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qu’il y a de regrets des choses non accomplies dans
ce cerveau. Ce n’est pas l’amertume du pouvoir
perdu, c’est le déroulement inachevé des événements
qu’il avait préparés, qui arrache un soupir à sa poi-
trine.
Enfin, se tournant vers moi et me regardant
bien en face :
— J’ai la conscience, dit-il avec émotion, d’avoir
toujours loyalement, bravement servi mon pays,
en ' bon Français que je m’honore d’être. Je n’ai
jamais eu en vue que la gloire et l’honneur de la
France. La politique que j’ai suivie a donné à mon
pays un grand empire colonial. On peut, quand on
l'ait cela, laisser passer le flot des calomnies.
PAYS-BAS.
Cernés par les glaces.
La situation est surtout terrible pour les habitants
des îles de la Zeelande et du Helder. Voici ce qu’écri-
vait, il y a quelques jours, à sa famille un habitant
de l’ile de Vlieland, qui compte à peine 700 habitants
et dont les principales ressources consistent dans
l’élève des moules :
« Le dur et long hiver qui règne nous réduit
presque à toute extrémité. On ne peut plus se pro-
curer ni lard, ni pétrole, ni riz, ni sel, ni café, ni thé,
ni beurre, ni graisse. Deux boulangers n’enfournent
plus, leur provision de farine étant épuisée. Et dans
la plupart des champs, les pommes de terre sont
gelées. La gelée empêche tout transport. Le fil télé-
graphique avec Harlingen est hors de service.
Nous n’avons reçu que samedi dernier une lettre
qui nous avait été envoyée en date du 22 décembre.
Alors qu’à peine une fois par mois, un facteur par-
vient ici, au prix des plus grands périls, en franchis-
sant les glaces, il arrive quelques lettres. La semaine
dernière, un batelier est parti avec ses deux fils pour
tâcher de se procurer des provisions, mais après
avoir erré dé 11 heures du matin à B heures de l’après-
midi, il a été obligé de revenir sans résultat.
» Beaucoup d’habitants, manquant de pétrole,
doivent se mettre au lit dès la brune. Lorsque les
enfants reçoivent pour leur diner un peu de bouillie
de gruau, ils sont très heureux. Mais beaucoup doi-
vent se contenter de fèves. Il est à espérer que cet
état de choses prendra une fin prochaine, car beau-
coup d’entre nous sont à bout de ressources et ne
pourraient résister plus longtemps. «
BELGIQUE
Bruxelles, 11 janvier.
Le prince Baudouin, accompagné de son aide de
camp, a visité cette semaine le réfectoire installé dans
l’école communale de la rue d’Ophem par les promo-
teurs de l'Œuvre de la soupe scolaire. ■
S. A. R. a assisté à la distribution des rations de
soupe aux élèves pauvres. Le prince avivement félicité
ceux qui ont entrepris cette œuvre d’humanité et de
générosité.
Les invités du comte et de la comtesse de Flandre
pour le bal qui devait avoir lieu samedi soir en leur
palais, ont reçu, il y a deux iours, un avis leur annon-
çant que ce bal était contremandé. Cet avis ne contient
pas le motif de la remise de cette fête.
, C’est à cause de l’état de santé du prince Albert et de
la princesse Henriette, que cet avis a dû être envoyé
aux invités du comte et de la comtesse de Flandre. Le
prince Albert est accablé par un gros rhume, et la jeune
prineesse est atteinte d’une bronchite. Du reste, depuis
une semaine déjà, toute la famille du comte de Flandre
a souffert des grands froids que nous avons traversés.
Le prince Baudouin a été très grippé et la comtesse de
Flandrea été atteinte elle-même pendant plusieursjours
d’une extinction de voix.
La date du bal n’a pas été fixée.
Plusieurs de nos confrères ont annoncé qu'il était
question d’un voyage plus ou moins prochain de S. A.
le prince Baudouin au Congo.
N03 renseignements nous permettent de constater
l’absolue inexactitude de cette nouvelle.
Il est question d’un grand voyage que le fils aîné du
comte de Flandre ferait cet été, mais le Congo n’a
jamais figuré un instant dans le programme d’ailleurs
encore indéterminé de ses excursions.
(Indépendance). .
Voici la liste des artistes invités cette année à prendre
part au Salon des XX qui s’ouvrira, comme nous l’avons
annoncé, dans les premiers jours de février : MM. Eu-
gène Smits et Charles Van der Stappen (Belgique),
Maurits Bauer et Floris Verster (Pays-Bas), Walter
Crâne et P. Wilson Steer (Angleterre), Charles.Angrand,
Jean.Ballier, Jules Chérel, Filliger, Paul Gauguin, Ar-
mand Guillaumin, Camille Pissarro, Georges Seurat,
A. Sisley (France), Cari Larsson (Suède).
L’Exposition sera complétée par un choix d’œuvres
(peintures et dessins à la plume) de feu Vincent Van
Gogh, l’artiste si personnel enlevé à l’art l’été dernier.
Oii cite, dès à présent, comme devant exciter particu-
lièrement l’intérêt, le Chahut de Georges Seurat, dans
lesquel l’artiste a pplique une nouvelle théorie sur l’har-
monie des lignes: les bas-reliefs et les vaSés en poterie
émaillée de Paul Gauguin ; lé surtout de table en argent
exécuté pour la Ville de Bruxelles par Charles Van der
Stappen ; les illustrations en couleurs de Walter Crâne,
etc.
CHRONIQUE
Petite chronique.—L’archéologue Schliemann,
qui vient de mourir, était, à ce qu’on dit, un grand
original. Jamais homme ne poussa plus loin le culte
de l’antiquité grecque. Homère était son livre de
chevet, il donnait des noms grecs à ses domestiques,
enfin il avait épousé en secondes noces mie femme
grecque, qui lui rappelait la belle Hélène. Il va de
soi que, dans cette façon d’idolâtrie, il s’était arrêté
à Ménélas, en quoi il fit bien, car cette union fut des
plus heureuses. Schliemann, tout jeune encore,ayai t
une grande ambition. Il voulait découvrir les restes
de Troie. Malheureusement, il n’avait pas d’argent,
'èt rien ne coûte plus cher que les fouilles archéolo-
giques.il n’était pas de l’étofie de cet archéologue de
Labiche qui se contentait de retourner le jardin
de ses amis et qui, dans les moindres tessons de
faïence française, voyait des vestiges de poteries ro-
maines, témoin ce petit récipient où, dans les let-
tres M. j. d, D. qui se lisaient encore à intervalles
inégaux, il prétendait trouver une invocation à
Jupiter,alors qu’il n’y avaitjamais euqueMoutardc
iaune de Dijon. Schliemann, pour se procurer les
ressources nécessaires à l'accomplissement de son
grand projet, eut le courage de se faire épicier, et
comme il arrive souvent lorsqu’un homme d’une
ntelligence d’élite consent à descendre d’un ou de
plusieurs degrés dans l’échelle des professions, il
réalisa en quelques années une énorme fortune. Une
fois en possession du magot, ii dit adieu aux denrées
coloniales et partit, tout enfiévré, pour l’As: -
Mineure.
ment le problème do sa destinée, il ne respira plus,
suivant la lutte d’un œil ardent.. L’aigle s’étnit
abaissé, il volait, maintenant, presque au-uessus de
la tourterelle, la dominant de son bec tranchant et
de ses serres livides. Epouvanté, le pauvre oiseau
se dirigeait vers un petit bois de .chênes verts,
espérant s’y cacher. Mais son féroce ennemi devi-
nant sa tactique, activait ht poursuite. Pierre, le
cœur serré, les mains frémissantes, eût voulu don-
ner de sa force à la fugitive, il voyait approcher
l’instant où elle allait succomber. Déjà le rapace
touchait sâ victime, lorsque, du petit bois de chenes
verts, une légère fumée blanche monta, en même
temps qu’une faible explosion retentissait. L’aigle
tournoya, frappé à mort, tombant vers la terre, et
la tourterelle sauvée disparut dans les branches.
Pierre poussa un cri de joie. Ainsi la réponse à sa
demande avait été immédiate et foudroyante. Le
destin avait manifesté son intervention d’une façon
indéniable. Et lïùvisible chasseur, dont la balle
avait tranché la question, n’avait-il pas .été amené
là à point nommé pour mettre fin à ses angoisses ?
Mais, par fin soudain retour de sa nature gouail-
leuse d’autrefois, il.se mit à rire, à la pensée qu’un
coup de iusil, tiré sur un oiseau, pourrait arranger
tant dèchoses. H|secouala tête et dit :
— Le travail,voilà le vrai remède. Du jour où je
l’ai abandonné, j’ai été perdu. Je me suis redonné' à
lui, il inè sauvera.
Le soleil descendait dans la mer, rouge comme
une énorme braise. Pierre se leva, et,le cœur apaisé,
regagna le village.
IV
C’était le premier dimanche du Carnaval et le
théâtre de Nice splendidement illuminé, s’ouvrait
pour legrand veglione. .Depuis la place Masséna au
ccntréde laquelle,sur son trône burlesque,depuis deux
jours, avait été solennellement assiste roi Carnaval
en habits pailletés, le hochet de la folie à la main,
jusqu’au péristyle du théâtre, une multitude de cu-
rieux, riant, criant,, sifflant, regardait circuler les
masques. L’orchestre rugissait (Te tous ses cuivres,
et le rythme des valses et des quadrilles arrivait, en
bouffées joyeuses, couvert par le murmure bourdon-
nant de la foule, qui roulait ses vagues,dans le vaste
bâtiment livré pour toute la nuit aux caprices et
aux fantaisies.
Dès l’entrée, ce n’était que buisson de plantes, sur
lesquelles ruisselaient des lumières. Une élégante
On connaît l’histoire de ces fouilles mémorables
qui, d’abord, ne répondirent pas à l’attente du sa-
vant allemand. Schliemann croyait à Homère comme
à l’Evangile, et il était convaincu que dès qu’il au-
rait découvert remplacement dél’antique Ilion, il
trouverait à chaque pas des preuves de l’exactitude
du récit de VIliade. C’est en 1871, après de longues
négociations entravées par le'mauvais vouloir du
gouvernement ottoman, qu’il donna le premier coup
dé pioche dans le voisinage d’Hassarlik, estimant
avec raison que Y Ilium novum des anciens avait
été Construit à peu près-sur l’emplacement de l’an-
cienne Troie. Mais, sur la foi d’Homère, il s’imagi-
nait que Troie était une ville immense, dont le rayon
devait embrasser la ville grecque de 100,000 habi-
tants qui lui avait succédé après une longue suite de
siècles. Il en résulta que, dans ses premières fouilles,
il ne trouva rien qui ne fût purement grec. De
guerre lasse, il se décida à attaquer la eolline où
Homère avait placé Pergame, la fameuse citadelle
de Troie, et il put se convaincre que la ville tout en-
tière n’occupait que la faible superficie de la cita-
delle. On sait aussi qu’avant d’arriver aux restes de
Troie, le savant découvrit les vestiges de quatre
ou cinq villes successives, et qu’il n’atteignit le sol
vierge qu’en creusant des puits d’une profondeur de
quatorze mètres, ce qui l’obligea de convenir, à son
grand regret, qu’Homèrenel’avait pas moins trompé
sur la chronologie que sur l’importance de la ville,
et que l’existence de Troie remon tait à la plus haute
antiquité. En effet, la ville grecque d'Ilium novum
qui avait véGU pendant plus de mille ans (jusque 361
après J.-C.) n’avait laissé qu’une couche de ruines
de deuxmètres d’épaisseur. Le résultat de ces fouilles
fut cependant de nature à transporter l’archéologue
le pius exigeant. Cette couche de quatorze mètres
était comme un livre illustré à chaque feuillet, où
M.Schliemannpouvaitsuivrel’histoiredepeuplesqui,
tous,avaient disparu dans des convulsions violentes.
Il est bien des genres d’émotions, mais celle que doit
éprouver un archéologue en descendant ainsi dans
les entrailles de la terre, et en exhumant à chaque
coup de pioche des matériaux, des documents qui
jettent une brusque lumière sur des problèmes restés
indéchiffrables, doit être la plus poignante de toutes.
S’il est un paradis quelque part, l’honnête M. Schlie-
ifiann, après avoir rendu à Dieu sa belle âme
grecque, doit y être assurément. Mais jamais il n’y
goûtera les joies que lui a procurées son séjour dans
la Troade, car ce sont des joies que le ciel ne peut
donner.
L’enceinte de Troie, telle que Schliemann l’a re-
trouvée, ne pouvait guère contenir que 50Q0 habi-
tants, dont 500 au plus en état de porter les armes.
Mais les objets découverts dans les ruines, de même
que la disposition des maisons, qui avaient plusieurs
étages, attestent que c’était un centre important et
queles Troyens ont pu étendreleur domination assez
loin, grâce au concours dé nombreux vassaux. On
sait que M. Schliemann, tout en s'inclinant devant
les fai (s par trop évidents, et en admettant qu’Ho-
mère avait recueilli des, traditions;;qui se perdaient
dates' la nuit des ierrips," n’a pas cessé de défendre
d’exactitude de la version de Y Iliade. Ainsi dans des
poteries ornées d’yeux et de nez, il a voulu voir une
représentation de la chouette, l’oiseau cher à Mi-
nerve. Ç’esf toujours l’Iliade à la main qu’il mar-
chait à travers les décombres. Il revoyait les Portes
sales d’où les vieillards de ' Troie contemplaient
l’éblouissante beauté. d’Hélène. Enfin il tenait le
fameux trésor du Priant qui, disait-il, avait été
certainemen t renfermé dans des caisses de bois sem-
blables à celles qu’Homère a mentionnées. En tous
cas, c’était un vrai trésor ; diadèmes, bandeaux,pen-
dants d’oreilles en or, vases d’or et d’argent, braee-
,léts, bagues et colliers d’un travail délicat et d’un
art original, il y avait là de quoi fournir un musée.
La science nous dira peut-être un jour ce qu’était
-et d’où venait ce peuple étrange, que les Egyptiens
rangent parmi les ennemis auxquels ils eurent af-
faire, et dont certains arts ont des affinités singu-
lières avec ceux des anciens Péruviens. Ce qui est
certain, c’est que Troie a existé, qu’elle/à joué un
rôle important et que, après une résistance déses-
pérée, elle a péri dans un incendie dévorant. Quant
à Homère, s’il a pu recueillir quelques traditions sur
cette grande catastrophe, il n’avait pas la moindre
notion de la civilisation troycnné, et c’est à sa bril-
tente imagination que nous sommes redevables de
tant de descriptions et d’épisodes pittoresques aux-
quels il a su donner le relief de la réalité. 11 est pro-
bable aussi qu’il a personnifié, ou que la légende, qui
embellit tout, aura personnifié avant lui dans le rapt
d'Hélène, cet héroïque roman d’amour, cc tournoi
chevaleresque non pas entre deux hommes, mais
entre deux peuples, pour la possession de la beauté,
la lutte pour l’existence de races sans cesse mena-
cées et eB quête de terres nouvelles. Mais que l’on se
trouve aujourd’hui en présence des restes de l’antique
liion, c’est ce que personne, ne songe plus à dis-
cuter, de-même que personne ne s’avise de disputer
à M. Schliemann l’honneur deria pius belle décou-
verte archéologique du siècle. Le proverbe qui
dit que la foi soulève des montagnes s’est vérifié à la
lettre dans cette mémorable entreprise. C’est la foi
qui a fait soulever au grand savant allemand la col-
line sous laquelle Pergame était enfouie.
E. L.
Patronage libéral.
j Le tirage de la Tombola organisée au profit de
l’œuvre est irrévocablement fixé au dimanche 18
janvier prochain à 8 heures du soir au local Lion
d’Or, rue Haute, chez M. De Buck.
On peut encore se" procurer dès lots j usqu’à l’heure
du tirage au susdit local. .
Pilotage. — Avis. — La situation générale du
fleuve par rapport aux glaces ne.change pas sensi-
blement. Toutefois, par suite de la croissance- dés
marées, les glaçons charriés en rade d’Anvers ont,
à certaines heures de la marée, fortement augmenté.
D’après des informations reçues de Doel et
Walsoorden, la rivière y reste couverte de glaçons.
Garde civique. — Le conseil de recensement se
réunira :
1° le samedi 17 janvier prochain, à 10 heures du
-mâtin, à l’Hôtel de ville, au premier étage. Salle de-
cohue de dominos multicolores, masqués ou le vi-
sage découvert, circulait dans les couloirs , les
hommes et les femmes engagés dans de piquantes
intrigues, dont les répliques volaient comme des
flèches, au milieu des éclats de rire, des poursuites
amoureuses et des fuites coquettement retardées.
Dans la salle c’était,sur l’emplacement de l’orchestre
et du parterre, la danse comme au bal de l’Opéra.
Dans les loges la conversation et la galanterie.
Tout ce que Monaco,Nice et Cannes comptaient de
jolies et séduisantes personnes était rassemblé là,
pojur le plaisir des yeux. Vieille et jeune garde, don-
liant p’assaut au bataillon des viveurs en quête de
plaisir, entr’ouvrant le satin des dominos, pour
laisser voir l’éclat des épaules et la blancheur
des bras nus, levant le velours. des loups, pour
montrer la grâce du sourire et la finesse du regard.
Les portes des loges bâti aient, un frou-frou de
soie bruissait et des formes élégantes apparaissaient,
en volées de femmes, qui se dirigeaient vers le foyer,
pour chercher aventure. Des plaisanteries se croi-
saient, des lazzis partaient, fusées de gaîté, et aus-
sitôt, un cercle ae curieux se formait autour des
adversaires, déguisant à qui mieux mieux leur voix
pour échapper à la curiosité, tout en goûtant le
plaisir d’attirer l’attention. De petites bandes de
jeunes gens passaient, la fleur à la boutonnière, le
domino traînant comme un brillant manteau. Des
groupes de femmes les frôlaient et ils échangeaient
ae vifs propos.
Debout, dans un angle, adossé à la muraille, en-
touré de cinq ou six de ses amis, le prince Patrizzi
causait, surveillant les allées et venues des masques
qui défilaient le long du couloir. Il s’occupai t, aidé
ae son état-major d’élégants viveurs, à deviner le
nom des femmes qui, se croyant assurées de l’inco-
gnito sous le voile protecteur fies dentelles, s’amu-
saient librement. Il avait déjà nommé plusieurs
grandes dames et un certain nombre de belles filles,
quand il poussa une exclamation d’étonnement :
— Eh! c’est Jacques de Vignes.lui-même !...
C’était Jacques, en effet,-brillant, superbe, le teint
reposé, les yeux clairs, laissant flotter son domino
bleu qui lui donnait l’air d’un galant cavalier de la
Renaissance. Il venait, la main tendue, souriant,
heureux, tel que l’avaient connu, deux ans aupara-
vant, ceux vers qui il s’avançait, et non point voûté
et triste, comme au début de la saison, le soir où le
docteur Davidoff avait raconté de si fantastiques
histoires après un dîner joyeux. La résurrection
était complète, triomphante, presque insolente, tant
Milice, entrée par la rue des Orfèvres, pour statuer sur
les réclamations qu’auraient à présenter les personnes
appelées au service de la garde civique, nées en 1869
(nouvelle levée).
2° le lundi 19 janvier, à la même heure et au meme
local, pour statuer sm* les réclamations des personnes
appartenant à des classes antérieures et qui ne sont pas
encore inscrites au Gontrôle-d’aetivité..
3" le mardi 20 janvier, à la'même heure et au même
local, pour statuer sur -les réclamations des gardes déjà
inscrits âu Contrôle, appartenant à des classes anté-
rieures et qui auraient acquis des droits à l’exemption
ou à.Ia radiation par limite d’àge (nés en 1840 ou avant).
Un commencement d’incendie s’est déclaré
hier soir, vers 6 heures, à la boulangerie de la So-
ciété Coopérative rue Loos. Les pompiers se sont
rendus maîtres du feu au bout d’une heure de travail.
Les dégâts sont considérables et couverts par la so-
ciété d assurances VEscaut.
Reçu pour l'Œuvre de l’Hospitalité de Nuit.
— Er. 28, produit de la vente d’objets gagnes par
quelques amis, à la tombola de la société de fanfares
Grétry, au local Thalia.
A quanti l’abolition des droits de feux et
fanaux sur l'Escaut. . 17
FAITS DIVERS
Le froid partout. — De Paris on nous téléphone que
la Séine charrié de nouveau des glaçons. Le courant est
devenu très faible ; les divers canaux qui traversent
Paris sont pris complètement.
Partout la navigation est interrompue ; les nouvelles
qui arrivent de province annoncent que le fVoid est très
intense. Dans le Midi, la neige tombe en abondance.
A Nimes, le thermomètre est descendu à 9 degrés
au-dessous de zéro ; le vent du Nord souffle en tempête.
A Beaucaire, le Rhône est très bas ; il gèle sur ses
rives. On traverse l’Ardèche à pied.
A Constantine, la neige vient de faire sa réapparition
dans le département ou elle est tombée abondamment;
Il est tombé de la neige avant-hier à Madrid.
A Barcelone les conduites d’eaux sont gelées ; le
thermomètre est à S degrés sous zéro.
À Sorio la température atteint 15 degrés.
A Genève. — Dépêche de notre correspondant: Ce
marin le port de Genève a été complètement pris par
les glaces.
Pour la première fois on y a patiné.
La navigation est entièrement interrompue.
(Indépendance.)
La médecine à portée de chacun. Voir annonces.
91
Accident à. Fosses. — Mercredi soir, M. Joseph
Genarfc, maître de carrières, à Fosses, et sa dame,
s'étaient couchés, apres avoir allumé le poêle de leur
chambre, où dormaient également leurs deux petites
filles. Vers onze heures, les enfants se plaignirent de
maux de tète. M. Genart se leva, mais aussitôt il tomba
sans connaissance au milieu de la chambre. Sa femme,
entendant le bruit de sa chute, se leva également et...
ouvrit heureusement une porte, M. Genart ne tarda pas
à reprendre ses sens, et alors les malheureux parents
constatèrent que leur petite fille Eugénie était motte,
asphyxiée par l’oxyde de carbone, Les époux Genart
affirment que la clef du poêle n’était pas fermée.
Extrait <ie viande
doit son succès à sa qualité H if i SSl ü fl II» Il g
supérieure et à son prix modéré, grande économie.
Le drame de Merlimont. La reconstitution de la
scène du crime. — A la suite des aveux de Baillet et
ceux — accompagnés de réticences — de Dutilleul, lé
parquet de MontreuiL-sur-Mer a décidé de confronter les.
deux criminels sur les lieux mêmes du crime. Baillet et
Dutilleul ont donc été conduits avant-hier à Merlimont.
De nombreuses personnes des villages voisins les sui-
vaient sur la route, bien qu’ils fussent en voiture, dans
deux charrettes séparées, et la confrontation a eu lieu
devant une assistance considérable, que contenaient
difficilement les gendarmes de Montreuil, d’Etapies et
de Berck-sur-Mcr.
Les deux assassins ont parfaitement reconnu les en-
droits où ils ont passé et séjourné après le crime, de
même que les personnes qui les y ont vus les ont égale-
ment reconnus.
Baillet s’est prêté de bonne grâce et même avec un
cynisme révoltant à la reconstitution, de la scène du
crime. Il’ a essayé d’ouvrir la grand’porte ; il a fait mar-
cher la clichette une fois ou deux et sans attendre l’ar-
rivée des gens de la maison, il est passé immédiatement
dans la ruelle qui longe le presbytère et le jardin.
A l’extrémité du mur qui clôt le jardin se trouve une
haie. Baillet déclare qu’il a cassé là un bâton et que,
muni de cette arme, il a escaladé le mur, traversé le
.jardin et pénétré dans la cuisine qui se trouve sm1 le
derrière du presbytère. Dans cette pièce se trouvait un
paraven t'. Ce paravent a été replacé pour la circonstance
et l’assassin se dissimule derrière.
C’est à ce moment que Mnm Cauwet, venant soit de là
porte de la rue, soit d'une pièce, voisine, entre dans la
cuisine. « Elle fait, déclare le misérable, un mouvement
de recul en m’apercevant, Alors, je lève mon bâton et
lui en assène un violent coup sur la tête. -Elié tomba la
tète en avant dans le feu. » .
Baillet, sans plus s’occuper de la malheureuse femme, ’
court barricader la porte ue larue et celle de la maison,
pais il passe dans la salle à manger et dans la chambre
à coucher qu’il fouille. Dans un secrétaire qu’il fracture,
il trouve 20 fr. en monnaie do billon.
Mais le temps presse, l'assassin entend sonner la cloche
de l’église, on va sortir de la rnèsse ; il revient dans la
cuisine. En passant devant le corps de sa victime, il
s’aperçoit qu’elle est immobile et que le feu lui brûle le
visage. « M..., dit-il, elle est morte ! » Puis il quitte la
maison et va rejoindre Dutilleul, qui l’attend dans la
ruelle.
■ C'est avec une sorte de forfanterie qu’il fait le récit de
son crime. Aucune émotion ne l’agite lorsqu’il est en
présence des parents delà victime et du digne curé qui,
a genoux sur Je sol, la tête dans les mains posées sur un©
chaise, ne veut pas regarder les assassins de sa mère.
Baillet a nettement 'déclaré qu’il «'avait,en aucune
façon bâillonné Mme Cauwet. Il oppose à plusieurs re-
mises un démenti formel à la sœur du curé, Mme Bou-
anger, qui soutient qu’elle a .arraché en relevant le ca-
davre de sa mère, un linge qui lui couvrait la bouche.
Disons de suite que Baillet a dédaréavoir laissé le'bàton
qui lui a servi à commettre le crime dans la cuisine
môme ; d’un autre côté, les personnes arrivées les pre-
mières ne se rappellent pas avoir trouvé le bâton près
de la victime.
Dutilleul est amené à son tour. On le fait passer par
tous les points où il a été vu par diverses personnes.Tl
les reconnaît toutes et ses explications concordent à peu
près avec les témoignages recueillis. Mais il nie énergi-
quement avoir fait lé giiet. Il savait parfaitèmeriti que
Baillet allait voler et peut-être tuer au presbytère, mais
il s’est borné à-l’attendre. C’est son système de défense
et il ne veut pas en démordre.
Cependant on a retrouvé un mouchoir à carreaux,
tout maculé de sang, dans une haie et contenant une
pièce de 5 francs. D’après le dire de Baillet, il appartien-
dita.it à Dutilleul, qui ne ventpasiereconnaître. Baillet,
gouailleur, apostrophe son compagnon en ces termes :
« Fais donc pas le malin, tu sais que c’est à toi le mou-
choir ; as-tu peur d’ètre décapité ? »
Les assassins ontété réintégrés le soir à la prison de
Montreuil. Comme le matin, la foule les poursuivait de
ses huées et de ses cris. Eux plaisantaient tranquille-
mènt, faisant des réflexions obscènes et parlant même
en riant de la guillotine. En somme,leur attitude à tous
deux est déplorable.
Voici des détails rétrospectifs ■ sur l'arrestation de
Baillet,-qui a été des plus mouvementées :
jJaiflet a été arrêté au Crotoy (Somme) par le
-garde-châmpêtre dû pays, et conduit ifflfnèdiâtêmerit' à
Rue par le garde et un marin, accompagné d’une troi-
sième personne.
Arrivé près de la porte delà gendarmerie, à sa des-
cente de voiture, n’étant pas garrotté et profitant de
l’iustantpù une seule personne était devantlui, Baillet
lüi'èhvoÿa im coup de poing en pleine poitrine et se
sauva à tontes jambes. dans la direction des marais.de
Villers-sur-Authie. .• çtîSp
Le courageux marin la poursuivit et l’arrêta à diffé-
rentes reprises,-sous les yeux des habitants du Voisi-
nage; personne ne prêtant secours au marin après une
lutte plusieurs fois répétée, Bassassln pénétrait dans les
mairies, et disparaissait dans la direction de Conehil-
e-Temple. De là il est arrivé dans la nuit à Berck, chez
son grand père. Là il se cacha dans le grenier sous du
foin ; mais une voisine, d’autres disent une parente,
ayant remarqué quelque chose d'insolite, alla prévenir
la gendarmerie, et Baillet fut arrêté samedi matin.
Un gendarme ayant pénétré dans le grenier, croyait
pouvoir arrêter seul l’assassin, mais il tut saisi par les
deux poignets et dut appeler au secours.
Savary, l’assassin du Rang-du-Fliers, exécuté à
Montreuil en septembre dernier, était un enfant assisté
de la ville de Paris
Baillet a été élevé dans une maison de correction.
Autre temps, autres mœurs. — « De mon temps,
nous disait un vieillard, les rhumes nécessitaient des
soins assidus ; aujourd’hui, vous lessoignez sans lööchs,
sans tisanes, simplement en prenant- deux capsules
Guyot à chaque repas ». Los capsules Guyot, en .effet,
sont universellement employées pour guérir les rhumes,
bronchites ou catarrhes. Après quelques jours de trai-
tement, l’expectoration se l'ait facilement et l’oppression
disparaît. La signature- Guyot est imprimée sur chaque
capsule blanche. Fabr. et gros. 19, r. Jacob, Paris. 255
LETTRES, SCIENCES ET ARTS
Koch et Pasteur.
L’article suivant, extrait d’une notice scientifique
inédite, sera lu avec intérêt en cc moment où, mai-
gre les sages avertissements dé nombreuses auto-
rités médicales, une partie du public montre pour
la découverte de Loch un engouement qui lui ferait
oublier les découvertes qui l’ont précédée et pré-:
paFée. .
D’autre part, les explications contenues dans cet
(article sont tout à fait d’actualité ;
La phtisie pulmonaire et la tuberculose ne sont
qu’une même maladie •caractérisée par Ta formation
dans nos poumons d’un produit particulier appelé
tubercule et mieux encore par la présence dans cette
production anormaled'un microbe particulier découvert
par Koch le premier dans les crachats" des phtisiques.-
Ce tubercule et le microbe peuvent se développer dans
d’autres organes que les poumons : dans la peau et c’est
te qu’on appelle le .lupus,:particulièrement au nez ; ou
bien dans les os, et c’est ce qu’on appel le Ta Carié et les
tumeurs blanches,enfin d an s lés ine mbVa ries dé cerveau 11
c’est ce qu’on appelleiaMériyrigite tuberculeuse, etc,,etc.
C’cstà Koch que revientTlionneur dé la déconvertedit
microbe de la phtisie qui porte son nom : le microbe
de Koch; il-déêouvrit(ftins-lescraehate-rtes - phtisiques
des êtres vivants infiniment petits, mesurant à peiné
quelques millièmes de millîihefres,"sorte de" végétaux
microscopiques, de la forme- “d’un ' bàtOfrnet 'sotivent1
infléchi sur lui-même en Sôu recourlié en crochet à l'une
ûe ses extrémités, qui se retrouvait dans toutes Tes.
maladies tuberculeuses et qui pouvait reproduire la
phthisie dans l’animal sairipar iriôcüIâtiori.’Koèli venait
affirmer ainsi sans réplique ce qu’avait fait pressentir
l’observation : que la phtisie est contagieuse et .que
l’élément de la contagion se trouvé surtout dans les
crachats des phtisiques; (il a été démontré depuis que
i’àir expiré par lesphtisiquespeût contenirdesffiici’obès
et devenir ainsi un agent dé éoritâgiôh : IêTaît dès vaches
phtisiques, comme leur chair et leurs viscères peuvent
propager aussi l’affection Tuberculeuse}'. ;
Si le professeur rie Berlin eutle mérite de découvrir
Je microbe de là tuberculose, on doit recohnaitre qu’un
savant Français, j’ai nommé Pastéqr, avait ouvert la
voie des découvertes près de vingt ans avant lui et le
premier avait montré qu’un grand nombre de maladies
étaient dues à la présence d un' microbé dans nos or-
ganes. . -
C'était à l’époque, non loin dé nous, où là science
s’occupait de cette question brûlante dé la génération
spontanée, question qui passionnait !es esprits à cause,
surtout de ses conséqüènces doctrinales: les matéria-
listes forts des expériences dé laboratoire concluaient
que l'être vivant pouvait naître spontanément dans un
milieu approprié et qu’ainsi l'homme avait pu paraître
sur la terre sans avoir connu de Créateur. L’étude des
phénomènes de la fermentation paraissait leur donner
raison: des snbstaneés organiques"Reliés que lait,
viande, bouillon, bière, etc., etc. abandonnées à fair
libre, ne tardaient pas à fermenter en donnant nais-
sance à de nombreux animalcules, même des insectes et
des vers! En vain objectait-on quecés animalcules pou-
vaient avoir été transportés par l’air et mis en contact
avec eos substances ! On croyait s’étre mis à l’abri de
cette capso d'erreur et beaucoup concluaient à l’organi-
sation spontanée de là matière, à la génération spon
tanéo.
Pasteur étudia le problème do la fermentation et il
ne tarda pas à démontrer par des prouvés irréfutables
que la génération spontanée n’existe pas, qu’il faut à
tout-être créé un être' préexistant ; il reconnut que la
fermentation est due à l'ensemencement d’une matière
: organique par un éléinent vivant qu’on nomme le fer-
ment : tic ferment est constitué par des organismes
microscopiques, sorte de végétaux exü'ômoment petits
qui naissent, croissent, se multiplient et meurent dans
la substance où ils ont été apportés.
Pasteur s’occupa des fermentations typiques du vin
et de la bière, il parvint à distingué!'les agents de ces
fermentations ; il fit plus : il étudia lès phénomènes anor-
maux,telles que les maladies du vin, et reeOnnutqu’elles
étaient dues à des êtres infiniment petits (Véritables
microbes), qu’on pouvait isoler et caractériser au mi-
croscope : if sut être utile aux viticulteurs en leur en-
seignant les moyens de s'opposer a ces altérations qui
pouvaient mettre én danger leurs récoltes.
A cette même époque sévissait en France, dans le
Midi, la maladie des vers à soie : c’est, vous le savez,
une industrie des plus importantes et l’une des sources
priùcipalès dé la fortune publique; les sériculteurs de-
mandèrent conseil à Pasteur et celui-ci ne tarda pas à
reconnaître dans la pebrine l’agent microscopique,
l’animal infiniment petit, cause de l’épidémie.
Je dois me contenter de citer seulement les décou-
vertes qui se succédèrent et qui firent connaître au
monde entier le - nom et le génie de Pasteur : ses re-
cherches sur lecharbon furent couronnées de succès : il
obtint un vaccin qui mit le bétail à l’abri de cette mala-
die contagieuse : avant Pasteur, la mortalité du bétail
par le charbon'S’élève à 17 °[0 T depuis là découverte de
Pasteur la mortalité s’abaisse à 4 %0 et même à 1 %«
pour les moutons.
Uhë épidémie de typhus décime les bassés-couTs en
Franoo et en Italie.: c’est la ruine pour cette branche de
commerce assez importante ! Pasteur applique à cette
maladie sa méthode et le choléra des poules; é’ést le
nom de cette sorte.de typhus, a disparu.
Par quelle méthode le savant français atteint-il des
résultats aussi merveilleux, oir pourrait dire miracu-
leux? Pasteur prend une goutte de Sang de l’aniîuàl
malade, il-l'examine au microscope: il peut voir s’agiter
sous ses yeux une multitude d’êtres infiniment petite,
mesurant quelques millièmes de millimètre: ils sont
de forme et d’espècé variées ; il faut les isoler ; il faut
de plus les distinguer par d’autres caractères, car ia
forme le plus souvent ne suffit pas-: ils sont en chape-
lets, en virgule, en oc dé chiffré, en bâtonnets, en spi-
rilles, etc., on eomprendJiycpnfusjQn, .si ces,, quelques
"formés doivent s’appliquer a "des milliers d’êtres.
Pasteur constate que chacun d’eux a son milieu de
prédilection : tel microbe se développe mieux dans un
bouillon de poule, tel autre dans la gelatine, un 31" dans
l’agar-agar, etc., etc. d’où un moyen de les distinguer
parce cpi’oirappelle le milieu de culture.
Il parvient a isoler le microbe et pour s’assurer que
e’est bien là la cause do la maladie, il l’inocule à des
animaux et ceux-ci reproduisent identiquement le
tableau de la maladie.
Au cours de ces études, il remarque que le microbe
dans des eultures'successivoss’attenue, c’est-à-dire perd
do sa virulence, mais il conserve cettè propriété singu-
lière : de mettre le sujet à l’abri delà maladie contractée
soit spontanément, soit par contagion.
Comme nous nous préservons de là variole par le
vaccin, nous préservons par les inoculations vaccinales
de Pasteur, nos bœufs, nos moutons, nos porcs et nos
poules contre les épizooties les plus meurtrières.
Avant Pasteur, nous étions désarmés et le fléau sé
vissait frappant assez sérieusement la fortune publique ;
aujourd’hui le fermier, l’éleveur, peuvent, grâce à la
vaccine préventive, protéger efficacement leurs trou-
peaux.
Nul ne peut mettre en douté ces heureux résultats et
ces épizooties auront disparu au profit de l’alimentation
publique quand, mieüx éclairés et moins rebelles aux
innovations scientifiques, les détenteurs de bêtes con-
sentiront aux pratiques de l’innoculation préventive.
Devons-nous nous étonner delà résistance que la
méthode nouvelle rencontre chez nos fermiers, quand
nous voyons encore aujourd’hui, après un siècle d’ex-
périéneo, la vaccine repoussée par quelques-uns et non
des moins intelligente que la craignent à l’égal de la
variole ?
Il manquait à Pasteur la gloire d’appliquer sa
méthode aux maladies do l'homme ; l’occasion s’offrit
bientôt : Etudiant la rage chez les animaux, il appliqua
sa méthode d’atténuation : la virulence de la maladie
ne faiblissait pas bien qu’il eut soin de transporter la
matière virulente successivement à travers une série
de sujets; il opérait sur des chiens et des lapins ; il eût
l’idée d’inoculer le singe et de reprendre a celui-ci la
matière virulente ; chose admirable, il put constater
que l’inoculation au chien non seulement ne donnait
pas la rage; mais encore mettait l’animal à l’abri de
cette maladie.-
II avait découvert le vaccin préservatif de la rage.
Aujourd'hui, chacun le sait, les personnes mordues
par des animaux enragés : chien, chat, loup sont en-
voyées à l’Institut Pasteur où elles sont soumises à des
inoculations préservatrices: de nombreux succès sont,
rapportés chaque jour et n’en déplaise à Bt-fiubei't,
Pasteur guérit les malheureux atteints de la rage.
Nous croyons utile de combattre un préjugé trop gé-
néralement répandu, en notant ici ce fait qui étonnera
bien des gens : c’est que l’homme atteint ue la rage ne
peut donner la rage, fut-ee par des morsures.
Je m’excuse d’avoir si longuement parlé de Pasteur ;
m us au moment où des esprits prévenus voudraient
ravir Ta' gloire du savant français pour en revêtir
abusivement le savant allemand, il-est de toute justice
de revendiquer- pour Pasteur l’œuvre de génie qui
montre la voie à suivre, voie où d’autres, comme Koch,
pourront s’engager non sans gloire, mais sans jamais
éclipser lé'maître.
Cotte justice et cet hommage rendus à Pasteur, nous
sommes bien à l’aise pour apprécier le haut mérite de
Koch ; ce n’est nas d'aujourd'hui que nous avons appris
à connaître l'illustre professeur île Berlin ; l’un des pre-
miers et aussi le plus grand parmi les continuateurs
de Pasteur, il s’appliqua à la recherche des microbes
dans les maladies de l’homme -, -il trouva des procédés
nouveaux inconnus au savant français : procédés adop-
tés aussitôt avec faveur dans les laboratoires, qui con-
tribuèrent à développer la connaissance des microbes ;
e’est Koch qui découvrit le microbe du choléra ; chacun
sait qu’il fut envoyé en mission en Egypte, puis a:>x
Indes pour étudier le choléra ; c’est dans les eaux du
Gange qu’il trouva le microbe eii virgule qui propage la
maladie.
La science lin doit aussi la découverte ttu microbe de
la tuberculose, et c’est au: cours de ces études qu’il
découvrit le remède dont on parle tant aujourdhui
sans! le connaître et bien que Koch lui-même ne puisse
encore rien dire de positif sur son efficacité.
nr i.éox ru.
Les souvenirs de M. de Blowitz.
M.dc Blowitz, le célèbre correspondant du Times,
nous raconte comment il est devenu journaliste. En
janvier 1871, il avait eu quelques rapports avec
•M. Tliiers. Il habitait Marseille. On sait les évène-
ments insurrectionnels qui ne devaient pas tarder à
se produire dans le chef-lieu des Bouches-du-Rhône.
Le futur correspondant du Times occupait, nous
dit-il, sur la place de la Bourse, une maison à lui ;
il y avait pour locataire M. Ternand, directeur de la
Compagnie orientale des télégraphes, lequel recevait
ses dépêches par le fil officiel et les transmettait à
Oran par câble sous-marin particulier. Cette cir-
constance suggéra à M. de Blowitz J-idée de se
mettre eu communication secrète avec le dehors par
le moyen d’un fil spécial. Il lit accepter celte idée à
son locataire. Les travaux échappèrent à l’attention
de la Commune de Marseille, qui surveillait étroite-
ment la poste et le télégraphe.
Il devint donc possible à M. de Blowitz de rester
en relations directes avec M. Thiers. C’est ainsi
qu’il reçut pour le général Espivent. de la Villebois-
net, qui s’était retiré à Au bagne avec ses troupes,
l'ordre d’agir sans délai et de reprendre à tout prix
possession de la préfecture de Marseille. L’opera-
tion ayant réussi, M. de Blowitz partit pour Ver-
sailles, afin d’en apporter-le détail à M. Thiers.
Il s’attendait à être reçu â bras ouverts. C’est à
grancl’pejne qu’ü parvint à voir M. Barthélemy
Saint-Hilaire, d’abord, puis enfin le chef du pouvoir
exécutif: La première fois qu’il y parvint, « M.Thiers
était -dans son cabinet, au milieu d’un entassement
de eartes, à genoux sur un plan de Paris. Il ne leva
même pas les yeux, et M. Barthélemy Saint-Hi-
laire se tournant vers moi me dit : «. Quel straté-
gistel... » A ce mot, M. Thiers,détournant la tête,
me reconnu t, et sans changer dé posture : « Ajhï
vous voilà!... Vous arrivez de Marseille. C’est fini
là-bas et vous venez me conter l’affaire... Allez voir
Cahnon. Je n’ai jamais le temps maintenant. Je ne
puis m’occuper que de Paris... » Et s’adressant à
Saint-Hilaire : -« Dites à Calmon de bien écouter
ce qu’il lui dira et de mele répéter, » Puis il se re-
plongea dans son plan.
A la suite de cette entrevue, M. de Blowitz en ont
d’autres avec M. Thiers, qui l’invita formellement,
dit-il, à ne pas quiter pas Versailles. .
« Au cours de ces visites, il paraissaitécouter avee
plaisir ce que je lui disais des hommes et deschoses.
Lui-inème, il se laissait aller parfois à penser tout
haut en ma présence. C’est ainsi que je. connus
. avant tout le monde son intention demettre le géné-
ral de Cissey aummistère de la guerre.Quantà moi,
pour ne pas arriver les inaifis vides .et ajouter quel»
que élément d’intérêt à ces conférences, je pris Fha-
oitude de suivre de près les incidènts . du siège de
Paris, de.me porter régulièrement,sur les ügnes
d’attaque et de noter tout ce qui se passait. »
C’est ainsi que M. de Blowitz devint le porteur
d’une grosse nouvelle :
« Le dimanche 21 mai* je m’étais rendu à Brimbo-
rion,Qù une. batterie avai t été établie, sous les ordre s
du commandant La Tfeobnére. Gel officier s’en
Jacques laissait éclater la joie dé sa jeunesse victo-
rieuse, miraculeusement retrouvée.
— Cela va tout à fait bien, Jacques? demanda le
prince.
— Tout à fait, dit le jeune homme, comme vous
voyez.
— Honneur à ce. climat qui vous a rendu à vous-
même et à nous, car vous étiez un bon vivant et
vous le redeviendrez...
Le jeune homme s’adossa à la colonne, auprès de
Patrizzi, et, laissant errer ses yeux sur la foule bi-
gai’rée qui s’écoulait bruyante :
— Et je jouis de la vie, mon cher prince, dit-il
avec ardenr, comme un homme qui s’est cru près de
la perdre. Vous n’avez jamais été gravement ma-
lade, vous ne connaissez pas la langueur mélanco-
lique qui s’empare peu à peu de l’esprit, à mesure
que les forces du corps décroissent. Il semblerait
qu’un crêpe voile la nature entière, tant on voit
toutes choses sous un aspect sombre et désolé. Les
moments heureux sont empoisonnés par la pensée
qu’ils seront peut-être les derniers dont on pourra
jouir, et plus ce qui vous entoure est beau, paisible,
plus on est tenté de le maudire et de l’execrer. J’ai
passé par là, vous pouvez m’en croire : rien n’est
plus atroce et plus douloureux. Aussi, maintenant,
après être sorti de l’enfer, je suis dans le paradis.
Tout me plaît, me séduit et m’enchante. J’ai appris
à connaître le prix du bonheur et je sais en jouir.
Le soleil me paraît plus doux, Tes fleurs plus parfu-
mées, les femmes plus séduisantes... En moi, il y a
tout un éveil d’admiration qui se fait, délicieux et
puissant... J’ai failli mourir... Et ç’est de là que date
vraiment mon amour de la vie !
— A la bonne heure! fit Patrizzi, c’est plaisir de
vous entendre. Mais votre guérison est vraiment
admirable. J’y songe... Que nous a-t-on raconté de
merveilleux à ce sujet? Ne vous a-t-on pas fait pré-
sent d’une àme toute neuve? Davidoff prétendait
que ce n’était plus vous qui viviez, mais votre ami
Laurier. Et il ajoutait que vous aviez de la chance,
car Pierre étàit deceux dont on fête le centenaire!...
Le prince eut un éclat de rire qui fit pâlir Jacques,
au front duquel une légère sueur perla :
— Je vous en prie/dit le jeune homme, ne parlez
pas de cqla. Vous me faites beaucoup de peine. Lau-
rier était mon compagnon d’enfance, et sa perte sera
bien longtemps ressentie par moi. En tout cas, si je
vivais à sa place, le monde n’aurait pas gagné âu
change, car Pierre était un artiste d’un incompara-
ble talent, et moi je ne serai jamais qu’un inutile.
En prononçant cés paroles, d'un ton saccadé et
fébrile, la pâleur de Jacques s’était accentuée. Ses .
yeux se cernèrent et son visage, ; soudainement, se
contracte jusqu’à faire saillir ses pommettes et ses
dents. Il fut pris d’une sorte de tremblement, comme
s’il avait la fièvre. Il mordit ses lèvres blêmes, et
s’efforça de sourire. Mais, pendant une minute, ainsi
que dans une funèbre vision, il offrit à ses amis, au
heu de l'apparence d’un être bien portentet joyeux,
l’image macabre d’un agonisant.
Au bout d’un instant, le sang remonta aux jones,
le regard se réveilla, là bouche sourit, et Jacques
i redevint ce qu’il était à son entrée : brillant et
superbe. Il sembla vouloir se soustraire à une im-
pression pénible, et, faisant quelques pas, il s’écria
avec une gaieté un péii forcée :
— Quelle adorable soirée, et bien faite pour le
plaisir ! Au dehors tout est bruit et joie, et ici tout
est chàhne et séduction.
Comme il achevait de parler, un domino blanc,
se détachant d’un groupe, s’approcha de lui et d’une
voix déguisée : .
— Charme et séduction? Voyons un peu si tes
actes' seront d’accord avec tes pàrôlés. ,
Par les trous de'Son masque, le doinino attacha,
sur Jacques, un regard étincelant. Le jeune homme
sentit un bras souple se, glisser sous le sien. Il ne
résista pas, et, gaiement
— Tu es en veine d’expérience, ma belle ? de-
manda-t-il. Eh bien! charme-moi et je séduirair
L'un ne sera, sans doute, .pas plus difficile que l’autre.
Le domino lui donna, de son éventail, un cares-
sant soufflet sur la joue et répliqua :
— Je te pardonne l'impertinence, en laveur du-
compliment ! ......
Jacques.jeta à ses amis un malicieux sourire et se
perdit dans la foule avec sa. conquête. -. ...
— Eh bien ! Patrizzi, vous qui les devinez toutes,
noinmez donc la femme ;qui. vient de nous enlever de.
Vignes? •
— Parbleu ! si ce n’est pas Clémence Villa, queLe ,
diable m'emporte ! ,
— Elle a ou vite fait d’offiilier ce.p;uivfe;La.urjat>,.
dit un de ceux qui entouraient le prince.
— Mais Jacques ne l;a pas oublié, lui, Avoz-vo.us_
vu son angoisse quand je lui ai parlé de son ami ?
.Son visage, l’instant d’avant, souriant, fraîs.et rose,_ _
a, grimace et s’est décomposé. Il était effrayant." On
eût dit une tête de mort fardée. Noire ami Davidoff,
vous en souvenez-vous, nous avait dépeint, avec
«ne très curieuse précision, l’état moral de ce malade
sauvé par la confiance. L’édifice de cette guérison
est fragile, concluait-il. Un mot suffirait à le dé-
truire. La conviction si passionnée qui a ranimé
Jacques, venant à s’aflàiblir, il retomberait aussi
bas, plus bas môme que nous ne l’avons vu .. C’est
une espèce de sortilège qui agit sur lui... Il est pos-
sédé d une idée, et cette possession lui. donne une
force prodigieuse.
— C’est ce qui assure le succès des charlatans, des
empiriques, des docteurs exotiques à rosettes multi-
colores, à baronnies suspectes, qui spéculent sur
l’ardent désir dés malades d’ètre rassures.
— Et puis, il y a aussi les faux malades, qui-se
remettent très facilement, et notre ami de Vignes
paraît être de ceux-là.
Patrizzi hocha la tôte, et gravement :
— Je le souhaite pour sa mère.
Une exclamation bruyante lui coupa la parole.
Une bande de masques faisait une poussée dans la
foule, au milieu des exclamations et des éclats de
rire. Le groupe, dont leNapoli tain formait le centre,
s’ouvrit, et chacun des jeunes gens s’éloigna au grc
de son plaisir.
Jacques, ayant au bras sa campagne de rencontre,
avait suivi le couloir des loges, examinant curieu-
sement la femme masquée et encapuchonnée qui
l’entraînait d’un pas rapide, comme si elle craignait
d’ètre reconnue et interpellée. Arrivée devant la
porte d’une avant-scène, elle frappa deux coups secs
contre le bois. Une autrefemme ouvrit et,s’effaçant,
avec un silencieux sourire,- les laissa entrer. Puis
discrètement elle sortit et. ferma la porte.
Dans le salon qui précédait la loge, Jacques et lé
domino se trouvèrent en présence. Lejeune homme
■s’approcha de sa compagne, et lui passant le bras
autour de la taille, il essaya de faire tomber son ca-
puchon et de déranger son masque.Mais elle cambra
son buste avec souplesse, appuya à la poitrine de
Jacques les rondeurs de sa gorge, puis, tournant sur
lé talon de ses petits souliers, avec un bruit de soie
,.froissée, elle s’échappa, et le nargua, debout à trois
pas de lui, les yeux luisants par les trous du satin
et les dents étincelantes sous la barbe de dentelle.
. Elle était si tentante, ainsi, qu’il s’élança,-la saisit
de nouveau, et, approchant de ses lèvres la bouche
provocante qui se plissait voluptueusement, il lui
.clônna un baiser qu’elle lui. rendit, .
Il voulu t la retenir, mais elle glissa, une seconde
fois, hors de son étreinte, et s’avançant vers le de-
vant de la loge, elle dit, d’une voix toujours déguisée,
et en le menaçant du doigt ;
allait à Versailles ; il me conduisit à trente métrés
de la batterie, dans une casemate qui n’était pas
utilisée et d’où l’on dominait Paris, Une jeune Amé-
ricaine s’y trouvait déjà et regardait au loin, par une
meurtrière. Nous entrâmes en causerie. Soudain, la
jeune dame, qui venait de reporter ses yeux vers les
fortifications, s’écria : « Qu’est ceci? Regardez. On
» dirait que quelqu’un agite un drapeau blanc sur
«le rempart...» Je pris une lorgnette et j’aperçus,en
effet, un drapeau blanc vivement agité, sans doute
au bout d'un bâton invisible. Au même instant, un
mouvement se produisit parmi les soldats, campés
sur les deux rives de la Seine, et je distinguai de
longues files se formant et se mettant en marche.,,
» Aussitôt, ledémon du journalisme s’empara de
moi. Je me tournai vers la jeune Américaine, que je
n’ai jamais revue depuis, et puisse-t-elle me par-
donner : « Madame, veuillez rester ici, lui dis-je, et
« être assez bonne pour noter attentivement ce qui
a se passe. Je serai deretour dans une demi-heure. »
Sur quoi, Je quittai en courant la casemate, je rega-
gnai la route de Sèvres, où j’avais laissé mon fiacre
et .je dis au cocher : «A la préfecturede Versailles !...
» Un bon pourboire, si vous prenez le galop... » Il
fit ce que je voulais,.. Par unechance unique,comme
j’arrivais à la préfecture, M. Thiers en sortait pour
sa promenade quotidienne en voiture; je ne fis qu’un
saut Vers lui « Monsieur le président, les troupes
» entrent â Paris » ! lui dis-je. Il tressaillit ; « D’où
« arrivez-vous donc? demanda-t-il. — De Brirnbo-
» horion/. Un homme agitait un drapeau blanc sur
» le rempart et les troupes le franchisssaient... —
» Bonne nouvelle, dit M, Thiej s, en reprenant son
» calme. Quelle heure était-il ?... — Environ quatre
» heures. — C’est bien cela,., on pouvait manquer
« de ponctualité et j’attendais la nouvelle, mais
» gardez-la .pour vous... C’est entendu, n’est-ce
» pas?.,, «
« Il me laim, mais, dix minutés plus lard, je le
voyais partir (éri voiture;, accoinpàgqé de deux offi-
ciers dé sa maison militaire, et prendre" an-gaiop la
route de Pttris,..- Le lendemain, tout le monde sa-
vait;.que l’armée de Versailles avait franchi le rem-
part. »
M. de Blowitz revit M. Tliiers quelques jours plus
tard. . . . : ;. ;.
“ Il ne m’avait pas remercié .de ma nouvelle ei
avai t préféré avoir l’air (te l'attendre. Mate, en réa-
lité, il me .savait beaucoup de gré de l’effort que j’a-
Vais fait pour qu’jl la (sùt îè premier. Aussi nie fit-il
raconter toute l’affuiro dans les moindres détails et
parut-il mmisé du stratagème que j’avais fnis en-
œuvre pour faire rester ht jeune dame ânïéricaine
dans la casemate. Après Un instant de silerice, ff:me
dit: « Vous êtcsiint, évidemment, pour 1e départe-
ment. des Dernières nouvelles. Avant un jour ou
deux, nous reparlerons de votrq carrière à venir. »
M, de Blowitz corite ensuite que, dans «ne ' nou-
velle entrevue, M. Thiers lui promit le consulat gé-
néral de Riga, « comme point, de départ, -et pour
mettre le pied à l'étrier, » Mais il comptait sans
son hôte, et, les bureaux opposèrent une résistance
déterminée à la nomination projetée. Des jours etdes
semaines s’écoulèrent. M. de Blowitz fit dans eet
intervalle, chez des amis anglais, la connaissance
de M. Laurence Oliphant, alors correspondant du
Times, et un jour que le collaborateur attitré de M.
Oliphant se trouvait obligé de s'absenter, on offrit à
M. de Blowitz de le suppléer,
« Je nie.déclarâi prêt à accepter l’offre qui. m’é-
tait faite, mais en exprimant d’abord le désir de
voir un niilnéro dû Times. Tout le monde se regarda,
avec stupéfactioii. — « Quoi ! s’écria Oliphant,
» vous ne connaissez pasie Times? — Excusez-moi,
» je sais fort bien ce qu’est le Times. Un de mes
» amis de Marseille, M. de Prat, ne manque jamais
» de dire, s’il prend part à une discussion politique :
» Vous ne contesterez pas ceci ou cela, c’est dans le
». Times! » Et le mot est devenu proverbe dans
notre cercle. Mais je vis depuis si lougtemps dans
le Midi, que je n’ai jamais vu un numéro du fa-
meux journal a.
M. Oliphant se mit à rire, alla dites son cabinet
chercher le numéro du jour et l’étala devant M. de
Bknvitz, qui promit d'apporter ses renseignements.
Le lendemain, il alla voir M. Thiers qu’il trouva
très irrité contre l’Assemblée.
« 11 accusait les royalistes de perfidie, les-républi-
cains d’ingratitude et les bonapartistes d’impudence.
Je ffiosai pas lui parler des nouvelles fonctions que
j’avais acceptées et, mè retirant, je me sente»
assez déconfit, de ne rapporter aucune nouvelle.
Mais tout à coup, réfléchissant à ce que venait de
me dire M.Thiers, j’en fis une noté que j’edvoj’ai
à M. Oliphant. Celui-ci s’en déclara enchanté.
« Vous m’avez adressé une excellente dépêche, me
dit-il, et je n’ai.pas eu un mot à y changer. Vous
ôtes né journaliste. » C’est ainsi que fut expédiée
ma première dépêche au Times. Le lendemain, sur
le boulevard, en achetant un journal parisien, j’çus
la surprise et le plaisir.de voir reproduites en Der-
nières nouvelles les lignes dont j’étais l’auteur.
Tous les journaux du soir les répétaient avec la
môme formule : « Une dépêche de Paris au Times
dit que M. Thiers... » C’est une des plus fortes émo-
tions de rna vie. La puissance du télégraphe asso-
cié à la presse éclatait à mes yeux à cette minute
même, et je compris ce qu’on en pouvait faire. Je
résolus de-rester à Paris et d’ètre jouniaüste. Sans
plus larder, j’écrivis à ma famille de venir me re-
joindre. Quand nia femme, apprit ma résolution,
elle en fut stupelqite.çt je puis bien dire qu’elle en
éprouva du chagrin, en vraie fille.de fonctionnaire,
étrangère au. mondé, de la presse. Mais elle vit
bientôt'qu’il n’y av;ut pas à revenir sur un parti
bien arreté chezteioi. r '
» Le lendemain dù jour où parut ma première
dépêche, je m’é.tais rendu chez M, Thiers, non sans
quelque appréhension. 11 m’attendiut avec impa-
tience. « Ditefe-înoi, me ffit-il 'vlvemèhî, comment le
a Times et après lui tous les joui naux français ont
« pu connaître la conversation que j’ai eue avec
« vous seul ? » II n’y avait pas à hésiter. Je lui dis
la vérité. .Ce fut un vrai coup de- théâtre. D'emblée,
il vit la force que pouvait devenir pour lui cette ma-
nière . indirecte et frappante de placer ses idées
devant le public. Peut-etre ne l'ût-il pas fâché non
plus de voir finir la lutte qu’il soutenait vainement
contre lés bureaux pour me taire donner le consu-
lat promis... Quoi qu’il en soit, il me fournit tous les
éléments d’une deuxième dépêche, que je m’empres-
sai d’appqrter à Al. Oliphant. .«
C’est, ainsi.Qqe .AL.,de Blowjtz devint le porte-
parole de M. Thiers auprès de ja presse européenne.
Le Times, très sa'tisfail de ses services, transforma
bientôt en fonction permanente cequi n’avait d’alxml
été qu’un intérim. Plus tard, erffin, M. de Blowitz,
étant entré en rapports personnels avec M. Détenu,
succéda définitivement a M. Oliphant et. fut chargé
d’organiser à Paris, en 1874, le bureau central des
dépêches qu uri fil spécial transmet toutes les nuits
au grand journal de la Cité.
— Soyez sage, ou je ..vous, renvoie à-vos amis.
— Comment voulez-vous qu’on soit sage au-
près de voqs ? s’écria-t-il, en souriant. Demandez-
inoi des choses faisables, mais non des choses im-
possibles-?
— Il faudra cependant que vous m’obéissiez, ou je
m'en vais, et nous ne nous reverrons plus.
— Et si je Consens à tout ce que vous exigez, nous
nous reverrons donc?
— Certainement,
Elle s’assit sur le divan de la loge, et se renversa
en arrière, laissant voir, entre son masque et son
domino, un cou d’une blancheur mate, et, sous les
ruches de son capuchon, une oreille délicate et co-
lorée comme une rose. Il se plaça auprès d’elle, avec
une respectueuse froideur, quoiqu’il tremblât de dé-
sir, tant cette séduisante-et mystérieuse créature
avait, en quelques minutes, réussi à troubler ses
sens. Il lui prit la main et doucement ja déganta,
puis il porta les doigts-fuselés ét Mânes à sà bouche,
et commença à les baiser, l’un après l’autre, avec
une caressante dévotion. Lentement il gagna le
poignet, et appliqua ses lèvres sur là naissance fine
et satinée du bras, montant jusqu’à la saignée,
effleurant de la caresse de sa moustache cette chair
qui se moirait d’un frisson léger.
Ils restèrent ainsi, pendant quelques seconder, les
yeux vagues, n’osant se regarder, les oreilles occu-
pées du tumulte de l’orchestre qui déchaînait .scs
instruments dans unquâdrille furieux. Le bruit, des
pieds frappant le plancher en cadence, les cris, les
rires violents des danseurs, emplissaient la salle
d’un joyeux vacarme, Et, au fond de cette loge
obscure, tout près l’un de l’autre, Jacques et. (a
femme masquée étaient dans une absolue solitude,
plus libres que si le silence eût régné, que si Te vide
se fût fait autour d’eux. Très bas, et d’un ton câlin,
il dit : .
— li me semble que vous ne in’èles pas inconnue,
et que je me suis déjà IrouvécH votre présence, Ne
voulez-vous pas montrer Votre visage ?... Vous
n’avez, j’en suis sûr, qu’à y gagner. Vous êtes jeune,
certainement jolie... Avcz-vousdoncdes motifs pour
vous cacher ?
Elle baissa affirmativement la tète. .
— .Même de moi l
Elle fit encore oui.. Mais sa main moite eût une
pression plus vive; et sa paume frémissante s’atta-
cha à celle dejacques.
(A continuer. |