Full text |
n4 LA BELGIQUE.
remplie d'eau, est munie d'un anneau que, lancés à fond de train, les rivaux doivent enfiler
du bout de leur lance. Juché sur une charrette que poussent des camarades, le héros se
ramasse, s'arc-boute, tend sa pique, épiant de loin l'étroite DANeonee tout à COUT le
signal est donné; la charrette se précipite; le récipient, frappé d'un coup hasardeux, sépand
en cascade, trempant toute l'équipe ; el un autre recommence, Joe pere etre plus
heureux. Qu'il cogne au bon endroit, il prend alors des airs de triomphateur romain
sur son char. ie |
Quelquefois d'innocentes bestioles sont associées à ces parties, mais avec ine banane
cruelle. Le «jeu de la grenouille, » par exemple, consiste à lancer, sur une piste déter-
minée, des brouettes préalablement nanties de quatre ou cinq malheureux batraciens aux-
quels les cahotements d'une course vertigineuse impriment bientôt d'effroyables secousses. La
grosse affaire est de les empêcher de glisser à bas du véhicule : le premier qui arrive avec
s cargaison complète gagne le prix, que toujours les pauvres grenouilles, écrasées, les
entrailles pendantes, payent de leur vie.
La Grand Place. — L'estomac de Bruxelles. — L’estaminet et sa physiologie. — L'estaminet appliqué au principe
de l'association. — Charité et mendicité.
À tout prendre, le vieux Bruxelles n'a pas totalement disparu; il suffit de parcourir le
réseau des rues qui avoisinent la place de l'Hôtel de Ville qu'on appelle aussi Grand’Place
pour retrouver en partie la saisissante physionomie que présentait l’agglomération antérieure.
Là encore, elles Sentre-croisent à angles brusques, entre de petites façades étranglées,
garnies de vitrines aux menus carreaux quadrillés, quelquefois formant saillie sur le trottoir.
Entre la place et le marché aux Poulets, se dresse l'ancienne boucherie, un champi-
gnonnement de petites maisons basses y a poussé, tellement resserrées qu'une voiture a
peine à circuler entre l'ourlet menu des trottoirs. L'endroit est célèbre : il
forme un
quadrilatère divisé de ruelles: €
t celles-ci ont des noms qui se rapportent à l'alimentation,
spécialité de ce quartier. A chaque pas qu'on fait là dedans, c'est une invitation à boire
et à manger, il ny à pas un de ces logis minuscules, aux lanternes clignotantes dans la
nuit, qui ne sollicite la gourmandise : ici, un amoncellement de volailles
grasses, de
lèvres et de chevreuils : là, une marée Jetée tout
e perlante sur un étal, ou des bourriches
d'huitres éventrées sur le seuil; ailleurs, contre des rideaux festonnés entr'ouverts sur un
rang de tables dressées. des
plats où marinent des viandes roses, parmi les légumes et
les fruits.
Et plus loin, le spectacle recommence : toute une rue, celle des Bouchers. semplit du
coqs, dindes, pintades, faisans, s’entassent par
à côté, les boutiques de lripiers regorgent de dépouilles
sur les rayons, des têtes de
leurs rangées mornes. (C’est ici le
produit des carnages journaliers; poulets,
charretées derrière les vitres:
animales; et partout, veau, luisantes et blanches, immobilisent
cœur, cest ici surtout l'estomac de Ja capitale.
L'étranger jeté dans ces appétits sans cesse renaissants défaille, comme devant la
sensation d'une existence surnourrie ;
et cependant il est attiré par les matérialités plantu-
reuses qui s'offrent à
lui si nombreusement. Aussi ne manque-t-1l pas de pousser la porte |