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JURISPRUDENCE
Droit civil. — Architecte. — Honoraires. — Déboursés non compris
dans l'allocation de 5 p. c. — Plans non exécutés. — Allocation
de 1 p. c. — Retards dans la remise des plans. — Responsabilités.
Intérêts des sommes engagées. — Prétendus vices de construction.
Modification des lieux. — Preuve non admissible.
(d... contre o... et v...)
Sur l'action principale :
Attendu qu’aux termes de la citation en conciliation et de
l’exploit d’assignation, cette action tend en premier lieu au
paiement d’une somme de fr. 3,246-30 du chef d’honoraires
pour l’érection d’une villa à Ostende, et d’une somme de
fr. 365-5o pour débours faits à l’occasion de cette construc-
tion;
Attendu que la somme réclamée du chef d’honoraires est
loin d’être exagérée, si l’on tient compte du caractère artis-
tique de la construction; que le chiffre n’est d’ailleurs pas
contesté ;
Attendu que celle réclamée du chef de débours comprend
25o francs, frais d’un voyage à Berlin ;
Attendu que le demandeur ne justifie pas par écrits éma-
nés du défendeur qu’il ait fait le voyage à la demande de ce
dernier, et qu’il n’est pas recevable à le prouver par témoins ;
Attendu que le surplus du poste « débours » comprend
a) des voyages à Bruxelles qui ne sont pas déniés ; b) des frais
de correspondance et de télégrammes qui ne sont pas exagé-
rés ;
Attendu que le défendeur soutient à tort que les déboursés
d’un architecte sont compris dans les 5 p. c. alloués à titre
d’honoraires ;
Attendu que la notion même des honoraires repousse cette
confusion ;
Attendu que l’action tend en second lieu au paiement d’ho-
noraires pour la confection des plans d’une salle de fêtes à
annexer à l’hôtel du défendeur à Bruxelles et des déboursés
faits à cette occasion ;
Attendu que ces plans n’ont pas été accompagnés de devis
et n’ont pas été suivis d’exécution ;
Attendu que dans ces conditions l’offre du défendeur de
payer 1 p. c. du prix de la construction projetée, tel que ce
prix a été déterminé par la soumission de l’entrepreneur
E..., est satisfactoire ;
Attendu, au surplus, que cette offre est en harmonie avec
l’interprétation qu’il y a lieu de donner à l’avis du conseil des
bâtiments civils du 12 pluviôse an VIII, généralement suivi
en cette matière ;
Attendu que le demandeur est fondé à réclamer en outre la
somme de fr. 5i-5o pour les voyages à Bruxelles et la corres-
pondance auxquels la confection de ces plans a donné lieu ;
Sur la demande reconventionnelle :
Attendu quelle se fonde sur de prétendues fautes commises
par le demandeur dans l’exécution de son mandat, et tire par
conséquent son origine du même contrat que l’action princi-
pale ; qu’elle est une défense à cette action et que, dès lors,
elle est recevable ;
Attendu que le premier chef de cette demande tend à l’al-
location de dommages-intérêts parce que le demandeur n’a
pu jouir de sa villa pendant la saison de 1884 par suite des
retards apportés à sa construction, retards imputés par lui au
demandeur ;
Attendu qu’en vertu de la convention verbale intervenue
entre le demandeur et un sieur P..., entrepreneur à Ostende,
la villa du défendeur devait être sous toit au plus tardgle
31 octobre 1883 ;
Attendu que de cette façon elle pouvait être parachevée
pour la saison balnéaire de 1884 ;
Attendu que le demandeur était tenu de mettre à la dispo-
sition de l’entrepreneur les pierres de taille et de grès rosé qui
entraient pour une grande part dans la construction ;
Attendu qu’en exigeant de l’entrepreneur qu’il s’engageât à
achever ses travaux dans un délai déterminé, le 'demandeur
s’obligeait de son côté tacitement à faire le nécessaire pour
que ces pierres ne fissent jamais défaut;
Attendu néanmoins que les travaux furent arrêtés à diffé-
rentes reprises pour ce motif et qu’ils ne furent terminés qu’au
mois d’avril 1884 ;
Attendu qu’il résulte à l’évidence des documents de la cause
que ces retards sont imputables non à l’entrepreneur P...,
mais au demandeur; en effet, la première commande, celle
relative aux pierres de soubassement, ne fut faite que le
11 septembre 1883 et le maître des carrières V... ne fut
mis en possession des derniers renseignements nécessaires
à leur exécution que le 23 octobre suivant; le second marché,
relatif aux pierres du rez-de-chaussée et au balcon, ne fut
conclu que le 20 septembre 1883 et les plans ne furent expé-
diés que le 29 septembre et le 23 octobre, le modèle du grand
cartouche surmontant la porte d’entrée ne fut expédié aux
carrières que le 20 novembre ; d’autre part, les marchés rela-
tifs aux pierres de taille du premier au deuxième étages et du
pignon furent conclus avec le sieur G..., autre maître des car-
rières, aux dates respectives du 31 octobre, du 3o novembre
et du g décembre, et les envois des plans et des dessins rela-
tifs à ces pierres n’eurent lieu que plusieurs jours, voire même
plusieurs semaines après la conclusion des marchés ;
Attendu que le demandeur essaie vainement de rejeter la
responsabilité de ces retards sur le sieur V..., premier four-
nisseur des pierres ;
Attendu que, si la correspondance de ce dernier, corres-
pondance sans aucun caractère confidentiel, contient de sa
part l’aveu de certaine négligence ou de certaine lenteur dans
l’exécution de ses marchés, ce fait est irrelevant; en effet,
V... et G..., le second fournisseur, eussent-ils mis dans l’exé-
cution des commandes du demandeur toute la diligence pos-
sible, ces commandes et la remise des plans et dessins étaient
si tardives, que la construction devait nécessairement subir
un retard de plusieurs mois et que le parachèvement des
autres travaux pour le commencement de la saison balnéaire
devenait impossible ;
Sur le chiffre des dommages-intérêts :
Attendu qu’il conste des documents du procès qu’au cours
des années 1883 et 1884, le défendeur a payé pour prix
d’achat du terrain de sa villa 40,000 francs ; à l’entrepreneur
P... des acomptes s’élevant à 17,500 francs, et aux maîtres de
carrières 16,555 francs;
Attendu que par la faute du demandeur, les sommes ont
été improductives pour le défendeur pendant une année ;
Qu’il est donc juste et rationnel que le demandeur lui paie
à titre de dommages-intérêts l’intérêt de ces sommes au taux
légal, soit 5 p. c.;
Attendu que le second chef de la demande reconvention-
nelle est relatif à des dégradations survenues dans la villa du
défendeur et qui ont occasionné des travaux de réparation à
concurrence de 1,393 francs ;
Attendu que, d’après le défendeur, ces dégradations sont le
résultat de vices de construction dont le demandeur est res-
ponsable en sa qualité d’architecte ;
Attendu qu’à l’appui de sa réclamation, le défendeur invo-
que les constatations faites au cours du mois de janvier der-
nier par le sieur B..., expert choisi par lui ;
Attendu que ces constatations ont été faites sans que le
demandeur eût été appelé à y assister ;
Attendu, dès lors, qu’elles ne font pas preuve contre lui ;
Attendu, d’autre part, que l’état des lieux ayant été com-
plètement modifié par les travaux de réparation effectués par
le défendeur, l’étendue des prétendues dégradations et leur
cause ne peuvent plus faire l’objet d’une vérification par des
experts nommés en justice ;
Attendu, il est vrai, que le défendeur offre, en ordre subsi-
diaire, la preuve par témoins des faits allégués. Mais attendu
que cette offre de preuve ne peut être accueillie, et ce, pour
le motif qu’il n’appartient pas au demandeur de livrer le
défendeur aux périls d’une enquête sur un état de choses que
le dit demandeur a fait disparaître alors qu’il était de son
strict devoir de le faire constater par une expertise contradic-
toire qui seule aurait pu mettre le tribunal à même de statuer
en pleine connaissance de cause ;
Quant à l'action dirigée contre V... :
Attendu que l’appelé en garantie est non seulement pro-
priétaire de carrières, mais qu’il est aussi commerçant par le
motif que la préparation industrielle ou les transformations
qu’il fait subir à la pierre doivent être considérées comme
l’objet principal de son exploitation eu égard à la valeur de la
pierre brute ;
Attendu, dès lors, qu’il est justiciable du tribunal de com-
merce ;
Par ces motifs, le tribunal, ouï M. Jottrand, substitut du
procureur du roi en son avis conforme sur la compétence,
condamne le défendeur à payer au demandeur : 1° la somme
de fr. 3,246-30 à titre d’honoraires pour la construction d’une
villa à Ostende; 20 celle de fr. 115-5o pour débours à l’occa-
sion de cette construction; 3° celle de 388 francs pour confec-
tion des plans d’une salle de fêtes et de fr. 5i-5o pour débours
faits en vue de ce travail, avec les intérêts judiciaires de ces
sommes ;
Condamne, d’autre part, le demandeur à payer au défen-
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L’ÉMULATION.
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