, soit à eau chaude, soit à air
chaud, soit le système mixte, combinaison des deux
premiers. Là est un principe excellent : l’air pur pris
au dehors est amené autour du foyer de calorique,
puis chauffé et dilaté par la chaleur, il passe dans des
conduits qui vont le répandre, au moyen de bouches,
dans les appartements. Voilà au moins remplacer par
de l’air respirable une atmosphère viciée et intro-
duire en même temps le calorique indispensable.
Mais l’air chaud ainsi répandu dans les salles a l’in-
convénient d’être sec et brûlant, c’est ce qui a donné
l’idée à certains spécialistes de placer à l’orifice des
conduits, un récipient contenant de l’eau pure sur la-
quelle vient passer le courant d’air chaud qui emporte
ainsi avec lui une certaine quantité de vapeur d’eau,
quantité assez faible, mais suffisante.
Voilà certes un progrès sérieux et une heureuse ap-
plication des principes scientifiques.
Un grand progrès à réaliser est aussi l’observation
de mesures destinées à prévenir les incendies, à les
rendre aussi rares que possible, à s’efforcer aussi à
empêcher qu’ils ne passent d’étage en étage pour finir
par embraser toute la construction. De nombreux es-
sais ont été faits en France où l’on a adopté, surtout
à Paris, le système de la construction des planchers
en solives de fer étiré dont les espaces sont remplis
par un hourdis au plâtre retenu par les entretoises
en fers carrés qui relient les solives et les fanions ou
carillons qui circulent dans le sens des solives. Ce
système est très-expéditif et résiste à l’action du feu;
le seul inconvénient est celui de la poussée exercée sur
le mur parla dilatation du fer au contact du calorique.
En Belgique l’on emploie dans certains cas (vesti-
bules, serres, etc.), des constructions en poutrelles de
fer portant sur les ailes du bourrelet inférieur et l’âme
ou fd, les extrémités de voussettes en maçonnerie de
brique.
Cette construction est assez lourde et n’intercepte
pas le son ; on a imaginé pour y remédier de fabriquer
des briques creuses dont l’emploi est fort peu fréquent
jusqu’ici.
Nous croyons qu’il y a là cependant un progrès réel
et l’emploi de ce mode de planchers donnerait d’ex-
cellents résultats ; quant à l’inconvénient résultant
de la dilatation du fer produisant l’allongement des
poutrelles, nous croyons qu’il serait facile d’y remé-
dier en favorisant l’allongement, c’est-à-dire en lais-
sant libres les extrémités des solives.
Ce système ne serait pas de beaucoup plus coûteux
que celui adopté et suivi jusqu’ici, et nous croyons que
l’emploi du fer sera, avant peu de temps, générai
dans les constructions.
L’idée de M. Abate de diviser les habitations en
panneaux semblables verticaux ou horizontaux com-
posés de châssis en bois ou en fer avec remplissage en
brique ne nous paraît avoir pour but que de rendre
facile et surtout très-expéditive la construction des
maisons d’habitation ; en effet, dresser les poteaux,
mettre en place les grands travers, réunir les pièces
au moyen d’équerres et de boulons, poser ensuite le
solivage, poser la toiture, puis construire les murs de
séparation et de division, c’est assurément une idée
assez drôle, mais elle n’est pas impraticable et serait
à coup sûr très-expéditive.
Au point de vue de la construction expéditive et de
la spéculation il y a là certes un progrès ; mais pour
l’usage, que dire de tous les détails accessoires si lé-
gers ! Quelle sera la stabilité de toute cette construc-
tion à part son ossature ?
Voyez-vous cela surtout au point de vue architec-
tural ? Cela serait assez commode dans tous les cas et
nous n’aurions pas à nous torturer beaucoup l’imagi-
nation pour trouver un plan et une façade dont
l’image nous rappelle si exactement le damier. La dé-
coration pourrait peut-être atténuer la sécheresse des
lignes, mais l’auteur ne nous paraît pas grand parti-
san de cet accessoire et nous semble se rallier tout à
fait à un autre écrivain français, M. Daniel Ramée |