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1849. — W. 198.
AWVE 118, mardi 8 mai.
P
(Quatorzième Aimée)•
m
LE PRECURSEUK
On s’abonne’:
A Anvers au bureau du Précurseur,
Bourse Anglaise, N° 104-0, en Belgi-
que et à l’Étranger chez tous les Di-
recteurs des Postes.
Journal Politique, Commercial, Maritime et Littéraire
JPétlac — Liberté — i*raores.
Abonnement par Trimestre
Pour Anvers.................fr. 12 30
» la province franc déport, s 13
» la France,l’Angleterre et
la Hollande. . . » 13
Insertions 23 c.s la ligne. Réclames 30.
8 Mai.
Conseil Communal.
Le Conseil Communal a tenu hier soir une séance im-
portante qui s'est prolongée jusqu’à 10 4/2 heures.
Nous allons présenter le résumé des discussions qui
ont eu lieu et les résolutions prises.
D’abord a été agitée la question de la construction
d’un magasin pour les bateaux à vapeur au quai Vau
Dyck, construction dont le collège a proposé la conces-
sion.
Il s’agit de construire un magasin n’ayant qu un rez-
de-chaussée , contenant les locaux demandés par la
douane, y compris un bureau de 15 mètres pour l’oc-
troi. Le devis de cette construction s'élève de 20 à fr.
25,000.
La ville cédera le terrain à litre d’emphitéote.
La concession sera faite publiquement et concédée à
celui qui réclamera le terme le moins long après lequel
la propriété entière retournera à la ville.
Le tarif de l’entrepôt pour les marchandises de Hull,
sera adopté pour les marchandises déposées dans ce
magasin. .
Ces propositions ont été adoptées en définitive par le
Conseil après une assez longue discussion.
M. Grisar a invoqué l’insuffisance du tarif et a
ajouté qu’il craignait que cette insuffisance ne fut nui-
sible au transit.
M. Smets a émis l’avis que la ville ne devait pas entrer
dans la voie de concession pour des constructions d’une
utilité aussi générale. Il a fait remarquer en outre que
la construction que l'on élèverait aujourd’hui devrait
être abattue à l'expiration de la concession, le jour où la
ville voudra achever le bâtiment et y ajouter des étages,
la construction projetée ne devant avoir que des petits
fondements et ne réunissant pas les conditions de soli-
dité suffisantes pour supporter le poids des étages. Il
aurait voulu que le rez-de-chaussée que I on va concéder
fut construit de manière à ne pas devoir être démoli
plus tard. Il en résulterait un surcroît de dépense de 5
à 6,000 francs et M. Smets pense que la ville ferait une
véritable économie en fesant au besoin ce sacrifice.
Telles sont ies principales objections faites contre la
résolution prise par la majorité du Conseil.
M. Piéron a donné lecture du rapport de la commis-
sion chargée, de concert avec le collège,de l’examen des
plans pour la couverture de la Bourse.
La commission, après une discussion et un examen
préalables approfondis, afin de simplifier la question, a
procédé d’abord à un choix entre les divers plans pré-
sentés et le résultat en a été que ses délibérations défini-
tives n’out porté que sur les plans de MM. Marcellis,
Leys et Berckmaus, et Scbadde ; tous les autres ont été
écartés. . .
La commission ayant ensuite reconnu en principe que
la couverture à plein cintre était préférable, le plan de
M. Scbadde, proposant la couverture à l aide de nou-
velles galeries à prendre sur le milieu de la Bourse, a
également été écarté. ..... , ...
Le choix se trouvant ainsi limité aux plans de M.
Marcellis d’une part et de MM. Leys et Berckmans de
l’autre, la commission, tout en reconnaissant à ce der-
nier une ornementation plus riche, acependantreconnu
un aspect plus grandiose et plus d’élévation à celui de
M. Marcellis ; sous le rapportde la construction, il lui a
paru que ce dernier offrait aussi plus de garanties.
Toutefois la commission ne s est pas cru compétente
sous ce dernier point de vue et d’ailleurs il lui a paru
qu’elle ne devait point trancher d’une manière défini-
tive une question aussi sujette à controvei se; mais cjn elle
devait se borner à proposer une adoption provisoire,
afin d’indiquer quelsétaient à son pointde vue et le mode
de couverture à adopter de préiérence et le genre de
construction qu’elle désirait.
La commission conclut donc :
1” A l’adoption provisoire du plan de M. Marcellis ;
2° A soumettre ce plan ou celui que le Conseil adop-
terait, à l’examen d'une commission d’hommes de l'art,
pouf être examiné par eux, quant aux conditions de so-
lidité, de l’exactitude des devis et du style des ornemen-
tations ;
3° A soumettre tous les plans proposés à l’inspection
du public, afin d’appeler ses observations, ses criti-
ques, ainsi que celles de la presse.
Le Conseil, après avoir reçu l’avis de celte commis-
sion d’hommes de l’art et puisé dans les débats publics
contradictoires qui s’élèveraient dans la presse de nou-
velles lumières, fixerait son choix définitif.
Une discussion longue et parfois assez animée s’est
établie sur ces conclusions. Quelques membres ont
pensé qu’un choix provisoire était inutile, parce que le
Conseil pourrait être appelé à se déjuger plus tard.
Il a été répondu à cette objection que la commission
a longuement délibéré sur ce point et qu’elle s’est ar-
rêtée au mode qu’elle propose, parce qu’elle a reconnu
qu’il offrait le moins d inconvénients et surtout de len-
teurs. Elle a cru qu’il fallait décider immédiatement en
principe quelle était son opinion quant au mode de
couverture et à l’aspect qu’elle désirait voir donner au
monument.
Plusieurs membres se sont ensuite livrés à la critique
des plans, critique dont il nous est impossible d’appré-
cier la justesse, n’ayant pas connaissance des plans.
En général, le plan de M.Marcellis a paru comme as-
pect, comme goût, rencontrer beaucoup de sympathie.
Enfin pour couper court à un débat qui aurait pu se
prolonger longtemps, M. Gheysens a proposé de sou-
mettre les deux plans sur lesquels s’est arrêtée la com-
mission à l’avis et à l'examen d’une commission d’hom-
mes de l’art, de livrer tous les plans à l’inspection pu-
blique pour le Conseil, l’avis de la commission ,enten-
du.les critiques et les observations de la presse recueil-
lies, prendre ensuite une résolution définitive.
Cette proposition a été adoptée par 13 voix contre 11.
Le collège réuni à la commission qui s’est occupée
de cette affaire, reste chargé de la nomination des cinq
membres qui composeront la commission d’hommes
de l’art.
Nous n’avons fait que résumer un débat fort long et
pour la parfaite intelligence duquel il aurait fallu avoir
une connaissance exacte des plans.
Leur exposition publique devant avoir lieu nous
aurons nécessairement à nous en occuper d’une manière
toute spéciale.
La marche suivie par le Conseil en cette occasion
nous semble rationnelle de tous points et rencontrera
nous en sommes certains, i’approbation générale.
Le seul vœu qu’il nous reste à émettre c’est que cette
exposition ne se fasse pas trop longtemps attendre et
que la commission à nommer le soit promptement afin
que la décision définitive puisse l’être également.
La question des sucres, dont nous avons suivi très at-
tentivement la discussion, nous semble avoir été posée
hier par M. le ministre des finances sur un point où tout
homme de bonne foi et qui sait calculer la regardera
comme inattaquable.
Ce qui a contribué à ce que l’on en fit une très grosse
affaire, c’est que l’on a constamment procédé par met-
tre en avant les sommes globales que comporte un com-
merce aussi considérable, au lieu de ne tenir compte
que des différences, comme ç’eut été juste.
Il y a des gens, et beaucoup, qui ont raisonné ainsi :
puisque l'on dit que le sucre peut fournircinq, six, sept,
huit millions même au trésor, cela vaut la peine que
l’on y regarde à quatre fois.
Dès l’instant que l’on parle de millions on est sûr d’ê-
tre écouté. C’est ce qu’ont fait tous les adversaires de la
loi de 1846, mais parler ne suffit pas.
Nous, le premier, nous qui soutenons les chiffres de
la législation actuelle, nous n’hésiterions pas à dire :
s’il est vrai que le sucre peut produire tant de millions
qu’il ne produit pas, périsse le sucre. Mais, si ces mil-
lions ne sont plus des millions, si les pièces de cinq
francs se transforment en pièces de vingt-cinq centimes,
si l'argent s'abaisse même jusqu’à devenir cuivre, dès
lors il nous devient impossible de comprendre que Ton
consacre tant de temps à une pareille affaire.
Ce qui est mis enjeu et en discussion maintenant, ce [
ne sont plus des millions, comme l’a très bien expliqué jj
hier M. le ministre des finances; ce n’est pas la somme >
globale, ce n’est qu’une légère différence, qui s’élève- ‘
raità peine à deux ou trois cents mille francs, et encore
faudrait-il admettre que le produit indirect du com-
merce et de 1 industrie des sucres demeurât le même.
Ce qui ne saurait être.
Mais, en admettant que ce soit, nous le demanderons
au plus ignare, s’il a le jugement sain, un gouvernement
et des législateurs qui savent pertinemment qu’une
branche d’industrie , n’importe laquelle, représente
cinquante millions, pour le moins, dans le mouvement
commercial du pays, qui a engagé des capitaux eu pro-
portion de ce mouvement même, peut-elle être con-
damné à succomberpour deux ou trois cent mille francs,
jetés en fluctuation, dont la recette ne serait garantie
par personne? il nous répondra sans hésiter : Comment,
il s’agit d’un mouvement commercial de cinquante
millions, d’une part, et, de l’autre de deux ou trois cent
mille francs ; mais quel est donc l'homme et surtout le
pays intelligent qui ne s’empresserait de faire, en de
pareilles conditions, non point un tel sacrifice, mais un
placement de fonds aussi lucratif. Un si grand mouve-
ment commercial ne peut laisser au pays que de grands
bénéfices.
Réduite à cette simple expression qui est la vraie, la
question qui se débat maintenant n’aurait pas dû faire
perdre tant de temps à la Chambre. Nous sommes con-
vaincus qu elle serait déjà vidée, si elle eût été tout de
suite posée, comme Ta posée hier M. le ministre des
finances, dans un discours dont le mérite a empêché
d’apercevoir l’étendue.
M. de Mérode, au commencement de la séance, a fait,
selon son habitude, une de ces sorties aristocratiques
qui lui a réussi également comme d’habitude.
Tesant allusion à M. Frère-Orban, devenu ministre,
presque aussitôt que représentant, puis, passant du dé-
partement des travaux publics à celui des finances, il a
dit qu’il ne comprenait pas comment poussaient et se
transplantaient ainsi les ministres.
M. Frère-Orban lui a très spirituellement répondu
que lui, M. le comte de Mérode, avait bien été ministre
de la guerre. Ce qui a excité le rire général, et M. de
Mérode, après deux heures de réflexion est venu lire
quelques lignes desquelles il résulte qu’il a bien réelle-
ment été ministre de la guerre, mais seulement minisire
in partibus, comme certains évêques.
Une chose que nous ferons remarquer et qu'a oubliée
SL de Mérode, c’est qu’il y a une profession fort labo-
rieuse dans laquelle se forment les hommes d’Etat, s'ils
sont studieux et intelligents C’est celle de publiciste;
et SI. Frère-Orban a passé par cette école qui a été celle
où se sont formés tant d’hommes éminents, tant en An-
gleterre, qu’en France et en Belgique.
Nous avons fait distribuer ce malin à nos abonnés de la
ville, un bulletin dans lequel nous annonçons l’échec subi à
Rome par le général Oudinol. La confiance excessive du gé-
néral lui a élè fatale. Trop peu nombreux les Français ont
été deux fois repoussés, et la seconde fois le général lui-mê-
même a failli être fail prisonnier. Déjà on l’avait saisi, on le
retenait par les épaules, et les soldats français ont eu la plus
grande peine à le délivrer. Son aide-de-camp, le capilainu
d’artillerie Favra a été tué.
Les troupes se sont retirées à 5 lieues de Rome, et ont pris
position à San-Paolo.
Le fils du général Oudinot, envoyé en parlementaire a été
retenu en étage par les triumvirs.
Rome semble renfermer tous les émeuliers chassés suc-
cessivement de tous les points du continent où leurs tentatives
criminelles ont échoué. Ce sera, on doit s’y attendre, une
lutte désespérée, car la population sensée, amie de Tordre et
qui est disposée à accueillir les soldais français en libérateurs,
semble ahurie el incapable de la moindre manifestation.
Les (roubles de Dresde ont eu plus de gravité que ne le
faisaient prévoir les journaux allemands que nous avons re-
çus hier.
I.e combat s’est engagé dans la ville de Dresde ; le roi cl
la famille royale ont dù quitter la ville et se rendre dans la
forteresse de Kouingslein. On trouvera plus loin tous les dé-
tails sur celle insurrection.
Des tableaux émanant du ministère <1. s finances ont été dislri-
bues hier pour satisfaire à la demande de l’un des membres de l i
chambre, M Jullie,,; il.permettent .IVtablir comi" ïa^son min
muse entre les effets de la législation de 1843 sur- les sucres pendant
la dernière année de son existence, et ceux de la législation de 1843
pendant ses deux premières années.
i dei
SUCRE BRUT. IMPORT. GÉN. MIS” ER CORS. TRANSIT.
Du lr juillet 1845 au 50 juin 1846 tx. 19 000
* » 1846 » . 1847 » 24'000
» » 1847 , , 1848 » 53.000
il a cte mis en consommation ;
sucre raffiné. quantités raff
Du l’juillet 1843 au 30 juin 1846 tx. 13 000
» » 1846 » » 1847 » 16,500
• » 1847 » » 1848 » 23,000 _____
Les deux années du système actuel établissent une progression ir-
récusable dans les quantités de sucre brut importées, mises en con-
sommation cl expédiées en transit, aussi bien que dans les quantités
de sucre soumises au raffinage, exportées et même consommées.
13.000
13.0 0
18.000
EXPORT.
3,700
6.400
11,200
3 900
12 700
9,200
CONSOJT.
11.300
lO.Oéfi
11,900
ITAL SK.
Rome 58 avril. — Dans la séance de la Constituante Romaine, du
^n3,m ;,rr,,,lî,ad,Clr<i.U’ilétaitll’avis Ae 1,1 question
onhncale Romaine avec les Français et de laisser entrer les Fran-
çais a Rome. Malgré ces observations t’assemblée a confirmé le 1er
vote qu elle avau émis (celui de repousser la force par la force )
nrArlf 4ve,Mna 3 le 27 avril, aux soldats Romains un
ordre du jour pour les exhorter à la résistance et les engager à
apprendre aux Français que les fusils des soldais Romains savent
taire feu. On a continué les préparatifs de défense de Rome. I a
lésion Garibaldi, forte de 1200 hommes est arrivée à Rome Le ru-
présentant du peuple Accursi est parti pour Paris chargé dit-on
d une mission spéciale du Triumvirat.
Rivant les nnuvcHes du 28 avrü, toutes les rues de Rome, du côté
île Cmla-Vecchta, sont barricadées. Les pouls ont été minés. Le 28
au matin, la garde nationale a été passée en revue par Rassemblée et
pir le ministre de la guerre. L’artillerie et les troupes étaient aux
barricades. I ar décret du triumvirat, les vœux particuliers, faits à
perpétuité dans les divers ordres religieux dits réguliers, sont abolir..
L Liât protège Contre toute opposition ou toute violence les persmi-
nes qui voudront profiter du présent décret, et il accueillera avec
reconnaissance dans les rangs de ses milices les religieux qui vou-
dront, les armes à la main, défendre la patrie menacée.
En quittant Civila-Vecchia pour se metlre en marche sur Rome,
le général Oudinot a publié une nouvelle proclamation aux Romains’
En voici le texte :
» Un corps d’armée française a débarqué sur votre territoire. Son
1,1,1 n esl nullement d’exercer une influence oppressive ni de vous im-
poser un gouvernement contraire à vos vœux. Ce corps vient au con-
traire pour vous préserver des plus grands malheurs.
■ Les événements politiques de l'Europe rendent inévitable Tap-
partlion d’une bannière étrangère dans la capitale du monde chré-
tien. La république française portant la sienne à Rome avant toute
autre, donne un splendide témoignage de ses sympathies envers la
nation romaine.
• Accueillez-nons donc comme des frères, car nous justifierons ce
Mire Nous respecterons vos personnes et vos biens. Nous payerons
tontes nos dépenses comptant. Nous nous niellions d’accord avec les
autorités existantes, afin que notre occupation nepèse pas sur vous.
Nous eonserverons.intacl 1 honneur militaire de vos troupes eu les
associant aux nôtres t our maintenir pat tout l’ordre et la liberté.
" Romains! mon dévouement personnel vous est acquis si vous
écoutez ma voix, si vous avez confiance en mes paroles : je me con-
sacra rai sans aucune réserve aux intérêts de votre patrie. »
Soumission définitive de Païenne
Le paquebot le Commerce Bastia a apporté à Marseille, le 5 mai
la nouvelle suivante arrivée à Naples par voie télégraphique : ’
» 26 avril.
” LE COLONEL NCNZIANTE A CATANE.
» A. S. Exe. le ministre tle la guerre à Naples.
» Païenne s’est soumise avec tonte la Sicile.
" Une députation que j’accompagne se rend auprès du péné-il
commandant en chef pour lui présenter l’acte de soumission vure et
simpte. »
Venise, 27 avril. — On lit dans V Ope raio :
la s consuls résidant à Venise avaient été invités, et ils ont assisté
à la cérémonie religieuse célébrée hier à l’église St-M .rc L'Opérait)
remercie le consul de France d’avoir pris part à la célébration de
cette solennité toute nationale. Les jours se passent, el l’escadre au-
Irichicnnc,quoique voisine de Venise,n’inquièlc ni n’empêche les bâti-
ment dans notie port. Les vivres abondent. Le commandant de la
marine a fait demander publiquement des enrôlemcns de soldats de
mamie pour le service des embarcations qui devront défendre la li-
berté du port de Venise, si les Autrichiens menacent d’un blocus sé-
rieux.
Turin, 3 mai — Notre ville de Turin est aujourd’hui en émoi par
suite du procès-public du général Ramorino. Le conseil de guerre se
compose du général baron Latour el des général Maffei di Bopli i’
Taffim, Broglia, Zatigint, Sonnaz et Zàiicone. MM. les généraux Bava
Saluzzo et Villa marina ont refusé de faire partie du conseil dans lequel
il ne figure aucun des généraux qui ont combattu à la dernière cain-
FEUÎULETON.
LE PROPHÈTE,
OrÉJRA EN CINQ ACTES ,l)
ACTE TnoIS-à.aE.
Le camp des anabaptistes dans une forêt de la Westphalie. En face
du spectateur, un étang glacé qui s’étend à l’horizon, et se perd
dans les brouillards et les nuages. A droite et-à gauche, une anti-
que forêt dont les arbres bordent un côté de l’étang; de l’autre
côté de l'étang, les tentes des anabaptistes. Le jour est sur son dé-
clin. On entend dans le lointain un bruit de combat qui augmenle
et se rapproche. Des soldais anabaptistes se précipitent sur le théâ-
tre par la droite ; des femmes et des enfants sortant du camp, ac-
courent à leur rencontre an moment où un autre groupe de soldats
entre par la gauche, traînant, enchaînés, plusieurs prisonniers,
hommes et femmes richement vêtus, hauts barons et dames châte-
laines des environs, un moine, des enfants, etc.
SCÈNE I.
mathisen et le choeur, montrant les prisonniers,
CHOEUR.
Du sang ! que Judas succombe !
Du sangl dansons sur leur tombe !
Du sang ! voilà l’hécatombe
Que Dieu vous demande eneorl
Frappez l'épi dès qu’il s’élève,
Frappez le chêne dans sa sève,
Qu’ils tombent tous sous notre glaive,
Car Dieu Ta dit, Dieu veut leur mort!
tous, levant leurs bras au ciel.
Gloire au Dieu des élus I
Te Deum laudamus!
MATHISEN.
El les méchants couvraient la terre,
Et leurs forfaits sont expiés I
Et le prophète en sa culère.
Les renversa tous sous nos pieds !
CHOEUR.
Du sang ! que Judas succombe !
Du sang I dansons sur leur tombe !
Etc., etc.
(Voir nos numéros du 30 avril et 7 mai.)
(Les femmes et les enfants dansent autour des prisonniers, qn’on a
amenés au milieu du théâtre et qui tombent à genoux ; les haches
sont levées sur leurs têtes.)
SCÈNE IL
LES, PRÉCÉDENTS, MATH1SKN.
MATHiSEN, se plaçant devant les prisonniers et s'adressant aux
soldats.
Arrêtez!
UN DES CHEFS ANABAPTISTES, A MATHISEN.
Quoi ! ton cœur connaît la pitié!
MATHISEN.
Non!
Mais ces nobles seigneurs peuvent payer rançon,
Qu’on les épargne!...
LES ANABAPTISTES.
H a raison!...
(On emmène les prisonniers vers le camp qui est à gauche. En ce
moment on entend, vers la droite, une marche brillante. C’est Za-
charie revenant du combat avec un groupe d’anabaptistes).
SCENE 111.
LES PRÉCÉDENTS, ZACHARIE, SOLDATS, ANABAPTISTES.
ZACHARIE
Aussi nombreux que.les étoiles
Ou bien que les flots de la mer,
En chasseurs, qui tendraient leurs toiles
Contre les aigles du désert,
Vers nos phalanges immortelles,
Venaient les païens courroucésl
Où donc sont-ils, les infidèles?
Où donc sont-ils?... Ils ont fui, dispersés!
Comme le sable, au désert!... Dispersés!
Dispersés!
Tous, dispersés !
Couvrant les monts, couvrant les plaines.
Leurs chars qu’on voyait défiler,
Pour nous lier traînaient des chaînes,
Des roseaux pour nous flageller!
Pour nous punir, pauvres esclaves.
Ces vaillants guerriers sont venus !
Où sont-ils, ces guerriers si braves?...
Où donc sont-ils?... Ils ne sont plus !
(A la fin de ce couplet, les soldats anabaptistes, accablés de
gue, se sont assis ou étendus sur la neige pour se reposer).
MATHiSEN. prenant Zacharie à part.
Voici la fin du jour I Nos fidèles soldats
Depuis l’aurore ont tous combattu !...
ZACHARIE.
Pour la gloire !
MATHISEN.
Aux estomacs à jeûn elle ne suffit pas.
fali-
ZACHARIE.
Voici venir pour eux les fruits de la victoire !
Sur cet étang glacé, de tous les environs.
De nombreux pourvoyeurs, le front haut, le pied leste,
Accourent vers le camp !
MATHISEN.
C'est la manne céleste
Qui vient reconforter nos pieux bataillons.
(On voit dans le fond du théâtre, défiler, sur l’étang glacé, des
traîneaux attelés de chevaux, des petites voitures à quatre roues,
chargées de provisions : la fermière est assise sur la banquette de
devant, et un homme debout, derrière elle, pousse le traîneau. Des
hommes, des femmes el des enfants, portant sur leur tête des paniers
ou des pots de lait, sillonnent l’étang glacé dans tous les sens et
abordent auprès du camp.)
ZACHABiE, prenant à part Mathisen.
El loi pendant ce temps...
(Il lui parle bas et lui remet un papier cacheté.)
* . Va I... tu m’entends !
^ (Mathisen sort par la droite.)
CHOEUR DES ANABAPTISTES.
Voici les laitières,
Lestes et légères.
Sur leurs têtes fières,
Portant leurs fardeaux ;
Leurs pieds avec grâce
Effleurant la glace
Sans laisser de trace
Glissent sur les flots.
CHOEUR DE PAYSANS ET DE PAYSANNES.
Pour vous nous quittons nos cabanes,
Pour vous servir nous venons en ce lieu I
Achetez ! achetez!... loin de nous les profanes !
Nous ne vendons qu’aux soldats du vrai Dieu I
CnœUR DES ANABAPTISTES.
Voici les fermières,
Lestes et légères,
Etc., etc.
(Les anabaptistes courent recevoir les provisions qu’on leur ap-
porte el offrent en échange aux pourvoyeurs et aux jennes filles des
étoffes précieuses, des vases de prix, entassés dans le camp. Lesjeu-
nes filles, qui ont défait leurs patins, se mettent à danser, pendant
que les soldats anabaptistes, qui se sont assis, boivent et mangent,
servis par leurs femmes et leurs enfants.)
La nuit commence à descendre sur la forêt ; les paysans et paysan-
nes ont repris leurs patins, et on les voit au loin disparaître sur
l’étang glacé.
Zacharie, aux anabaptistes.
Livrez-vous au repos, frères, voici la nuit.
Les anabaptistes s’éloignent.On place des sentinelles; des patrouil-
les partent pour veiller autour du camp; le théâtre change et repré-
sente la lente de Zacharie, une table, des sièges, etc., etc.
SCENE IV.
Zacharie , mathisen , entrant ensemble par l’ouverture que les
„ rideaux relevés forment au fond de la tente.
Zacharie, allant à lui.
Ainsi que je l’avais prescrit,
Tu reviens de Munster !
mathisen.
J’ai sommé de se rendre
Son gouverneur, le viel Oberthal I
ZACHARIE,
Qu’a-t-il dit ?
MATHISEN.
Le château de son fils, par nous réduit en cendre,
L’a rendu furieux, il ne veut rien entendre !
L’impie !
ZACHARIE.
Il a beau faire, il cédera bientôt !
-MATniSEN.
Oui, mais en attendant, si Munster nous résiste.
C’en est fait, dès demain, du dogme anabaptiste.
Car l’empereur accourt !
ZACHARIE.
„ . . . , , H faut donner l’assaut !
Prends trois cents de nos gens ! saisissons l’avantage
De la nuit.,..
mathisen , hésitant.
Mais pourtant...
ZACHARIE.
r. .. . . , , , „ C’est l’arrêt du Très-Haut !
G (Si I ord.ie du prophète! Enflamme leur courage!
Promels-leur, en son nom, la gloire et le pillage!
(Mathisen sort.)
SCENE V.
Zacharie, regardant du côté où est la lente du prophète.
Idole populaire I.., utile à nos desseins,
Et qu’après le succès renverseront nos mains !...
J’ignore quel projet... quel remords le tourmente;
Mais Jean depuis hier, retiré sous sa tente;
Refuse de paraître !...
-SCENE VI.
Zacharie, Jonas et plusieurs soldats se présentent à l’entrée de ta
tente, amenant Oberthal.
jonas, s’adressant à Zacharie. *
Un voyageur errant
Que nous avons surpris aux environs du camp !
oberthal, avec embarras.
Egaré dans la nuit et dans ce bois immense.
JONAS.
Il venait, a-t-il dit, se joindre à nous. |