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LE BRABANT. 15
Au pied de la butte, trois habitations isolées, à la fois cabarets et musées, la table
toujours prète, les voitures attelées, les guides obséquieux et tournoyants, guettent le passant
comme une proie prédestinée à l'inéluctable
rançon. Le lion, la plate-forme de laquelle on
croit voir onduler les régiments en marche, la
glèbe grasse d'entrailles qui par moments semble
bouger sous les pieds, le soleil ruisselant sur les
nappes de blé déroulées au loin comme l'or et
l'acier des cuirasses, le tourbillonnement des
ombres, tout ce frisson, toutes ces visions leur
appartiennent, comme le cours d'eau et le vent du
ciel appartiennent à la roue et à l'aile des moulins.
Traversons l’enclos du gardien et escaladons
l'escalier presque vertical qui aboutit à l'entable-
ment de pierre sur lequel est posé le fauve
symbolique. De là-haut l'arène se développe dans
sa planitude immense, rayée de minces sentiers
qui filent entre les céréales, celles-ci déroulées
jusqu'à l'horizon, d'une large houle uniforme sur
laquelle tranchent, par places, des constructions blanches disséminées. À l'est et à l'ouest,
PONT RUSTIQUE DU BOIS DE LA CAMBRF,.
des lignes d'arbres, qui vont s’espaçant dans la profondeur, pointent interminablement leurs
baliveaux feuillus, évoquant l'idée d'une file de grands soldats coiffés de bonnets à poil
l'une longe la chaussée de Nivelles; l'autre la chaussée
de Charleroy. Et au nord, un peu en avant du colosse
de fonte et à un pas des musées, une autre rangée de
feuillages ondule, à demi émergée d'un large renfon-
cement de terrains, pareil à un entonnoir où les champs
dévalent en pente rapide; cest en effet la ravine, autre-
fois encaissée entre de hauts talus et bordée de haies
vives, qui a gardé dans l'histoire le nom de chemin
creux d'Ohain.
L'élévation des talus primitifs, petit à petit diminuée
par les éboulements, ne sapprécie plus guère à présent
que par comparaison, au Moyen de l'obélisque hanovrien el
de la colonne Gordon: de lexcavation que Napoléon ne
soupeonna point, ef qui pourtant en ISI5 creusait si
profondément la rase campagne, il ne reste qu'une vaste
ornière entre des broussailles. D'ailleurs, toute cette étendue
a été bouleversée pour la construction de l'immense taupi-
nière, au point que les notions exactes sont difficilement
perceptibles; pendant quatre ans, les botteresses liégeoises,
espèces de bêtes de somme à visage de femme, qui, en
ce temps encore, s'employaient pour les transports par
L'ÉGLISE DE WATERLOO.
hottes et qu'on voyait, les épaules tendues sous les faix
les plus accablants, descendre ou remonter sans ployer les rampes escarpées du Perron dans
leur cité d'origine, exhaussèrent constamment la montagne de toutes les terres rapportées des
alentours, préparant ainsi de renaissants sujets de conjectures aux annalistes et aux voyageurs. |