Full text |
0 LA BELGIQUE.
sollicitations répétées des collecteurs : rien. ne les rebute, et ils cireulent à rss les
groupes, souriants, empressés, ayant des mots aimables pour attirer le numéraire
résistant. | . se :
Chaque agrément, comme chaque nécessité, enrégimente des adhérents, disposés : ns
un règlement qui devient la loi organique de tout le groupe. On compte des sociétés de
chasseurs, de pêcheurs, de colombophiles, d'amateurs de pinsons et de canaris, de gymna-
siarques, de canotiers, de vélocipédistes, de joueurs de balle, de quilles, de crosse et de
palet; il ya l'œuvre des Vieux papiers, celle de la Feuille d'étain, celle des Vieux vêtements,
celle de la Soupe scolaire, celle du Denier des écoles; leur nombre en est infini et
toutes possèdent une activité qui, dans chaque sphère, témoigne d'énergies particulières.
Nombre d'écoles et d'institutions sont sorties de la bourse publique et, à part d’aléatoires
subventions, furent constituées avec l'accumulation des deniers recueillis par le moyen de
collectes dans les cafés et sur la rue. Presque tous les estaminets ont des boîtes cadenassées
dont on fait à intervalles réguliers le dépouillement et où s'amassent les oboles; en outre,
chaque soir et plusieurs fois par soirée, un des habitués prend la boîte et cireule de table
en table avec une insistance polie. On comprend la prospérité des œuvres populaires nées
d'un tel concours de dévouements.
D'ailleurs, le public ne regimbe jamais; cette facilité à mettre la main à la poche
est même un trait du caractère bruxellois; non seulement il donne pour les écoles, mais
il donne pour les pauvres, les vieillards, les victimes des catastrophes, et quelquefois sa
charité s'étend aux désastres des autres pays.
Généralement, dans les estaminets du centre de la ville, un collecteur appartenant à l’un
des hospices, souvent un septuagénaire, rasé de frais, linge blanc, redingote élimée, mais
soigneusement brossée, fait le tour de la salle à petits pas, agitant de ses mains tremblantes
une tirelire sur laquelle est inscrit le nom du refuge pour lequel il quémande ; et personne
ne se dérobe à l'offrande. Il existe même à ce sujet une tradition : chacun des collecteurs,
installé non loin du comploir, recoit par soirée un ou deux verres de bière qu'il sirote
en fumant sa pipe, et, au bout de l'an, une députation des vieillards remet, en témoignage
de gratitude, au chef des établissements où la collecte a fructifié Le mieux, une pendule,
une glace encadrée d'or, un tableau ou quelque objet analogue, avec la mention du don et
des donateurs. Naturellement, la remise est accompagnée d'une régalade qui fait jaser les
bons vieux comme une compagnie de pies et leur met aux yeux des clartés mouillées,
où flottent les souvenirs du passé.
Il faut ajouter à ces dimes consenties l'habitude des distributions d'aumônes ; les
vendredis et les samedis surtout sont les Jours privilégiés des mendiants, qui sortent alors
en bandes presstes de leurs taudis, se répandent à travers la ville, manchots, infirmes,
culs-de-jatte, hydropiques, scrofuleux, bancals et aveugles, se poussant à bâtons et à béquilles,
et vont de porte en porte pressurer la charité publique avec le même air délibéré que
s'ils exerçaient un droit. Et cette mendicité professionnelle, qui finit par s'alimenter comme
une rente, est encore considérable à Bruxelles : jai connu des maisons dont les pauvres
constituaient une clientèle inamovible, et chacun arrivait à son heure, marmottant des
bénédictions dans le couloir, d'une voix bénigne qui à la longue devenait exigeante et
bourrue, si la distribution tardait. |