Full text |
LE BRABANT. b1
d'acriennes tourelles; ailleurs encore, la maison des Imprimeurs, ornée de vases et de
médaillons à l'effigie des inventeurs de la presse; plus loin, la maison du Renard,
autrefois le siège des Merciers, reconnaissable à ses piliers doriques et à ses figures
représentant les quatre parties du monde; le Sac, qui appar-
tenait moitié aux Tonneliers, moitié aux Menuisiers et aux
Ebénistes, mélange de dorique et d'ionique, sous une profusion
de bas-reliefs et de termes; la Louve, local primitif du Serment
des archers, d’une décoration massive et touffue, où s'amalgament
= des empereurs romains, un groupe de Rémus et de Romulus
et quatre statues : la Vérité, le Mensonge, la Paix et la
Discorde:; enfin le Cornet, propriété des Bateliers, bâtie en
proue de navire, avec une nuée d'emblèmes, tritons, matelots
et chevaux marins qui mettent sur la pierre comme le
mouvement et la gaieté des appareillages.
Imaginez ensuite, dominant tout de sa masse, l'Hôtel de
Ville déployé sur une longueur de quatre-vingls mètres, avec
son portique de dix-sept arcades ogivales, ses deux étages
percés de quarante fenêtres rectangulaires, son toit à balustrade
capuchonné de quatre rangs de lucarnes, le groupe symétrique
de ses tourelles octogones s’effilant aux quatre angles; imaginez-
SAINT MICHEL TÉRRASSANT LE DRAGON. le, guilloché sur toute sa surface antérieure comme une colossale
orfèvrerie, avec une prodigalité de dais, de culs-de-lampe, de
niches et de modillons, la pierre en tous sens animée d'un fourmillement de personnages,
partout la vie et la complication turbulente d’un livre d’annales, tout cet étonnant fouillis suppor-
{ant d'ailleurs un chef-d'œuvre d'élégance et de hardiesse, la tour qui, d'abord carrée jusqu'au
faite des toits, puis polygonale et partagée en étages, ï
s'élance, jaillit, finit en une flèche évidée, lis tout à
la fois et fusée, en haut de laquelle rutile le groupe
de cuivre doré du saint Michel, patron de la ville,
terrassant le dragon. Avec les grandes maisons civiques
de Louvain, de Bruges, de Gand, c'est l'attestation de
l'orgueil des communes. La pierre iei est vivante
elle frémit des énergies d'une race. Quand, en 1405,
Jacques Van Thienen, le premier, commence l'œuvre
immense, il scelle à la base l'âme brabançonne. C'est
sur elle qu'il bâtit afin qu'elle soit l'assise profonde de
laquelle dardera la tour. Jean Van Ruysbroeck continue
l'édifice en 1448 et c'est un hymne ailé qu'avec la
flèche glorieuse il jette à travers les airs.
Si prestigieux que soit, avec ses maisons Corpora-
tives et son palais communal, le décor d'une telle place, RP NE RON
il faut, pour en avoir la vraie physionomie, l’'animer
de l'incessante circulation, à la fois active et désœuvrée, qui, de toutes les rues avoisinantes,
afflue vers cet étonnant cadre d’or et de pierre. Nous sommes là au cœur de la cité, non loin de
son berceau et de ses modestes origines. Des pulsations plus rapides y portent le sang et
la vie. Célle-ci y retentit avec force, la vie communale et l'autre, la vie des affaires et du
plaisir, C'est le lit d’où, aux jours d'émeute, sépanchait en grondant Île flot populaire.
8
Ÿ
PP
0 gp,
27 7 0e |