Full text |
LE BRABANT. 99
VII
Les monuments de Bruxelles. — La place de l'Hôtel de Ville. — Les églises. — Le panorama des toits.
Je me suis attardé à ces particularités, persuadé qu'on ne saurait mieux se faire une
idée d'un peuple que par le détail de ses habitudes et de sa physionomie intime. Toutefois
je l'ai dit déjà, Bruxelles à beaucoup perdu de son origimalité antérieure :
à part quelques recoins échappés à la démolition et létonnant décor de la
Grand'Place, elle ne possède plus les séductions qui la faisaient l'égale des
autres vieilles villes pittoresques du pays. Tout au plus, parmi les séculaires
vestiges restés debout sous l'envahissement du moderne, pourrait-on signaler :
l'hotel d’Arenberg, cette gr ande demeure mélancolique sur laquelle plane le
souvenir de d'Egmont, toute perdue au demi-silence du square où, dans
l'animation pétrifiée d'un peuple de statuettes perpétuant les anciennes
industries locales, s'érige le fraternel et funèbre groupe de ce mème Lamoral
d'Egmont et de Hornes incédant au supplice; les torves ruelles angustiées
de la rue de Flandre, où, dans les angles, des vierges miraculeuses,
protégées par des grillages, commémorent des désastres populaires ; les
restes des anciens remparts toujours émergeant des pousses débordées du
lierre dans les jardins du Treurenberg; les profils lambrequinés et taillés
en gradins des pignons qui, le long des raidillons de l'ancienne, curieuse
et vivante artère prolongée du Marché aux Poulets à la place Royale,
endentent et festonnent Flétroite bande de
ciel visible entre l'avancée parallèle des
corniches ; les symétriques et majestueuses ordonnances de la
place Royale reliées par ce qui subsiste encore des arcades
jetées par-dessus le mouvement de la rue; et, près de la place
Royale, les façades correctes du palais des princes-ouverneurs,
actuellement aménagé pour les collections de la Bibliothèque
royale et du Musée de peinture moderne, ces maisons de
l'idéal où se gardent en leur essence ,changeante le génie
et la sensibilité des âges : ici, dominant la faible renaissance
de 1850, greffant sur les DU pousses antérieures un soudain
réveil des permanences de la race, l'originale et forte école des
Leys, des Stevens, Alfred et Joseph, des De Groux, des De Knyif,
des Stobbaerts. des De Braekeleer, des C. Meunier, des Courtens,
des Heymans, des Alf. Verwée, des Hipp. Boulenger, des
Artan, des Claus, des Laermans, des Mellery; là les livres,
les manuscrits, les gravures, les médailles les merveilleuses
enluminures fraiches comme des jardins et qui semblent avoir
été coloriées avec le sang’ des fleurs, le livre d'Heures du
STATUE DE GODÉFROID DE BOUILLON
seizième siècle reproduisant avec des variantes la plupart des miniatures du célèbre bréviaire
Grimani de Venise, le Liber Evangeliorum du dixième siècle, l'Officium angelorum du
onzième, un vrai scintillement de lumière paradisiaque à travers des flambées de vitraux. |