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150 LA BELGIQUE.
fendillent les planchers ; mais lensemble est demeuré debout, semblable à une relique
précieusement conservée. J'en ai vu de ces maisons, rapiécetées comme des habits de travail
des planchettes bouchaient partout les trous, formant une chape de losanges et imitant de
laborieuses reprises; des clous, en grand nombre, comme des points d'aiguille, tentaient de
conjurer la dislocation finale. Quelquelois la masure était surmontée d'un toit qui, au prin-
temps, se changeait en jardin, sous le ver-
doiement des floraisons sauvages et le pépie-
ment des jeunes couvées.
I en est, parmi ces vieilles demeures,
qui ont mieux résisté au temps : on vous
montrera, en un retour de la place, un pignon
à tourelles approprié en musée; ailleurs, quai
aux Avoines, un groupe de trois maisons
épaulées l’une à l'autre et dont l'architecture
est bien faite pour amuser les yeux. Celle du
milieu, en pierre et en bois, figure une série
d'étages séparés par des poutrelles horizon-
tales ; chaque étage à son tour se subdivise
en compartiments où s'intercalent les fenêtres,
quadrillées de vitres à meneaux de plomb.
Trois cariatides satyriques se campent, au-
dessus de la porte, en postures correspon-
dantes au nom de la maison : « Duyvelsgevel »
ou Maison du Diable; d'autres figures sculp-
tées, d’une tournure cynique et grotesque,
s'accrochent encore aux angles de l’entable-
INDE CLEYNEN ment par delà lequel s’aiguise le toit. A
LAN LFSTAMINET |
gauche, un pignon anguleux coiffe une
construction formée de deux arcades super-
posées, l’une et l'autre festonnées de guir-
landes et de rinceaux sous lesquels des hauts
reliefs, hardiment façonnés et bariolés de pein-
lurages crus, font bosser en modelés mafflus
un « Adam et Eve au paradis » formant
pendant à un « Adam et Eve chassés du
paradis ». La troisième maison, celle qu'on
désigne sous le nom d°' « Hôtel de l'Enfant
MAISON DU SAUMON. prodigue », très ornementée à sa partie supé-
rieure, masse ses oves, ses entrelacs et ses
pilastres par-dessus les encorbellements d'un rez-de-chaussée agrémenté de figurines dans les
tympans. Visiblement l'enseigne et les sculptures se rapportaient à la destination intérieure ;
les béatitudes d'Adam et Eve au paradis symbolisaient les joies grasses et l'accueillante hospi-
talité qui attendaient le passant de l’autre côté du mur.
Quai au Sel, la maison du Saumon « In den grooten Zalm » se reconnait à l'énorme
poisson d’or banderolé qui Sallonge au-dessus du seuil. L'habitation est fastueuse, d'une
ordonnance régulière et riche qui trahit la renaissance italienne. De grands pilastres, appuyant
la retombée des encorbellements, encadrent les hautes baies carrées des fenûtres :
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