Full text |
wf sa
ME PRECURSEUR, Samedi 31 Movemlne 1840,
dans l’exil leur titre méconnu et leurs protestations inutiles, et l’on sait
qu’il ne fallut rien moins que l’évènement imprévu des cent jours pour
faire triompher à Naples contre le roi Murat le principe si solennelle-
ment proclamé à Paris contre l’empereur Napoléon.
Que l’Allemagne et l’Italie réalisent un jour cetlc unité si vainement
poursuivie depuis des siècles ; que la Pologne rejoigne ses membres
épars sous son souille,immortel; que la Belgique, s’asseyant dans sa
jeune nationalité, obtienne le complément naturel de son territoire et
joigne les riches cités commerciales du Rhin à leurs vieilles sœurs ca-
tholiques de l’Escaut et de la Meuse; que la Grèce, délivrée par nos ar-
mes, voie s’ajouter à son territoire et la Crète et Samos, et ces îles
d’Ionie, perles brillantes de sa couronne; supposez la question d’Orient
résolue par une transaction équitable entre les intérêts indigènes qui se
partagent l’empire ottoman, à l’exclusion des ambitions étrangères qui
convoitent les magnifiques positions de Constantinople et d’Alexandrie;
parcourez à plaisir le monde de l’une à l’autre de ses extrémités ; soit
que vous voyiez l’Espagne rendue à une liberté régulière et féconde,
délivrée du signe de servitude qui depuis le congrès d’Utrecht pèse sur
elle du haut du rocher de Gibraltar ; soit que vous figuriez les peuples
du Gange ou ceux du Saint-Laurent redevenus maîtres de leurs desti-
nées, comme ces autres colonies lointaines aidées par nous à devenir
une grande nation; allez plus loin encore dans vos espérances et dans
vos rêves : représentez-vous l’Europe complétant par de larges stipu-
lations diplomatiques le code ébauché au congrès de Vienne, procla-
mant la liberté des détroits et des mers, ouvrant à tous les pavillons le
Bosphore, Suez, Panama, ces portes de trois mondes, et dites si de tous
ces changements il pourrait s’en consommer un-seul qui ne déterminât
pour la Franceun accroissement notable depuissance politique, encore
qu’il ne dût pas ajouter un mètre carré à son territoire, ni un soldat à
ses armées !
Que le pays apprécie donc sa position véritable, que dans les jours de
crise qui semblent près de se lever pour lui, il sache à quelle œuvre
vouer son énergie, à quelle pensée demander sa force, et qu’il ne dé-
pense pas dans une poursuite stérile des efforts dont il doit compte à
l’humanité tout entière. La France est placée dans cette position uni-
que au monde, de se montrer généreuse par égoïsme et de considérer
comme une conquête le redressement de toute injustice. Que ne pour-
rait un tel peuple se dévouant à un tel rôle, sous la main d’un pouvoir
qui, sans provoquer les occasions par la violence de ses actes, saurait
les féconder par la constance de ses principes !
On peut réduire à quelques maximes fo; t simples celles que la France
est appelée à faire prévaloir par l’esprit général de sa politique et la
persévérance de ses efforts, soit que ceux-ci s’exercent dans cette con-
férence européenne si malheureusement interrompue après un quart
de siècle d’existence, soit que les événements la contraignent à repa-
raître sur ces grands champs de bataille dont elle n’a pas oublié les
chemins.
Si notre âge est appelé à fonder un droit public qui lui soit propre,
ce droit aura nécessairement pour base la reconnaissance de ce triple
principe, qu’un peuple s’appartient par un titre imprescriptible comme
l’homme lui-même, qu’un attentat à toute nationalité, non justifié par
le soin impérieux de la défense personnelle, est un véritable homicide
social, et que le premier devoir de la grande amphyctionie des peuples
chrétiens est de redresser graduellement, selon le vœu de la nature, des
combinaisons contre lesquelles proteste la conscience publique.
Du jour où la France aurait solennellement proclamé ce dogme, elle
aurait conquis en Europe une force immense; du jour où l’Europe l’au-
rait à son tour accepté, la paix du monde aurait reçu le gage le plus
éclatant qu'il soit permis à l’humanité de lui donner. Nul n’oserait affir-
mer, à coup sûr, qu’une telle pensée soit destinée à se réaliser complè-
tement dans l'ordre politique; mais les idées même qui passionnent le
plus violemment les hommes sont bien rarement appelées à recevoir
une application rigoureuse, et ce désaccord de lu pratique à la théorie
n’empêche pas leur puissance de rester entière, et les peuples qui en
gardent le dépôt de porter un signe éclatant aux yeux de tous.
Le principe de l’indépendance des peuples se tempérera donc con-
stamment par les intérêts de chacun d’eux ; et si le droit des nationa-
lités opprimées à une résurrection politique est jamais solennellement
proclamé dans le monde, leur solidarité n’en sera que plus authentique-
ment constatée. Que cette résurrection soit l’objet dê toutes nos pen-
sées, le but de tous hqs vœux comme de tous les efforts de la France. Que
sans prétendre troub er l’ordre existant en Europe,en dévançant lejour
de conflagrations plusou moins prochaines, le pouvoir et l’opinion énon-
cent l’immudble volonté de saisirtoute occasion de redresser les vieilles
iniquités commises au nom d’un principe dont le résultat définif con-
siste à livrer le monde à l’influence'exclusive de l’Angleterre et delà
Russie, soit que ces deux puissances s’entendent pour le dominer, soit
que leur rivalité doive ensanglanter l’avenir. Abdiquons les souvenirs
d’une gloire stérile devant la grandeur d’une telle mission, etsans hâter
par nos impatiences le cours des évènements, sachons d’avance ce que
nous aurons à leur demander.
Deux issues s’ouvrent, devant les événements : ou l’alliance de l’An-
gleterre et de la Russie se maintiendra pour atteindre en Orient sa
conséquence dernière, un partage d’influence, sinon un partage terri-
torial, ou elle se rompra violemment à raison delà déception subie par
le cabinet russe, car celui-ci n’a pu sacrifier qu’à la perspective d’un
concert de vues ét d’ambition sa politique séculaire et sa suprématie
exclusive et jalouse sur l’empire ottoman. La France aura donc un jour
ou à régler avec la Russié-les conditions d’une adhésion qu’aucun inté-
rêt capital ne rendrait impossible, ou à paraître sur celte grande scène
de l’Orient pour y défendre la liberté du monde. Se concilier l’opinion
publique en Europe, calmer toutes les inquiétudes au lieu de les susci-
ter par un appel à des souvenirs dangereux autant que stériles, aug-
menter ses forces sans agiter les esprits, telle doit être la base invaria-
ble de sa politique. Hors de là, il ne saurait y avoir pour elle que décep-
tion et impuissance. Dans ces limites, un gouvernement prévoyant et
fort peut encore rendre la France l’arbitre de l’avenir ; il peut contenir
par la grandeur mêmed’une telle perspective cette agitation intérieure
qui ne sera dominée que par une haute direction et la perspective d’un
but légitime.
Nous avons vu l’Europe, à peine échappée à la barbarie, essayant de
fonder l’édifice de la chrétienté sur des principes de droit public que la
violence des temps ne lui permettait pas de supporter: puis nous l’avons
montrés suppléant à l’idée morale abîmée au \vi* siècle daasde naufrage j
de toutes les communes croyances, par un mécanisme ingénieux sans *
doute, mais plus subtil qu’efficace. Celui-ci devait bientôt conduire les
sociétés politiques à la négation même du droit, et de l’apothéose du
fait à la lutte entre deux forces prépondérantes.
Cette œuvre s’accomplit aujourd'hui sous nos yeux. Pendant que la
Russie écrase la Pologne, efface la Prusse et l’Autriche,et pèsesur toute
l’Allemagne méridionale, pendant que son ministre à Francfort est plus
puissant auprès de la confédération germanique que le ministre de la
cour de Vienne, la Grande-Bretagne, qui entend voyager sur ses terres
du comté de Kent à la côte de Coromandel, aspire à faire de Candie, de
Suez et d’Aden des étapes nouvelles de la route immense qui bientôt se
prolongera de Calcutta aux côtes de la Chine, pour atteindre à travers
l’archipel de l’Océanie les rochers de la Nouvelle-Zélande. Les deux
mondes assistent immobiles, mais inquiets, à cette prise de possession
chaque jour moins dissimulée. Cependant entre l’éclatante audace du
génie britannique et la froide persévérance du génie russe, entre ces
deux ambitions si diverses dans leurs moyens, si analogues dans leur
but, une idée grandit par les progrès de la raison publique,et raillie les
peuples auquels pèsent les violences du passé comme ceux qui appré-
hendent celles de l’avenir. L’esprit s’inquiète et prévoit des combinai-
sons plus naturelles; il se demande si la paix des générations à naître ne
trouvera pas un jour dans l’intime adhésion des peuples eux-mêmes
aux arrangements diplomatiques des garanties qu’on attendrait vaine-
ment désormais d’une pondération illusoire. Un mouvement double et
simultané agite ie monde, et le secret de l’avenir git dans la combinai-
son de ce qu’il y a d’individuel et de vivant encore dans le génie des
races historiques avec l’élément progressivement unitaire sur lequel
s’élève l’humanité elle-même. Que la France s’empare de cette idée,
placée qu’elle est dans une position unique, pour là proclamer et pour
la défendre, qu’elle s’en inspire dans toutes les situations difficiles, en
fasse la règle inviolable de toutes ses transactions, et qu’elle lui em-
prunte une force dont le moment viendra bientôt de faire usage. Cette
progagande serait juste; seule aussi elle serait féconde, parce qu’elle
n’en appellerait pas à ces passions désordonnées et fiévreuses que l’Eu-
rope ne ressent pas, parce qu’elles ne sont pas nécessaires à l’accom-
plissement de ses destinées.
---—------ ■ - -- --------------------
HfOUVEIil.ES Ei’OH lESïTP.
(Par la voie d’Allemagne.)
Un supplément à l'Echo de l’Orient du 29 octobre, que nous avohs
reçu par voie extraordinaire, dil l'Observateur Autrichien, contient les
nouvelles suivantes de Syrie :
« Le paquebot du Lloyd autrichien, le Louis, arrivant de Beyrouth
qu’il a quitté le 25 octobre, apporte les nouvelles suivantes :
« Tripoli est tombé au pouvoir des alliés ; la garnison égyptienne,
forte de 2,000 hommes, qui occupait la ville, n’a pas osé faire de résis-
tance ; elle a évacué la place après avoir fait sauter le fort qui la dé-
fendait.
« Tripoli a été confié à la garde du capitaine Logoletti, commandant
de la corvette autrichienne Clemenza. Cet officier a sous ses ordres
soixante soldats autrichiens et quelques détachements de montagnards
d’une fidélité éprouvée.
« Par la possession de Tripoli, les alliés sont maîtres de tout le litto-
ral, à l’exception de St.-Jean-d’Acre qui ne tardera pas à couronner
l’œuvre si heureusement commencée.
u On croit généralement qu’on à coupé la retraite à la garnison de
Tripoli, qui cherchait à rejoindre Ibrahim-pacha, qui se trouvait encore
à la tête de quelques faibles détachements entièrement démoralisés.
« L’émir Béchir, qui avait élé conduitde Saïdaà Beyrouth, où il avait
eu plusieurs conférences avec Izzet-pacha et lesamiraux, était retourné
dans cette première ville pour y prendre sa famille et s’embarquer pour
Malte, où il restera jusqu’à nouvel ordre.
« On assure qu’il a été résolu que les escadres alliés hiverneraient à
à Marmarizza; tous les petits bâtiments et les bâteaux à vapeur resteront
cependant sur les côtes.
« Une division de 5 vaisseaux de ligne et 2 frégates continueront le
blocus d’Alexandrie.
« 50 déserteurs de la garnison de St.-Jean-d’Acre sont arrivés le 22 à
Beyrouth.
» Dans la nuit du 22, le bateau à vapeur anglais Confiance, est parti
en toute hâte pour Malte, afin d’y prendre des armes destinées aux
montagnards, qui les attendent avec la plus grande impatience.
» Un bateau à vapeur de guerre français, venant d’Alexandrie, est
arrivé à Beyrouth le 25. On ignore le bui de sa mission.
» L'Etoile Polaire devait prendre à bord, le 24, les consuls d’Autriche,
de Russie et de Prusse pour les conduire à Constantinople. On croit que
ce bâtiment touchera à Rhodes et à Smyrne.
» Beyrouth renaît à une nouvelle vie ; les habitants qui avaient pris la
fuite rentrent en foule, encouragés par la protection des alliés.
» La mer est orageuse sur les côtes, mais les bâtiments de l’escadre
n’ont pas souffert.
« Il y a à bord du Louis 500 déserteurs égyptiens, parmi lesquels on
remarque un général et deux officiers de l’état-major. i>
— Des nouvelles de Beyrouth des 17,21 et 25 octobre contiennent les
détails suivants sur la prise de Tripoli et sur les événements qui l’ont
précédée et suivie :
Beyrouth, 17 octobre.
« Suivant des nouvelles reçues hier, Abu Schamru, scheick des mon-
tagnards de Tripoli qui se sont insurgés contrôles Egyptiens, a attaqué,
le 14, entre Balbeck et Bischari, les Arnautes et les Arabes, et les a re-
poussés jusqu’à Ainaté; mais là, il a éprouvé une vigoureuse résistance,
a été battu, a perdu 8 morts et 28 prisonniers, et a été obligé d’aban-
donner une partie de ses munitions et de se retirer jusqu’à Bischari.
» Par suite de cette affaire insignifiante, la garnison de Tripoli, forte
de 5 à 4,000 hommes, a fait avant-hier, 15 une excursion contre Botrun,
petite ville de la montagnesituéeà moitiéchemin de Tripoli à Beyrouth,
qu’elle a pillée et incendiée. Les habitants se sont retirés dans la mon-
tagne et ont envoyé une députation à Izzet-pacha pour demander des
armes, des munitions et d’autres secours.
» L’émir Beschir-el-Kassim écrit de Hamana, le 14 octobre, qu’il a ar-
rêté un courrier de Méhémet-Ali et adressé au séraskier les dépêches
dont il était porteur. L’émir Meschid, petit-fils du vieil émir Beschir,est
aussi tombé entre ses mains avec 20 cavaliers. Bahari-Bey a quitté Bé-
theddin après la défection de l’émir Beschir, et s’est diridé vers Damas
avec 1,200 hommes. Ibrahim-Pacha s’est retranché, avec 6,000 hommes
et 7 pièces de campagne, à Malaka, dans le voisinage de Zahlé. Hamana,
d’où l’émir écrit,est éloigné d’environ 5 lieues du camp d’ibrahim. L’é-
mir El-Kassim, a avec lui environ 5,000 montagnards pour observer les
mouvements d’ibrahim et empêcher ou «ouper ses communications.
» Il tombe depuis hier un peu de pluie, et l’atmosphère s’est considé-
rablement refroidie. Jusqu’au 14,nous avions, à l’ombre, de 20 à 22 de-
grés Rhéaumur au-dessus de zéro. L’expédition compte quelques ma-
lades, mais la mortalité est insignifiante. »
21 octobre.
« L’excursion de la garnison de Tripoli, dont nous avons parlé plus
haut, s’est terminée par l’évacuation complète de cette place.
« La corvette autrichienne Clemenza, qui devait faire voile pour Tyr,
fut obligée de toucher à Tripoli, le 17. M. Lombardi, consul autrichien
en cette ville, écrivit au commandant de cette corvette, qu’il devait
prendre possession de cette place déjà évacuée et la garantir du mal-
heur d’un pillage. M. Logoletti fit débarquer 50 hommes et occupa la
ville, le 17.
u Avant de se retirer, les Egyptiens ont fait sauter un magasin à pou-
dre. Il paraît qu’on a trouvé dans la place de grands magasins d'appro-
visionnements et de vivres. On laissa d’abord la garnison se retirer
tranquillement dans la direction de Balbeck , mais elle fut attaquée à
huit lieues de Tripoli, par les montagnards de Dennich, qui la maltrai-
tèrent. 500 prisonniers sont déjà arrivés à Tripoli, et un grand nombre
de déserteurs et de soldats dispersés errent dans la montagne.
« On rapporte qu’à la seule nouvelle que le vaisseau de ligne anglais
Bembow était à l’ancre à Alexandrie, Tarsous et Lataquié ont été éva-
cuées par les Egyptiens.
« Cet important succès, qui permet d’armer tout Ie Libanon, a été
obtenu, comme la chute de Beyrouth et la victoire de Béthanis, sans la
coopération des étrangers.
<i Les succès ne sont pas moindres au sud qu’au nord. Là les Métualis
se sont emparés d’un convoi venant d’Egypte et se dirigeant vers Da-
mas, et ont repoussé avec pertes un régiment d’infanterie qui était
sorti de St.-Jean-d’Acre pour délivrer ce convoi. »
Un négociant de Damas, qui a quitté cette ville avant-hier matin, rap-
orle que la veille de son départ la nouvelle y était répandue que les
abitants du Houran et de Ledschia s’étaient levés en masse contre les
Egyptiens, et armés, et que le peuple de Damas voulait en faire autant,
mais qu’il était tenu en bride par la classe aisée. 11 a remarqué dans le
voisinage de Zahlé, ajoute-t-il, des mouvements de troupes qu’il attri-
bue à cc qu’une partie des troupes d’ibrahim, près de Malaka, est des-
tinée à renforcer la faible garnison de Damas.
Omar-Bey-El-Habud n’a pu rejoindre Balbeck avec la garnison de
Tripoli. Les scheieks de Cora et Bischari lui ont coupé la retraite.
La montagne d’Hébron est en pleine insurrection.
La nouvelle, donnée dernièrement, que Soliman-Pacha avait fait in-
cendier à Beyrouth les dépôts de charbon des sociétés de navigation à
vapeur autrichiennes, ne s’est pas confirmée. Ces dépôts sont demeurés
intacts à la disposition de leurs propriétaires.
— Suivant des nouvelles de Beyrouth, du 21, l’évêque des Melchites,
Agatipos, qui avait été arrêté par des Maronites et conduit au camp ot-
toman, sous l’accusation d’avoir été cause de la livraison de l’émir Hai-
dar, chef des Maronites, a été mis en liberté, par ordre d’Izzet-Méhémet-
Pacha, après avoir prouvé son innocence. Il a élé débarqué, le 18, de la
frégate la lUÉüée, à bord de laquelle il était gardé, et est arrivé le même
jour à son couvent à Beyrouth.Lamiseen liberté de cet évêque a produit
l’impression la plus favorable sur tous les catholiques de la montagne,
qui affluent en grand nombre des endroits voisins pour l’en féliciter.
(Observ. Autrichien.)
( Par la voie de France.)
L’espèce de guet-apens dont on accuse les Anglais à l’égard de l’émir
Beschir a vivement irrité une partiedes montagnards. On assure que le
commodore Napier avait engagé ce prince à visiter son vaisseau. L’émir
fut reçu avec tous les honneurs possibles. Mais le commodore lui dit
qu’il ne lui convenait pas de rester en Syrie : que ses jours y seraient
compromis, qu’on allait faire venir sa famille, et qu’on le conduirait où
il voudrait. Quant à ses biens, on lui promettait de les vendre et de lui
en remettre le prix. Après une très longue discussion, l’émir voyant
qu’il était prisonnier, demanda à être conduit à Rome ou en France. Le
commodore lui déclara que la chose était impossible, et qu’il était libre
seulement d’aller à Malte ou en Angleterre. C’est à Malte en effet que ce
prince et sa famille ont été conduits.
FKMCE.
, Paris, le 19 novembre. — La Chambre des Pairs, après une discussion
I qui s’est encore prolongée jusqu’au soir, a voté hier le projet d’adresse
j de sa commission. Un seul amendement y a été introduit sur la propo-
t sition de M. le comte d’Harcourt appuyé par M. de Tascher; c’est la pro-
testation annuelle des Chambres contre l’acte par lequel la Pologne a
été dépouillée de l’indépendance que lui garantissaient solennellement
les traités de Vienne.
De courtes discussions ont eu lieu sur quelques autres paragraphes
de l’adresse; l’organisation des nouveaux bataillons de tirailleurs ayant
été vivement attaquée par le général de Sparre, M. le duc d’Orléans a
pi is la parole pour défendre cette création importante du dernier mi-
nistère. Nous n’avons point de jugement à porter sur la question mili-
taire; ce qui nous a frapppés, ce qui a ému la Chambre et tous ceux qui
assistaient à cette séance, c’est le sentiment patriotique dont était em-
preinte la vive et rapide improvisation de M. le duc d’Orléans. L’éloge
des soldats français, de leur intelligence et de leur valeur personnelle,
n’est nulle part mieux placé que dans la bouche du prince qui a vu de
près leur patience dans les fatigues, leur courage dans les dangers, et
qui, avant d’être leur Roi, a voulu être leur compagnon d’armes. Quant
aux critiques de M. de Sparre sur la formation des nouveaux régiments
d’infanterie et de cavalerie, la Chambre, après quelques courtes obser-
vations du général Cubières et du maréchal Soult, a jugé que l’examen
do cette question spéciale devait être renvoyé à l’époque où l’on dis-
cutera les crédits supplémentaires. (/. des Débats.)
— On lit dans le Messayer :
« C’est à tort que deux journaux du matin prétendent que les opéra-
rations de la remonte ont été suspendues dans le département de la
guerre : des ordres émanés du précédent cabinet n’ayant pas été exac-
tement interprétés sur tous les points, il a dù en résulter quelques in-
certitudes que M. le maréchal, ministre de la guerre, s’est empressé
dans sa sollicitude, de dissiper dès son entrée en fonctions.
u En fait, tous les marchés de chevaux passés sous la précédente ad-
ministration ont été ratifiés ou régularisés par lui, et loin d’en arrêter
ou restreindre les effets, il a autorisé tous les achats qui pouvaient être
faits dans la limite des crédits alloués.
e Les assertions des deux journaux dont il s’agit, et les inductions
qu’ils en tirent, sont donc tout-à-fait dépourvues d’exactitude, u
— Plusieurs journaux annoncent l’arrivée de notre flotte en vue des
lies d’Hyères. L’ordre de ce retour avait été donné dans le mois d’octo-
bre dernier par le précédent cabinet. (Messayer.)
— M. Bergeron qui, dernièrement a souffleté M. Emile de Girardin au
théâtre, a été condamné par le tribunal correctionnel à 2 ans de prison
et 500 fr. d’amende.
— On prétend que Darmès avait fait quelques révélations importan-
tes dont on a reconnu la fausseté par suite de l’enquête à laquelle elles
avaient donné lieu. Darmès avait cherché par ses fausses dénonciations
à dérouter la police et à gagner du temps.
— S. M. la reine régente d’Espagne est partie le 15 de Marseille pour
Paris. Elle doit arriver samedi à Fontainebleau.
— On a affiché l’avis suivant à la bourse :
« La malle de Marseille a dù se détourner de sa route directe par suite
d’un nouveau débordement du Rhône. Les dépêches des 18 et 19 en
sont pas encore arrivées. »
— On lit dans le Réparateur de Lyon du 18 novembre :
L’ex-régente Christine est arrivée hier soir à neuf heures dans notre
ville ; elle est descendue à l’hôtel de l’Europe. Les autorités civiles et
militaires, qui ne s’y attendaient pas, ont été prévenues sur-le-champ,et
une garde d’honneur a été mise a sa porte. Ce matin, à cinq heures et
demie, cette princesse s’est rendue incognito à la cathédrale, où rien
n’était préparé pour la recevoir, l’autorité ecclésiastique n’ayant pas
été avertie ; après avoir entendu la messe, elle s’est remise en route
pour Paris, dans une berline à quatre Chevaux, suivie d’un fourgon
pour ses équipages. Parmi les personnes qui l’accompagnaient, on re-
marquait un jeune homme d’une jolie figure, qui est sans doute M.
Munoz.
Ue drapeau de Fontainebleau.
En 1814, avant de se séparer de ses soldats, Napoléon embrassa le dra-
peau du l«r régiment de sa vieille garde, vieille et glorieuse bannière
qui lui fut présentée par le général Petit.
Ce drapeau existe encore. Il fut remis à Bourges, au général Petit,
par le général Drouot, en 1815. Le général Petitie voila d’un crêpe, et le
déroba à tous les yeux. En 1854, le général Drouotlui écrivit cette lettre:
« La France ayant reconquis ses glorieuses couleurs, ne doit pas être
privée du drapeau dont vous avez bien voulu être le dépositaire ; ce mo-
nument ne saurait être mieux placé qu’aux Invalides, sous les yeux des
nobles débris de nos armées ; c’est à vous qui avez gardé ce précieux
dépôt, qu’appartient l’honneur de le remettre au roi ou au ministre de
la guerre.
« Adieu, mon cher général, conservez-moi votre affection, et comptez
sur mon sincère attachement. « Général Drouot.
k A Nancy, le 27 janvier 1854. »
Le général Petit attendait une occasion solennelle pour faire ce dépôt,
et se séparer du vieux compagnon de sa gloire : elle s’est présentée. Ce
drapeau sera placé aux Invalides, sur le tombeau de Napoléon, à côté
de ses armes, remises au roi par le général Bertrand... L’épée d’Auster-
litz et le drapeau de Fontainebleau ! quel vaste champ de méditations !...
Nous avons vu, nous avons touché ce drapeau, et nous avons lu, à
travers ses couleurs pâlies par le temps ces inscriptions : d’un côté :
De l’autre côté :
Garde impériale.
L’empereur Napoléon
au lf régiment de grenadiers à pied,
vieille garde.
Maren go,
Austerlitz,
Iéna,
Eylau,
Friedland,
Wagram,
Moskowa,
Vienne, Berlin,
Madrid, Moscou,
(Le Constitutionnel.)
Physionomie de la presse française.
Les journaux de Paris s’occupent aujourd’hui de la discussion de la
chambre des pairs sur le projet d’adresse,qui a été voté à une modification
près, celle relative à la protestation annuelle des chambres contre l’acte
par lequel la Pologne a été dépouillée de son indépendance. Leurs com-
mentaires ayant surtout pour objet le discours par lequel M. Guizot ex-
pose la situation actuelle de la France, et la politique que le cabinet se
propose de suivre , nous nous bornerons à rapporter de leurs opinions
ce qui nous a paru le plus saillant.
Le JOURNAL DES DEBATS : « A vrai dire, toute la séance est dans le
discours de M. Guizot. Nous ne croyons pas que l’orateur se soit jamais
élevé plus haut, que l'homme d’état ait jamais déployé une plus ferme
raison.Nous l’avouons : en écoutant M. Guizot, nous avons senti renaître
toute notre confiance ; quoiqu’il arrive, les destinées de la France sont
entre des mains prudentes et capables.Nous n’essaierons pas d’analyser
le récit complet et sincère qu’a fait M. Guizot de toutes les circonstances
qui ont précédé, accompagné ou suivi la conclusion de cet imprudent
traité ; nous aimons mieux renvoyer nos lecteurs au discours même du
ministre.
Ainsi va se déchirer le voile qui pendant près de trois mois nous a ca-
ché notre véritable position. La question arrivera déjà bien éclaircie de-
vant la Chambre des Députés. Les préjugés publics achèveront de se
dissiper, et la France reprendra sa politique, la politique qui depuis
1851 l’a arrachée à tant de périls. Le discours prononcé aujourd’hui par
M.Guizot devant la Chambre des Pairs est, nous l’espérons, le commen-
cement de cette nouvelle ère de sagesse et de fermeté. »
La PRESSE : « Tout le monde se rappelle ce fameux article des pre-
miers jours de juillet où la question d’Orient était présentée comme dé-
finitivement résolue, grâce au génie du président du conseil. Il est bien
vrai que, depuis, M. Thiers a nié que tel fut l’objet de la mission de SI.
Périer. Hélas ! tout mauvais cas est niable ! Mais les dénégations de M.
Thiers sont quelquechose debien léger dans la balance. A cet égard,M.
Guizot a prononcé aujourd’hui un mot cruel, un mot ineffaçable, uj’ai
été chargé, a-t-il dit, de protester à Londres contre les intentions attri-
buées au cabinet français. J’ai protesté, protesté hautement, protesté
à différentes reprises.Ô\ xi. m’a pas cru !... » Il faut avoir été témoin du
geste qui accompagnait cette parole, pour comprendre tout ce qu’elle
a de sanglant. On ne m'a pas cru!... c’est-à-dire la défiance qu’inspirait
le cabinet dont j’étais l’organe était encore plus grandeque la confiance
que l’on m’accordait personnellement. On ne m'a pas cru !... c’est-à-
dire la déclaration que j’apportais,non-seulement n’a pas obtenu la con-
sidération qu’on accorde d’ordinaire à la parole d’un gouvernement,
mais n’a pas même eu la valeur d’une parole d’honnête homme. On ne
m’a pas cru !... c’est-à-dire on avait si mauvaise opinion du caractère
des gens au nom desquels je parlais, qu’on les supposait capables d’a-
jouter le mensonge à la déloyauté. On ne m’a pas cru !... Jamais rien
d’aussi dur n’était tombé de la tribune. Qu’est-ce qu’un ministre dont
les protestations sont aussi complètement impuissantes ; un ministre
qui fait des serments, et qui n’est pas écouté ; un ministre qui affirme,
et qu’on ne veut pas croire ? C’est un ministre frappé d’incapacité mo-
rale, et qu’un pays qui désire maintenir son influence dans le monde
ne peut plus rappeler à la tête de son gouvernement, n
Le COMMERCE : « M. Guizot a surpassé tousses hauts faits de 1815,
toute sa gloire du Moniteur de Gand, toutes ses palinodies précédentes,
toute l’anti-nationalité de son présent et de son passé. Il faut frémir
pour notre indépendance; il faut se voiler la tête, et désespérer de l’hon-
neur et du salut de notre pays, s’il peut subir, sans une éclatante indi-
gnation, les humilités effrayantes, les dégradantes déclarations que la
sainte alliance lui impose par la bouche de notre ministre des affaires
étrangères. Si un pareil discours passait sans protestation et sans flé-
trissure; oui, l’Europe alors aurait le droit de nous écraser de son mé-
pris, de nous regarder comme sa proie. Et si l’on veut que nous disions
franchement toute notre pensée sur le discours de M. Guizot, il a, au-
tant qu’il était en lui, ouvert à l’étranger les portes delà France.
11 ne faut que bien peu de mots pour le prouver. M. Guizot a obéi
complètement aux injonctions du Journal de Francfort Ce journal, au
nom des puissances, lui avait prescrit de proclamer sans réserve la paix
quand même : M. Guizot l’a proclamée. Voici la formule de M. Guizot,
telle que l’a relevée M. de Montalembert ; La paix partout, la paix tou-
jours. En vain a-t-il voulu, plus tard, atténuer la portée de ces terribles,
nous devrions peut-être dire de ces infâmes paroles, la pensée s’était
révélée ; et M. Guizot, d’ailleurs, n’a fait que l’adoucir, sans la changer.
Quant à nous, nous le déclarons du plus profond de notre conscience,
nous cherchons en vain, dans notre mémoire, les actes des ministres
les plus pusillanimes ou les plusperfides qui aient jamais perdu ou trahi |