Full text |
Anest pas facile d'ar UC iue.becker qui
se cloître étroitement, en attendant l'instant d'aller
à l'Institut cartographique la place qui lui a
dé
— Vus comprenez, m'a-t-il dit, la réserve qui |
m'est imposée, En arrivant ici, j'ai appris les bruits
contradictoires que des fumistes ou des malveillants
se sont plu à répandre sur mon compte. J'en suis à
la fois écœuré et amusé. Il m'a fallu retourner au
pays natal pour apprendre que j'ai passé, tour à tour,
pour fou, pour traître et pour déserteur.….
Ge qui me console, c’est que Stanley a passé par les
mêmes phases de racontars et de calomnies. Je
n'as point à sa vengeresse apothéose. Il me
suflira de vous affirmer que je suis en mesure de
justifier tout ce que j'ai fait ou n’ai pu faire au Congo.
@n peut ne pas être servi par les circonstances et par |
Jes hommes, comme aussi en ètre desservi. À chacun |
$es responsa s. Ce n’est ni l'heure ni le lieu pour
les établir. Comme je lai dit hier à l’avocat Van Cal-
ster, je ne relève que du Roi auquel j'expliquerai les
motifs qui m'ont poussé à donner ma démission
d'agent du Congo, mais non point d'officier de l'armée
belge...
= Et êtes-vous satisfait de votre voyage ?
ne Enchanté. Ce pays d'Afrique, si longtemps né-
gligé, est destiné à un grand avenir et ce sera l’hon-
neur éternel du Roi que de lavoir pressenti. Le bétail
y vient parfaitement, surtout à Loukongo et à Léo-
poldville, Si j'avais vingt ans de moins, j'irais planter
la vigne sur les versants, admirablement exposés, du
Bag-Congo, une Suisse africaine, mamelonnée et fer=
tile comme certaines régions du Cap, qui fournissent
le vin que vous connaissez.
Au nord, vers l’Itambiri, Ja fertilité du sol est re-
marquable. Presque tous les produits de la côte orien-
tale y abondent. J'y ai retrouvé le sorgho, le blé
cafre, cette: base essentielle de la nourriture indigène,
et le fameux pombé, bière des nègres du centre: Chose
qui vous élonnera, on y distille couramment l'antique
ab hohol des Arabes. Et cette eau-de-vie, fortement
pimentée, n'a pas volé son nom, Elle constitue un
préservatif présque infaillible contre l'anémie.
5 Mais n’at-on pas dit que l'usage des liqueurs
fortes était funeste dans ces régions brûlantes ?
— L'abus, certainement, comme en Europe, et
surtout l'abus des genièvres de Hambourg, qui em-|
poisonneraient les blancs encore plus sûrement que
les noirs. Pour moï, je me suis toujours parfaitement
bien trouvé d’un verre de genièvre, pris le soir, après
une longue marche. J'avais ayec moi un singe chim-.
jpanzé, présent de Tippo-Tippo. L'animal ayant pris!
(froid, je pensai le perdre, lorsque je lui ai administré |
quelques gouttes d'alcool. Eh bien, il en est revenu
et vous pourrez le voir fan{ôt, en parfaite santé, au
Jardin Zoologique, où je l'ai mis en pension,
= Et que pensez-vous des indigènes? Sont-ils
civilisables ?
— Ils sont, dans tous les cas, fort pratiques. Fiez- |
vous à eux pour choisir les emplacements salubres,
Là, où s'est assis un village nègre, vous pourrezsans
danger établir une station européenne. Boma, bâti
sur l'emplacement d’un ancien marché, dans le voisi-
nage d'un marais, qu'il imporlerait de dessécher,
pourrait être plus sain, Mais comme les noirs n'y
restaient guère que quelques heures, le temps de
faire leurs achats ct lours échanges, ils n'avaient
n à craindre. En {out élat de cause, il faut soi
t Feux, Du reste,
|échanpant à leur domina
rt
|
| plupart?
vietimes, une douzaine
nai en porteuses. Néanmoins, !
uait à diminuer, On les entrainait di
bois, p les bandonnant Jes me
aux }
oil ce: rbar
vérité est qu'ils ne sont maitres que dans
ges, cb imp 1ts dans les vastes solitudes |
esclaves, les massa- |
del |
|
|
cours pour l
croit pas voler en
lui le droit de 1
e suis convaincu que Tippo-lippo cb ses con-
es, représentés comme des Ligres alté esang,
d'infâmes négriers eb de trafiguants sans âme, font
tout ce qu'ils peuvent pour ramener ces malheureuses
{tribus à des sentiments plus humains.
— Vous croyez donc encore à la sincérité de Tippo-
Tippo?
—-Absolument, Je le considère comme notre plus
précieux allié, comme l’homme indispensable pour
étendre notre influence dans le Haut-Congo.
— Vous me semblez mieux portant que jamais,
après tant de, fatigues ?
| ‘— Ajoutez que je n'ai pas été malade un seul
instant.
— Et avez-vous eu là-bas de belles aventures de
chassa?
= Je vous ai dit qu'il n'y avait au Congo que fort
peu de gibier. Les léoparüs en font leur affaire. Dans
certains endroits, ils pullulent. C'est ainsi que les
indigènes qui vont, vers le soir, recueillir le vin de
palme, découlant d’une large ineision dans les cale-
basses suspendués au tronc de l'arbre, sont souvent
happés par ces redoutables animaux, et ne rentrent
jamais au compiet dans leurs villages respectifs,
— Et les éléphants ?
— Ils se massent sur certains points, de préférence
gur les plateaux, dont la terre est imprégnée de sel.
Les nègres nomment ces endroits des borzas, où
bourses, Les dorsas d'éléphants, entourées d'arbres
abattus, comme pour former barrières, et creusées de
trous profonds, sont des plus curieuses. Nous avons
souvent campé dans leurs environs, en prenant tou-
tefois la précaution de faire de grands feux, la nuit,
pour éloigner les trop curieux pachydermes.
— Vos êles restés Tongtempsiaux Falls?
— Deux mois. J'y étais fort bien vu par la popula-
tion. et comme je vous l'ai éérit, j'y ai eu occasion de
faciliter au capitaine Trivier la traversee, de l'est à
l'ouest, de l’Afrique. Pendant mon séjour, j'ai assisté
à une fête olympique dont il faut que je vous fasse le
croquis.
À l'époque des hautes eaux, lorsque Is installa-
tions de pêche sont remisées, on fait appel aux lut-
leurs des villages voisins, qui accourent, munis de
leurs lances et de'leurs boucliers, Le champ clos és
établi sur la place centrale, un long rectangle.
J
D'un coté se tiennent les lutteürs, de l'autre "là
foule, groupée jusque sur les {oits des huttes. Aux
deux autres extrémités se tiennent le chœur des fem-
mes,—et parmi elles celles qui seront le prix de la vic-
toire — et l'orchestre, composé surtout d'instruments
à percussion, Au.centre, sont les Hérauts, mestres de
camp, chargés de faire appliquer les règles de la lutte,
les mêmes, absolument, que les nôtres. Il faut que le
vaineu touche la terre des deux épaules à la fois.
À un signal donné, un des champions Géposé ses
armes et fait le tour de l'arène, mullipliant les gestes
de défi, Il soulève son pagne et montre littéralement
son derrière à ses adversaires, touche la terre de la
main, comme pour en prendre possession, et lance
des poignées de sable dans toutes les directions.
son défi est relevé et les lutteurs s'étreignent, Le
vaineu est couvert de huées et le vainqueur porté en
triomphe par les femmes, au bruit des chants et des
instruments. Faisait-on mieux en Grèce et à Rome ?
Mais n'en voila-t-il pas assez, pour aujourd'hui?
Exeusez-moi si je ne vous en dis point davantage,
Nous nous reverrons, et si la Gaxette en veut bien,
j'aurai d’autres impressions de voyage à lui commu
niquer.
Je pris congé de Becker, impatient de se remettre
au travail, car lui aussi rapporte d'Afrique des fardes
de renseignements et d'observations, dont ilse pro-
pose de faire jouir le publie.
De là, je me rends au Jardin Zoologique, où je vois
les deux singes qu'il a confiés aux bons soins du di-
recteur, Ce sont, un vigoureux chimpanzé, haut
comme un enfant, mais d’une force hérculéenne, et,
du reste, très doux, excepté pour les noirs, et un
singe papion,, très vif et très malicieux.
0 Enenreenene mnt
T6: itaïne Becker s'ét rendu jet,
vers bé l'administration du Congo, où il.a
été reçu par M. Van Eetyelde, avec lequel il s'est
entretenu assez longiemps: i à
H prépare en ce moment, pour être soumis au
Roi, un mémoire détaillé rendant comple de sa
double mission, oflicielle et officiense, et r'ésu-
mant les nombreuses observations recueillies at
conrs de ses éscurfion# dans le Haut ct 19 Bas-
Congo, ainsi qu'au SON Méridional, |
(7 Autant pour se refaire des fatigués du voyage
que pour mener à bonne fin. cé \ravail, hors dé
là portée des interviews, il Va s'isoler pendant
une huitaine de jours en pleines sapinières cam
pinoises. i \
? |