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L’ÉMULATION.
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— Une économie municipale, comme à Bruxelles, sans
doute.
— Non, « les Tournaisiens étaient là », et il avait tout vu...
Cela devait nous suffire, d’autant que le lendemain, nous
avions tout le temps de prendre notre revanche sans crainte
de n’y plus voir.
Erasme, en son mirifique Éloge de la folie, parle quelque part
de gens qui possédés de la passion insatiable de bâtir, détruisent
ce qu’ils ont élevé, relèvent ce qu’ils ont détruit, changent continuellement
les carrés en ronds et les ronds en carrés, jusqu’à ce qu’enfin ruinés de
fond en comble, ils n’ayent plus ni maison, ni pain (64).
Sauf le dernier trait (d’une application impossible ici) cela
s’applique assez bien à l’histoire du château de Blois, formé
en effet d’un ensemble de constructions faites les unes à la
suite des autres sans aucun lien entre elles, sans esprit de
suite, chaque souverain démolissant en partie l’œuvre de son
prédécesseur et reconstruisant sans s’inquiéter des tenants et
aboutissants (65).
Fig. XI — Château de Blois. Aile Louis XII.
Poterne d’entrée vers la place.
On y retrouve des vestiges de tous les styles depuis le
xiiie siècle. C’est tout d’abord la
SALLE DES ÉTATS,
datant du xiiie siècle et ainsi nommée parce que Henri III
y assembla les États généraux en 1575 et en 1588. Divisé en
deux nefs comme l’ancienne salle du palais, à Paris, ce magnifi-
que vaisseau se fait remarquer par sa décoration (due à Duban)
et son beau plafond lambrissé.
Du temps de Charles VIII, on ne retrouve qu’un fragment
d’une galerie, d’ailleurs peu importante, située près de la
chapelle castrale dédiée à saint Calais.
Louis XII a laissé des traces bien autrement considé-
rables de son passage à Blois.
Ces constructions sont connues sous le nom de
l’aile louis xii.
C’est tout d’abord un corps de logis qui présente vers la
place extérieure une façade(66) achevée en 1501,très riche et
somptueuse d’aspect—Fig.VIII—sur laquelle vient s’accuser
nettement la poterne d’entrée, accompagnée par un guichet
pour les piétons. Le motif — Fig. IX — est dominé par une
niche contenant la statue de Louis XII (67), se détachant sur
un fond d’azur aux lys de France.
Pour nous, cette entrée est d’un pittoresque et superbe effet;
elle atténue un peu la lourdeur et le manque de délicatesse
qui règnent sur l’ensemble et qui se retrouvent aux autres
façades de ce corps de logis, particulièrement vers la baille
intérieure — Fig. X.
Fig. XII. — Château de Blois. Aile Louis XII. Façade vers la cour.
Là aussi l’ensemble est d’un aspect très riche et très cha-
toyant par ses mélanges de briques et de pierre (68); seule-
ment on ne peut que regretter le manque de finesse des
détails. Une comparaison intéressante à faire à ce propos,
est de mettre en regard des vues de la cour intérieure du
palais de Marguerite d’Autriche, à Malines (69), d’une ancien-
neté assez rapprochée de celle de l’aile Louis XII, à Blois.
En laissant de côté la richesse de celle-ci et en ne regardant
que les proportions, l’agencement général, l’harmonie de l’en-
semble, la silhouette des deux édifices, on ne peut, nous
semble-t-il, nier que le palais de Malines ne l’emporte. Certes
il n’y a pas là tout ce déploiement de richesses décoratives,
ce n’est pas le palais d’un roi de France ; mais, toutes propor-
tions gardées, l’Hostel de nostre amable et vertueuse Dame Margue-
rite est d’une silhouette plus gracieuse.
D’ailleurs, cette lourdeur peut se reprocher à plusieurs édi-
fices du centre de la France datant du xve siècle. Château
Meillant et certaines parties du château d’Amboise en donnent
la preuve, tandis que l’hôtel Cluny à Paris et les construc-
tions de Rouen prouvent qu’il en était autrement dans l’Ile de
France et la Normandie à cette époque.
Paul Saintenoy.
(La suite prochainement.)
CONCOURS
Concours pour la construction d’une Colonie scolaire
aux bords de la mer
RAPPORT
e programme élaboré par le Comité du Cercle
Le Progrès ne donnait aucune indication en ce
qui concerne la nature, le nombre et l’étendue
des locaux dont la réunion est nécessaire pour
réaliser la pensée des promoteurs du concours :
une colonie scolaire ; les seules conditions que l’on y trouve
inscrites dans cet ordre d’idées, sont relatives au nombre d’en-
fants que l’établissement doit pouvoir abriter pendant une
période de vacances et à la possibilité d’agrandir éventuelle-
ment les constructions projetées, de manière à répondre aux
exigences d’une population plus considérable.
Les concurrents avaient donc à se préoccuper tout d’abord
de compléter le programme, en recherchant avec soin quels
sont les locaux indispensables à une installation de ce genre,
et en fixant l’étendue qui doit, être raisonnablement attribuée
à chacun d’eux pour obtenir une solution conforme aux pres-
criptions de l’hygiène et pour réaliser en même temps la plus
grande somme possible d’économie dans l’exécution.
Le jury a fait un examen attentif de ces diverses conditions,
et voici en résumé le résultat de ses délibérations.
Les dortoirs, éclairés par leurs longs côtés, ne recevront
que deux rangées de lits et ne seront pas de trop grande
étendue afin de faciliter la surveillance ; des salles de vingt-
cinq lits, comme en indiquent plusieurs projets, sont tout à
fait satisfaisantes ; elles peuvent être établies sans inconvé-
(64) Erasme, Eloge de la folie. Traduction de Delaveaux. Paris,
Delarue, sans date, p. 121.
(65) Voir le plan général du château. Encyclopédie d’Architecture, 1884,
pl. 973.
(66) Voir César Daly, Motifs historiques, style Louis XII-François Ier,
pl. I.
(67) Sculptée par Simart. Joanne, la Loire. Paris, Hachette, 1884, p. 100.
(68) Voir César Daly, ouv. cité, style Louis XII-François 1er pl. II.
(69) L’Emulation, Xe année, pl, 20. |