Full text |
LE BRABANT. 61
ouvriers, des bourgeois, les fils et les petits-fils de ceux d'autrefois, tous à la file proces-
Sionnant derrière les porteurs d’oriflammes et de pennons changés en vivants reliquaires et
des pieds à la tête parés comme des figures de vieux tableaux.
Au premier rang marchaient le royal serment des arbalétriers de Bruxelles, avee son
roi et son conseil lotis de lourds colliers d'argent massif; la société des arbalétriers de
Thielt, qui fait remonter ses origines à l'an 1100 et dont le drapeau était porté par un quidam
en chapeau claque, affublé d'un costume vert à boutons de métal: les archers de Neder-
Heembeek, fièrement groupés autour de leur président, celui-ci cimé dun papeguaj où
oiseau de tir à long plumet blanc, et pareil à un chevalier de la Toison d'Or sous le
superbe collier ciselé qui lui guirlandait la poitrine. Les archers de Marbaix s'avançaient
ensuite derrière un des leurs, plastronné d'une énorme plaque d'argent gravée, sur laquelle
Sincrustait la châsse de Sainte-Marie, avec cette date : 1698, et cette inscription : fiex,
Gregorius de Battu; A Peste, Fame et Bello, Libera nos, Maria. Puis venaient à la suite :
la gilde de Deynze (1462), la gilde de Saint-Nicolas de
Willebroeck (1551), en justaucorps tailladé, chausses,
écharpe et toquet de velours; les arquebusiers de Mon-
taigu (1600), ceinturés d'une large écharpe de soie à
franges dorées, une mitre en velours rouge sur le chef;
la gilde de Saint-Jacques de Louvain, précédée dun
porte-bannière en dalmatique rouge brodée d'or; les arba-
létriers d'Evere, la société du comte d'Egmont, celle des
Quatre-Saisons, celle de Graaf van Vlanderen, ete., etc.
Pendant près d'une heure, ce fut un ruissellement inin-
terrompu d'orfèvreries merveilleuses, d’étoffes festonnées,
passequillées de perles, soutachées d'or et d'argent, avec
un carillonnement de médailles entre-choquées qui faisait
chanter les étendards et sur cette houle d’oripeaux glorieux
prolongeait comme la palpitation joyeuse des siècles.
Ces magnificences profanes n'ont de comparables que
les pieuses richesses qui se gardent au trésor celé des
sacristies et, à l'époque des pr'ocessions, chatoient par les
rues comme la louange et l'exaltation des religions. LA CATHÉDRALE,
Partout, en Belgique, la dilection publique se manifeste Me
pour les belles églises fastueusement décorées, et un respect dévotieux s'attache à la
conservation des vieux monuments du culte.
Non loin du Parc, au bas du Treurenberg, dont le nom significatif (montagne ces
Pleurs) perpétue le souvenir d'une prison du seizième siècle, Saints Michel et Gudule
dressent leurs deux immenses tours quadrangulaires inachevées. Chaque grande époque d'art
a laissé de son génie à l'édifice; vous y verrez se succéder le gothique primaire au byzantin,
puis les tours, le portail, les nefs latérales se façonner au caprice du gothique fleuri.
Un jour mystérieux ruisselle des verrières, illuminant de reflets diaprés les nombreux
oratoires qui garnissent le pourtour. Quelques vitraux sont admirables, principalement
ceux que peignit en 1558 Bernard van Orley et où s’'aperçoivent Charles-Quint et sa
femme Isabelle de Portugal, agenouillés en costume de cérémonie devant Dieu le Pere
portant la croix, et ailleurs Louis de Hongrie et sa femme Marie, sœur de Charles-Quint,
en adoration devant la sainte Trinité. Plus loin, un « Jugement dernier de 1528 », par
Jacques de Vriendt, flamboie par-dessus le jubé, au fond de l'église, comme une agonie |