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l'84f. — 11.
ANVERS, PïEeulI tl Jam 1er
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1 £ jaisrier.
SITUATION ACTI DIiLK ME U’ESTAONE.
L’élat de l’Espagne appelle noire attention. Ce pays n’est pas dans
une situation rassurante pour le repos de la Péninsule, peut-être
même de l’Europe. Le gouvernement qui le régit n’est une monarchie
que de nom S’il avait toute IUnité, toute la force et la consistance
propres à lui assurer une certaine durée, si son administration, par
suite, était productive pour le bien-être public, il deviendrait popu-
laire autant qu’il est libre, et ce serait sans doute un grand argument
pour rélàbüssêfnent d une république. La situation actuelle, en eiïet,
îi’esl autre chose qu’un essai de démocratie régnante. Ce qui sauvera
la monarchie constitutionnelle, c’est que l’essai ne peut avoir de durée
qu’autant que le gouvernement reste fidèle à la constitution, et cela
même dénature sa tendance. Si, au contraire,il renverse la constitution,
il met par cela même l'Espagne en état de révolution, et dès lors le
résultat n’est plus possible à prévoir. Ou plutôt l’Europe effarouchée,
l’Europe qui ne veut pas de république nulle part, interviendrait et ne
manquerait pas de restaurer en Espagne la monarchie, et peut-être,
par occasion, le despotisme.
Quoiqu'il en soit, la Régence s’affaiblit par ses divisions. Dès son
avènement au pouvoir, deux éléments hétérogènes se sont combattus
dans son sein.
La cotterie Esparlero soutient les principes constitutionnels, tout en
voulant les pousser jusqu'à leurs dernières conséquences. Les efforts du
maréchal pour maintenir l'autorité suprême dans un système de léga-
lité et de modération sont fort louables. La seule difficulté est de sa-
voir s’il aura assez de crédit pour les faire prévaloir. Déjà des bruits
sinistres ont passé la frontière. Répétés, grossis par la malignité des
ennemis du premier ministre, ils tendraient à faire croire à l'organi-
sation d’un complot contre son autorité, ou même contre ses jours, et
l’on a même dit qu’une grande émeute l’avait expulsé de Madrid. Bien
que cela ne soit pas vrai, cela mérite d être compté pour quelque chose
par cette raison que ce que l'on invente est ordinairement le signe de
ce que l'on désire.
La cotterie Ferrer marche plus ou moins ouvertement au change-
ment de la constitution de 1837. Cette constitution a été un compromis
passé avec les exaltés. La plupart de ceux-ci conservent au fond du
cœur la conviction que la constitution de Cadix est la seule légitime, la
seule nationale, la seule adaptée au caractère espagnol, la seule enfin
qui garantisse franchement le progrès libéral du pays. Une seconde
chambre leur para’t uu rouage inutile. Maîtres du pouvoir sous le
nom de la Régence ils voudraient radicaliser la forme du gouverne-
ment. Mais Esparlero a juré fidélité à la Reine et à la constitution, et
jusqu’ici toutes les sollicitations des réformateurs ont été sans résul-
tat.
A côté de ces deux partis il y a une faible minorité qui, s’appuyant
sur l’histoire des provinces espagnoles, rêvent une république fédéra-
tive comme la seule forme de gouvernement qui puisse donner satis-
faction à l’esprit local et aux prétentions traditionnelles du provincia-
lisme. Celte combinaison surannée a contre elle tous les esprits
éclairés qui voyent le progrès du pays dans l'uniformité des lois, de
l’administration, du langage, des mœurs, et non dans la consécration
des différences locales que le temps fait disparaître rapidement au-
jourd’hui. Un fait actuel prouve, d'ailleurs, combien les coutumes
locales sont loin de prédominer aujourd’hui, el quelle tendance ont
les provinces à se rallier au système de centralisation établi par la
constitution, au moins dans de certaines limites Nous voulons parler
de la demande faite par quelques localités des provinces Basques de
renoncer aux fueros et de rentrer dans le giron du gouvernement
constitutionnel. Cela était prévu el figurait parmi les arguments de
ceux qui conseillaient la paix avec les provinces du Nord moyennant
la concession des fueros. Ils avaient bien prévu que, ces provinces,
une fois leur amour-propre satisfait par celte concession, ne larde-
raient pas à comprendre les bienfaits du gouvernement de tous el à
renoncer volontairement à leurs privilèges pour avoir part aux char-
ges et aux libertés communes.
Il y a, dans tout ce que nous venons d’exposer bien des causes de
tiraillements eide faiblesse pour la Régence. Jusqu’à présent, néan-
FEUÏLLETON.
2LE MOUTON ME ISOSE.
SUITE ET FIS.
Quand la jeune fille vit entrer le bien-aiiné qu’elle attendait sans l’es-
pérer, sa physionomie s’ilumina d’un vif rayon de bonheur. Ses yeux
hagards se fixèrent avec une douceur angélique sur Arthur et elle jeta
avec une grâce enfantine le bouton de rose fané. — Il me portail mal-
heur, s’écria-t-eUe, il m’empêchait de vous voir.
— Mon Dieu, dit la mère, voilà depuis huit jours les premiers mots
qu’efie a dit sans pleurer !
Arthur, à l’aspect de cette charmante folle, oubliait toutes ses appré-
hensions; il jouissait de l’effet salutaire qu’il produisait sur elle. Après
quelques discours, d’abord incohérents, la jeune fille redevint calme; ses
idées eurent une lucidité qui pouvait donner quelque illusion sur l’état
de son esprit. Ses paroles étaient naïves, douces et affectueuses, em-
preintes d’une sorte d'originalité qui leur donnait un charme piquant
et neuf. Arthur éprouvait pour elle un intérêt qui s’accroissait de mo-
ments en moments. Cette simple et malheureuse enfant avait autant de
réserve dans les manières que d’abandon dans les sentiments, et cette
sorte de sauvagerie instinctive qui repoussait en attirant. L’imagina-
tion dominait en elle toutes les autres facultés, et l’extase intellectuelle
était une des plus puissantes sensations qu’elle pût éprouver. Arthur
comprit dès-lors que sa propre générosité ne serait pas l’unique sauve-
garde de cette jeune fille.
— Arthur, disait-elle, les mains croisées, dans une attitude fervente:
Arthur, vous ne savez pas, j’aime bien ma mère, mais elle n’est près de
moi qu’en votre absence, et, quand vous êtes là, je ue la vois plus ; au
lieu que je vous vois toujours quand vous n’ètes plus làl On m’a dit
qu il fallait prier Dieu ; eli ! bien, j’ai demandé à Dieu la permission de
vous adorer à sa place.
Ce langage mystique et exalié alarmait Arthur: vainement il voulut
I amener à des idées plus terrestres : elle répondit : - Arthur, laissez-
moi ! quand vous touchez ma main, cela me brûle el me fait mal; il me
semble que je ne vous vois plus; laissez-moi ! vous m’empêchez de pen-
ser a vous.
Arthur la regardait avec un sentiment indéfinissable de pitié, d’admi-
ration, de tendre sollicitude. Elle lui sourit ingénuement, et, s’asseyant
pres du jeune homme qui la laissa faire comme un oiseau qu’on craint
moins, sa conduite générale a été bonne, et a produit quelque bien.
Beaucoup de gens avaient pensé qn’Espartero aurait dû pousser à la
guerre contre le Portugal. C’était, disaient-ils, un moyen de diversion
opposé à la lulle des partis. L’autorité centrale qui est faible, eût ga-
’ gnè du crédit el de la force par «les succès militaires, et comme au
temps du consulat français, la victoire eût réussi et confondu toutes
les opinions. Malheureusement ce genre de politique a l’inconvénient
des choses qui reviennent après coup On ne prémédite pas de sang-
î froid ce qui a été inspiré et commandé par des circonstances toutes
particulières. On M'applique pas à un pays, à un peuple ce qui fait
j l’œuvre d'un pays, d’un peuple tout différents II faut être de son temps
et ne tirer ses éléments «je conduite que de la situation toute spéciale
où l'on se trouve. Les Espagnols qui voyent dans Esparlero un Bona-
parte sont comme les Français de, l’ancien régime qui croyaient re-
trouver Henri IV conquérant de son peuple dans le très pacifique Char-
les X Esparlero peut être un fort bon général, un fort honnête homme,
mais à coup sûr ce n’est pas, quoiqu'un disent les journaux délirants de
la Péninsule, ce n’est ni un héros ni un grand homme, et si l’on ne
peut en faire un Bonaparte, encore moins en ferait-on un Washing-
ton. Au surplus, la question de la guerre avec le Portugal est à-peu-
près résolue négativement. Comme nous l'avions bien prévu, l’Angle-
terre y a niés son veto. Elle espère tirer, pour ses intérêts, un meilleur
parii iie l arbi'rage qu’elle propose aux deux nations, et à la suite du-
quel elle se propose de stipuler avec le Portugal de nouvelles conven-
tions commerciales qui lui rendront les avantages du traité de Melhuen
aboli par don Pedro
L’arrangement probable de celte affaire est un fait rassurant pour
les amis de la paix. Mais l'Espagne conserve .encore dans son sein bien
des éléments d agitation et de bouleversement. Le défaut d'unité parmi
les membres de la Régence est le plus à craindre. Espérons toutefois,
que le gouvernement pourra gagner la session des corlès convoqués
pour le mois de mars, et qu’il aura la sagesse de ne pas faire des élec-
tions une affaire de parti etuneœuvrede violence et d’iniquité. LI ni’ doit
pas oublier que c’est ce qui a perdu le parti qu i! remplace au pouvoir.
N@UUEE.UES BÏ’OKÏENT.
(par la voie d’allemagne.)
Le prince Puckter-Muscau publie, dans la Gazette d'Augtibowg, quel-
ques considérations sur ta défaite de Méiiémet-Ali.
« Je sais foit bien, dit-il, qu’un héros vaincu a toujours tort. Au mo-
ment de sa chute, il est impitoyablement condamné par le plus grand
nombre, jusqu’à ce que plus tard, quand les passions et les intérêts du
moment se taisent, la vérité et une appréciation plus philosophique du
passé réclament leurs droits. „
« C’est ainsi que des milliers de misérables, après que Napoléon eût
si long-temps brillé comme un météore, ne se firent pas scrupule,lors-
qu’il fut tombé, de le traîner dans la poussière, de le vilipender, de lui
contester même tout mérite, toute grandeur. Mais à peine un quart de
siècle s’est-il écoulé, que la foule, ses ennemis mêmes, remplis d’admi-
ration. lui rendent de nouveau justice, et que ce même peuple, qui l’a-
vail abandonné dans sa détresse, entoure ses cendres de respect et de
la plus grande pompe religieuse.
>' Le prince Puekler-Muscau pense qu’il viendra un temps où tes peu-
ples de l’Orient vénéreront aussi la mémoire de Méhémet, qui a fait pour
eux tout ce que, dans l’état actuel de leur ci vilisation. il lui était possible
de faire ; car on 11e doit pas perdre de vue que les Musulmans ne sont
qu’au I5<- siècle de leur hégire, et qu’ils sont à peu près ce qu’étaient,
eu Europe, fies peuples du moyen-âgé.
« Ainsi qu’elle l’avait fait à i'égard du redoutable Corse, la politique
européenne a jeté l’interdit sur Méhémet, qui n’a succombé que dans
une lutte inégale.
« A-t-il montré de la faiblesse! a-t-il manqué d’énergie, d’activité?
a-t-il été mal-habile dansles dispositions qu’il a prises pour sa défense ?
« Non assurément, répond le célèbre orientaliste allemand, il a, au
contraire, envisagéavec courage le danger; il a infatigablement mis en
œuvre tous les moyens qui étaient à sa disposition, et il j n’est tombé
que par un concours d’événements qu’il pe pouvait ni prévoir, ni empê-
cher. Les armes des ailiés n auraient peut-être pas suffi pour renverser
Napoléon sans l’impassibilité et la lassitude du peuple français. Mais sa
résistance, qu’il a prolongée si long-temps, aurait été in’slantément
frappée d’inertie, si au lieu de regarder passivementles événements, les
Français s’étaient insurgés contre lui....
« Et comment Méliémet-Ali aurait-il pu résister tont à la fois à l'in-
surrection el à la science militaire des Européens, laquelle aujourd’hui
a acquis une immense prépondérance sur celle des Orientaux ?
« Le publiciste allemand fait remarquer que l’attaque a été dirigée
d’effaroucher, elle lui parla avec calme; la sérénité peinte sur cette cé-
leste et fraîche figure lui donnait l’air d’un ange. Ce fut letour d’Arthur
de ne plus se croire sur la terre .. — Cette divine enfant lui dévoilait
avec candeur les replis de son âme innocente el pure; elle lui disait la
première impression qu’elleavait reçue en le voyant. C’était l’ère de ses
souvenirs. Elle croyait n’avoir commencé à vivre que depuis qu’elle
avait commencé à aimer et à souffrir. Enfin, sa mère profita de ce mo-
ment de trêve à son mal pour lui parler raison et obtenir d’elle quel-
ques concessions relatives à sa guérison. Elle promit tout ce qui lui fut
prescrit par Arthur, qui la quitta en lui jurant de revenir si elle était do-
cile à sa mère.
Arthur avait bon cœur; il s’intéressait à cette étrange bonne œuvre,
et puis il faut convenir que, pourun jeune homme blasé sur bien des
sensations, désenchanté de bien des sentiments, il y avait là quelque
chose de frappant et d’extraordinaire qui pouvait l’attacher. Il se dévoua
donc à aller faire assiduement ses visites comme médecin. Mais le seul
salairequ il en retirât étaient les actions de grâce de la mère reconnais-
sante, car la jeune fille, recouvrant chaque jour un degré de raison, de-
venait à la fois plus tendre et plus timide, et Arthur ressentit réelle-
ment ce respect qu’il s’était promis de témoigner.
La mère voulait que l’ascendant d’Arthur sur sa fille servît à sa gué-
rison, et elle ne perdait pas de vue ce but un seul instant. Si elle la voyait
parler sensément, elle iuidisail : Chère Ida, tu feras ce queje te demande,
si tu ne veux pas lui faire la peine. — Et Ida, douce et soumise, promet-
tait, en embrassant sa mère, de faire tout ce que voudrait Arthur. Et la
mère, en reconduisant Arthur, lui disait avec effusion: — Vos visites
charitables seront recompensées un jour par Dieu ! Je le prierai tant
pour vous avec ma fille, quand elle sera tout-à-fait guérie !
Mais Arthur pensait, en s'en allant :
— Inconcevable et égoïste femme ! Quand sa fille sera rétablie, elle
n’aura plus pour moi que des prières, tandis que je me dévoue., queje
me mets en grand danger d’aimer...
Il arriva une fois plus tard que de coutume, près d’Ida qu'il trouva
seule, rêveuse, mais tout-à-fait calme. Elle le reçut avec un bonheur
contenu, une tendresse réservée qui annonçaient des prémices de rai-
son dont Arthur, étrange bizarrerie du cœur, fut presque mécontent :
il sentit que son rôle touchait au dénouement, et c’était au moment où
l’inlérél était le plus vif. Un égoïsme barbare lui inspira des paroles
passionnées, et des transports d’amour dont l’effet fut prompt et im-
prévu Les idées d’Ida en devinrent plus claires et plus justes. — La
femme reprit le dessus sur l’ange, elle sentit la crise sans chercher à
l’éviter : dans son aveuglement, elle se montrait dévouée et soumise
5BS*
contre une province qui formait la partie la plus vulnérable des pos-
sessions du pacha : que l’Angleterre n’a négligé aucun moyen de cor-
ruption, et qu'Ibrahim, par le peu de perspicacité qu’il avait mis dans
son administration, n’avait fourni que trop d’éléments à l'insurrection.
Le vieux pacha ne peut pas même se rendre sur les lieux, sa présence
étant, encore plus nécessaire en Egypte. 11 sait tout cequ'il a à craindre,
mais il croit pouvoir compter sur la protection d’une des puissances
du premier ordre. Pour plaire à cette puissance protectrice, il lui a
obéi au moment suprême ; il s’est arrêté dans sa marche victorieuse
sur Constantinople. A 1 heure du danger, la France l’abandonne com-
plètement !!
« L’Angleterre a judicieusement calculé ses intérêts en dirigeant
les premières attaques contre la Syrie, et l'on ne peut nier que cette
agression, dirigée avec habileté et énergie, n’ait été en même temps
semblable aux guerres de destruction des temps de barbarie. Le succès
en était presqu’infaillible.et Méhémet le savait mieux que personne.sans
pouvoir l'empêcher ; Ibrahim, parsa manièred’agirlyrannique.el quel-
quefois insensée, avait aigri au plus haut degré les populations syriennes
contre son gouvernement Ces populations ont vu dans les nouveaux
arrivants des liberleurs, de même qu’aulrefois elles s’étaient jetées dans
les bras d’ibrahim lorsqu’il était venu les délivrer du joug de la Turquie,
« Dans de telles conjonctures, il ne faut pas tant s'étonner des faciles
lauriers remportés par les canons et 1 or anglais : il était impossible qu’il
n’en fût pas ainsi; depuis surlout que le gouvernement français avait
clairement manifesté l’intention de ne soutenir Méhémet par les armes
ni en Orient ni en Europe.
« Moralement soutenus par la France, et dirigés par des officiers fran-
çais, comme leurs ennemis l’étaient par des Anglais et des Autrichiens,
les Egyptiens se seraient battus aussi bien et mieux probablement que
les Turcs.
« M. Museau pense que la France eût dû intervenir à main armée en
faveur du pacha, c’est àdire lui envoyer en Syrie des troupes auxiliaires,
démarche qui probablement n’eût pas plus troublé la paix européenne
que ne l’a troublée l'agression austro-anglaise contre ce pays. 11 du en
terminant :
« Napoléon a écrit dans son testament : Je ligue l'opprobre de ma mort
àl'Angleterre;je ne sais pas ce que, dans le sien, Méhémel-Ali léguera à
la France, mais il est certain que, sous ce rapport, il lui doit quelque cho-
se, et l’aimable nation, qui sait rire d’elle-mème ainsi que des autres, a
déjà vu un de ses journalistes proposer de remplacer à l’avenir cette
phrase grossière: Que le diable l’emporte! par cette autre plus polie ;
Que la France te protège ! »
TRANCE.
Paris, D jan vier. — La commission des fortifications s’est réunie au-
jourd'hui, elle est restée quatre heures en séance et a terminé ses tra-
vaux. Elle entendra demain la lecture du rapport qui sera communiqué
lundi à la chambre en séance publique.
— On assure que l’affaire Darmès ne sera jugée par la cour des pairs
qu’au commencement de février.
— Assaut de générosité. — M. Ganneron n’a pas voulu se montrer
moins généreux que son collègue M. Odilon Barrot, à l’occasion des
100,000 fr. à lui légués par M'”- de Feuchères. On assure qu’il vient de
faire don du montant de ce legs à l'administration des hospices de Paris,
— La commission d’inspection militaire fédérale suisse a adressé dans
le courant de décembre, plusieurs circulaires aux gouvernements des
cantons, pour les inviter a organiser des hôpitaux militaires sur leurs
territoires respectifs, dans te cas où l’armée fédérale devrait être mise
sur pied.
Ensuite d’une invitation qui lui a été adressée par la commission d’iii-
spection militaire fédérale, le gouvernement de Zurich a déclaré qll ’il
pourra mettre, le cas échéant, 62 canons (obusiers) et six mortiers à la
disposition de l’armée fédérale, indépendamment de ceux qui sont por-
tés sur son contingent d’artillerie.
— Dans une querelle engagée hier soir entre un garçon de chantier,
nommé Guirbal, et une fille. Jeannette Viret. avec laquelle il avait pas-
sé une partie de la journée à courir les cabarets de la barrière de Fon-
tainebleau. celui-ci porta un soufflet à cette fille : « Ah ! coquin, s’écria
alors Jeannette Viret, tu m’as battue, mais tu n’en battras pas d’autres!»
En disant ces mots, celte malheureuse plongea dans le bas-ventre de
Guirbal un couteau qu’elle portait habituellement sur elle, et qu’elle
avait ouvert furtivement après l’avoir tiré desa poche dès les commen-
cement de la dispute.
Guirbal, d«fh t la blessure, au rapport du médecin, offre bien peu dd
chances de guérison, fut ramassé sur le carreau, où il avait été renversé
par la violencedu coup,et transporté chez sa mère, domiciliéerue Mouf-
l'etard.
Ce matin, le commissaire de police du quartierSt-Marcel, à la connais-
sance de qui avaient été portées les circonstances de ce funeste événe-
ment, a fait arrêter la fille Viret, et après l'avoir interrogée, s’esttrans-
porté auprès du blessé, dont il a reçu la déclaration. _
Bulletin de la bourse. — Il y avait encore de l’indécision à la bourse,
mais les cours étaient beaucoup mieux tenus qu’hier, parce que rien
n’était venu confirmer les bruits sinistres qu’on s était plu de nouveau
à répandre sur une révolution en Espagne. Les fonds ont éprouvé une
comme elle l'aurait été dans toute autre circonstance à l’égard de sa
mère. Cette abnégation, cet abandon volontaire, pénétrèrent l’âme
d’Arthur. Sa loyale délicatesse s’alarma pour cette pauvre fille qui lui
avait été donnée en proie.-'et dont il rougit de faire sa victime; il s’ar-
racha brusquement d’auprès d’Ida surprise mais non irritée. Pour la
première fois, elle ne le retint pas; toutefois sa physionomie inquiète
rétléta une expression si touchante, qu’Artluir, par une réaction de no-
bles sentiments, fut heureux de lui voir cette lueur de raison qui l’é-
clairait sur leur position et lui fesait apprécier sa conduite.
Mais la peine avec laquelle il la quitta, lui fit connaître enfin son cœur.
— Je crois hélas ! se dit-il, 11e lui avoir rendu sa raison qu’aux dépens
de la mienne !
Par une mélancolique journée d’automne, Arthur de retour à Paris
après une absence de deux ans. donnait le bras à une jeune femme fort
élégante et peu jolie, blasée sur les plaisirs de Paris et fatiguée du bal
de la veille.
— Que faire de nouveau aujourd’hui ? disait-elle languissamment à
Arthur. Ou me mènerez-vous?— Aux Tuileries.au bois de Boulogne?
— Oh ! c’est insipide, ennuyeux ! toujours du monde, des toilettes,
des voitures ! Pourquoi n’irions-nous pas au Père-Lachaise, et cela du
moins ferait diversion.
Comme vous voudrez, on s'ennuie partout !
Arrivés à ce céleste cimetière, ils examinèrent avec assez d’intérêt,
d’abord, cet Elysée où surgissent à chaque pas tant de souvenirs évo-
qués par des noms puissants. Le tombeau d’Héloïse et d’Abeilard frappa
la jeune femme, mais comme objet d'art, comme étude.
— Eh! bien on se lasse de tout! dit-elle. Voyez : il y a encore ici de la
monotonie! Mais voilà de bien superbes fleurs!
Arthur jeta des yeux distraits sur les touffes de roses qui s'élevaient
à leurs pieds, el découvrit une pierre toute blanche sur laquelle on lisait
un seul nom: Ida, et au-dessous trois mots ; Vertu et Amour.
— Ce rosier vous a piqué ? demanda sa compagne. — Oui, jè me suis
fait mal ! .
L’emphase de toutes ces épitaphes me déplaît, continua la noble dame;
maisj’aime le parfum de ces roses, j’aime cette pier re blanche et eette
inscription si courte el si mélancolique ; c’est la tombe d’une jeubé fille
sans doute ?... , ; , «.
— Et peut-être, murmura Arthur en étouffant un gros soupir, il y a
tout un roman derrière ces trois mots : Vertu et Amour !
Comtesse FiÉLIGiE DE NAKÜONNË FÈLÎ.T, |