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JURISPRUDENCE
Un jugement relatif à la propriété artistique
e Tribunal civil de Gand vient de juger une
question intéressante en matière de propriété
intellectuelle.
Dans le cours de l’année 1877, le sieur X...,
architecte, fut chargé de dresser les plans rela-
tifs à la reconstruction de 1 église de Vosselaere.
Ces plans reçurent l’approbation du Conseil de fabrique et
du Conseil communal ; le 15 mai de l’année suivante, il fut
procédé à l’adjudication des travaux ; celle-ci n’ayant pas été
approuvée par le Ministre de la justice, il n’y fut plus donné
suite, lorsqu’en 1888, la commune s’adressa à un autre
architecte, et lui demanda d’exécuter de nouveaux plans pour
la restauration de ladite église.
Le projet reçut, à son tour, l’approbation des autorités;
une nouvelle adjudication des travaux eut lieu, malgré l’op-
position du premier architecte, le sieur X..., qui soutint
que les plans nouveaux n’étaient que la copie des siens.
Cette protestation étant demeurée sans effet, le sieur X...
assigna la commune devant le Tribunal de première instance
de Gand, qui, après avoir entendu M. Wouters, substitut, en
de remarquables considérations, rendit la décision suivante :
« Attendu qu’il résulte de la comparaison des différents
plans et pièces versés aux débats et communiqués entre par-
ties que le défendeur a copié les plans dressés par le deman-
deur, en 1868 et 1877, pour le compte de la commune de
Vosselaere ; qu’il est établi aussi que la commune défenderesse
a communiqué ces plans au défendeur, et a approuvé la copie
que ce dernier en a faite pour servir à l’adjudication des tra-
vaux de restauration de la tour de l’église ;
« Attendu que l’architecte, qui confectionne un plan, con-
serve sur cette œuvre son droit d’auteur, avec cette restriction
toutefois, qui découle de la nature même des choses, que la
partie, pour le compte de laquelle le plan a été confectionné,
a le droit de le faire exécuter sans le concours de l’architecte ;
« Qu’en effet, la conception artistique d’un monument et
la surveillance des travaux d’exécution, sont choses essentiel-
lement différentes, et supposent des aptitudes et des qualités
distinctes ; qu’il serait irrationnel de supposer que le choix de
l’architecte, pour la confection des plans, implique l’engage-
ment de lui laisser surveiller les travaux ; qu’il faut admettre,
au contraire, qu’à moins d’une stipulation formelle, la com-
mune intention des parties contractantes est que l’architecte
n’est pas de plein droit chargé de la surveillance des travaux
dont il a fait le plan ;
« Que cela est si vrai que dans l’arrêté du conseil des
bâtiments civils près le Ministère de l’Intérieur, en date du
12 pluviôse an VIII, l’on évalue séparément les honoraires
des architectes dus à raison de la confection des plans, et ceux
dus à raison de la direction et surveillance des travaux ;
« Attendu qu’il suit de ces considérations que la commune
de Vosselaere pouvait faire exécuter par un tiers les plans
dressés par le demandeur, sauf à payer à ce dernier les hono-
raires qu’il avait mérités, mais qu’elle n’avait nullement le
droit de laisser copier les prédits plans par le défendeur et de
les présenter en son nom ;
« Attendu que le défendeur avait encore bien moins le
droit de copier l’œuvre du demandeur et de la faire sienne ;
« Attendu qu’en agissant ainsi les défendeurs ont porté
atteinte au droit d’auteur du demandeur, qui a créé une
œuvre originale, entièrement distincte des travaux antérieurs
de M. l’architecte Minard;
« Que le préjudice qui lui a été causé par ce fait peut être
équitablement évalué à la somme de 200 francs ;
« Par ces motifs,
« Le Tribunal condamne les défendeurs à payer conjoin-
tement et solidairement au demandeur la somme de deux
cents francs à titre de dommages-intérêts ; déboute le deman-
deur de son action, en tant qu’elle a pour objet de faire dire
pour droit que la commune défenderesse ne pourra pas faire
usage, sans son concours et consentement, des plans et dessins
qu’il a faits pour le compte de la commune défenderesse ;
rejette toutes conclusions plus amples ou contraires ; con-
damne les défendeurs aux dépens. »
On le voit, ce jugement consacre, une fois de plus, la pro-
priété des conceptions d’architecture, et, à ce point de vue,
ne fait que reproduire la thèse déjà admise par le Tribunal de
Liége, le 12 novembre 1883, relativement au procès intenté
par M. Beyaert, à la Revue d’Architecture.
Mais, nous ne pourrions admettre la doctrine de cette
décision, lorsqu’elle prétend que le propriétaire qui charge un
architecte de la confection des plans, a le droit de les faire
exécuter sans le concours de cet artiste, par un de ses con-
frères, en payant au premier les honoraires de 1 1/2 p. c.
Ainsi que nous l’avons fait remarquer (voir Protection des
Œuvres de la Pensée, tome I, Dessins et conceptions d’architec-
ture), souvent, dans la pratique, des propriétaires font la com-
mande de plans importants à un architecte pour confier plus
tard, par simple caprice, à d’autres l’exécution du travail.
Si l’artiste a reçu les honoraires fixés par l’avis du conseil
des bâtiments de pluviôse an VIII, c’est-à-dire 1 1/2 p. c.
pour plans et devis, il ne serait pas recevable à s’opposer à
l’utilisation de ses plans, dont le but était la construction même
de l’édifice.
Mais, en est-il de même, dans le cas où l’artiste évincé
refuse tous honoraires, ne voulant pas laisser, au premier
venu, la mise à exécution de son œuvre?
N’aurait-il pas le droit de s’opposer à cette exécution? Nous
croyons l’affirmative certaine : l’architecte ne dresse les plans
d’un édifice qu’en vue de la direction des travaux, dont les
honoraires, y compris la vérification des mémoires, sont de
3 1/2 p. c. sur le prix total de la construction.
Dès lors, comment admettre que, moyennant la rémuné-
ration de 1 ou 1 1/2 p. c. pour les dessins, rémunération tou-
jours insuffisante lorsqu’il s’agit d’une œuvre artistique qui a
nécessité de nombreuses études et souvent de grands frais, le
propriétaire puisse user de ces dessins qui ne seront pas
rétribués comme ils le méritent, et confier à d’autres la con-
struction même, en leur donnant ainsi le bénéfice afférent à
la direction des travaux et à la vérification des mémoires ?
Ce serait là un principe peu équitable. En second lieu, les
plans et l’édifice construit sont, dans l’œuvre réelle de l’archi-
tecte, choses inséparables ; combien ne voit on pas d’œuvres
remarquables, dans l’abandon du dessin, perdre toute leur
valeur dans la réalité de l’exécution même ?
Il est donc évident que l’on ne pourrait attribuer au pro-
priétaire le droit de laisser dénaturer la pensée de l’architecte,
en confiant à un autre l’exécution des plans, qui ne sont que
l’étude préalable de l’œuvre dont l’édifice seul est l’expression
définitive.
Ajoutons que l’article Ier de la loi du 22 mars 1886 ayant
disposé que l’auteur d’une œuvre artistique a seul le droit de
la reproduire ou d’en autoriser la reproduction, il faudra, pour
obliger l’architecte à laisser exécuter par d’autres ses dessins,
une convention spéciale impliquant, de la part de l’artiste,
abandon du droit d’auteur, moyennant des honoraires fixés de
commun accord et ayant fait l’objet d’une clause essentielle
du contrat.
Victor Janlet,
Avocat près la Cour d’appel.
CONCOURS
Concours pour l’hospice d’Archenne
Voici les noms des lauréats primés :
Projet classé premier et choisi pour l’exécution : M. J. Bar-
bier, architecte à Schaerbeek.
ire prime, 600 francs. — M. Paul Saintenoy, architecte à
Bruxelles.
2eprime, 5oo francs. — M. De Coster, architecte à Anvers.
3e prime, 400 francs. — M. Van Beesen, architecte à
Bruxelles.
Construction d’école
A propos d’une demande de concours, adressée par la
Société Centrale à la ville de Wavre, celle-ci a répondu par
la lettre ci-dessous, dont nous enregistrons les promesses pour
l’avenir :
« Wavre, le 3 mai 1889.
« Messieurs,
« Par lettre du 15 mars dernier, vous nous adressez le vœu
de voir mettre au concours le projet de construction d’une
école communale, dont notre administration s’occupe en ce
moment.
« Un vœu analogue nous ayant été transmis de la part de
la députation permanente, nous avons soumis la question au
conseil communal, qui s’est déclaré partisan, en principe, du
système des concours, mais qui n’a pas cru, par raisons per-
sonnelles, pouvoir y recourir cette fois.
« Le projet de construction en ce moment à l’étude, n’est
point une affaire nouvelle, mais la reprise et remaniement
d’un projet primitivement étudié et élaboré par M. l’architecte
Van Halen, envers qui la ville est ainsi engagée, et auquel il
serait injuste et peu loyal de retirer un travail dont il est
chargé depuis plus de deux ans.
« Le conseil communal a décidé de tenir bonne note, pour
l’avenir, du vœu formulé en même temps par la députation
permanente et par votre Société.
« Recevez, Messieurs, l’assurance de notre considération
distinguée.
« Les bourgmestre et èchevins,
« Par ordonnance : B. F. Antoine.
« Le secrétaire,
« A. Moureau. »
SOCIÉTÉ CENTRALE D’ARCHITECTURE
DE BELGIQUE
Séance de juin 1889.
L’assemblée procède à l’admission de MM. Haché (Jean),
de Gand ; Rayon (Oscar), de Charleroi ; Pierrard (Elie), de
Charleroi, en qualité de membres correspondants.
Elections : MM. De Vestel, vice-président; Van Hum-
beeck, bibliothécaire; Delbove, commissaire, sont réélus en
leurs qualités respectives.
M. Govaerts, secrétaire adjoint, empêché par ses occupa-
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L’ÉMULATION.
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