Full text |
LA BELGIQUE.
IT
Les églises. — Saint-Rombaut. — La chaire de vérité et le « Ghrist en croix », de Van Dyck. — La « Pêche miraculeuse »
>s Ég : É aut. : + Û
et l’«Adoration des mages », de Rubens. — Saint-Jean. — Notre-Dame.
Entrez un matin de dimanche à Saint-Rombaut : jusque sous les porehes la foule se
presse, attentive au geste de l'officiant, les épaules courbées, les têtes oscillant avec lenteur
dans l'immense vaisseau où résonnent les orgues; et vers les voûtes montent les fumées
violettes de lencens, voilant l'or des tabernacles. Cependant, sous la brume ondulante des
assolettes, s'aperçoit la pompe du vieux catholicisme flamand ; les chasubles, les ostensoirs,
les autels, les verrières s’allument et rutilent ; une flambée sombre transforme le chœur
en un étincellement de dorures et de pierreries. Et toujours les mains égrènent les cha-
pelets ou font tourner les feuillets des livres d'heures, tandis que les yeux, haussés vers
la théorie lumineuse des diacres déployée entre les colonnes de marbre, plongent avec une
curiosité vague dans les orbes flamboyants que tracent en évoluant leurs dalmatiques sur-
chargées de broderies. Dans la lumière des hautes fenêtres et le resplendissement des vitraux
scintillent le cuivre et l'argent, en trainées de flammes ailées qui montent dans l'air, vol-
tigent autour des statues dorées, ardent au fond des pénombres. bleues, et les encensoirs
braséent, les buires luisent, les fermoirs des livres sacrés rayonnent, les grands christs
d'ivoire se tachent de pourpres sanglantes. Lentement la main du custode fait glisser sur leur
tringle les rideaux verts qui masquent dans le transept septentrional le « Christ en croix »
d'Antoine Van Dyck : alors la pierre à son tour se revêt de gloire, l’agonie de l'Homme-
Dieu, magnifiée par le pinceau d'un magicien, se transfigure en apothéose, et, pareilles à
des gemmes, les larmes de la mère des Douleurs ruissellent en longs ruisseaux que des
chérubins recueillent dans des calices d'or. C'est comme une incantation qui s'accomplirait
aux paroles solennelles du prêtre. Le rouge tremblement des torchères prête dans ces
moments une vie surnaturelle à tout l'édifice : du haut de leurs consoles contournées en rocaille,
les douze apôtres de la grande nef font de grands gestes vagues sur lesquels se rythme la
salutation des saints, des évêques, des martyrs, des donateurs, pendus aux colonnes, accro-
chés aux niches, arc-boutés aux chapiteaux ; les figures des confessionnaux, à leur {our,
agitent leurs mains dans un mouvement lent de bénédiction ; le cheval de saint Paul, abattu,
les crins envolés, les naseaux frémissants, sur le rocher que domine la chaire de vérité,
tend les muscles de son poitrail, comme en l'effort d'un cabrement : et, au sommet de la
corniche en marbre noir qui domine les blanches colonnes du grand autel, un saint Rombaut
de quatre mètres de hauteur élève par-dessus la foule inclinée la croix dont le vacillement
des cierges prolonge l'ombre jusqu'aux voûtes.
Comme un musée graduellement accru par des donations incessantes, l'église métropo-
litaine, bâtie en l'an 960, si l'on en croit les chroniques, considérablement agrandie aux
treizième et quatorzième siècles, ruinée en partie en 1542 par un incendie terrible, puis
reconstruite cent ans plus tard, avec son chœur actuel, sa grande nef appuyée sur des piliers
cylindriques et son énorme tour, conception de Wauthier Coolman, étale à profusion les
chapelles, les portails, les sarcophages, les confessionnaux, les statues de saintes et de saints,
les tableaux, les verrières, les retables, les triptyques, les tabernacles, les stalles, les bancs
de communion, les cartels, les écussons, une abondance de marbres et de métaux, une |