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L’ÉMULATION.
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Dans l’avenue Quentin Metsys, la maison de M. l’échevin
Vanden Nest, pour laquelle M. l’architecte Durlet a su rester
très sobre d’ornementation et éviter cette lourdeur qu’on
reproche à la plupart de ses autres constructions.
Plus, loin, une façade de style indéterminé et indétermi-
nable, par M. Hasse, étale ses formes ridicules et prétentieuses;
il y a là une loggia, des motifs sculptés et surtout un fronton
circulaire qui ouvrent à l’art architectural des horizons tout à
fait nouveaux et dont vous n’avez aucune idée.
Dans la même avenue, l’hôtel Moretus, par M. Stordiau
père, en matériaux apparents, dans le style renaissance fla-
mande, mélangée de motifs incontestablement inspirés de l’art
français.
C’est une des plus riches façades du quartier du Parc; nous
n’aimons pas le motif de la porte d’entrée, dont les lions mas-
sifs supportant des colonnes fluettes auraient été avantageu-
sement remplacés par de simples pilastres ; nous n’aimons
pas non plus les balcons trop saillants du deuxième étage,
qui, par leur grand rapprochement des couronnements des
fenêtres du premier étage, nuisent beaucoup à l’effet de ceux-
ci, et nous regrettons qu’au lieu des lourdes lucarnes à toitures
coniques qui décorent le toit, on ne se soit pas borné à de
petites lucarnes plus modestes, qui auraient laissé aux pignons
des avant-corps toute leur importance.
L’hôtel de M. Moons, avenue Van Eyck, par l’architecte
de la ville, M. Dens, présente, dans un ensemble assez banal
et de proportions peu heureuses, une loggia en bois assez bien
étudiée ; mais pourquoi avoir placé dans le tympan circulaire
de la porte d’entrée et reposant directement sur le linteau
monolithe de cette porte, une colonette en pierre qui a l’air de
supporter la clef de voûte, ce qui constitue un non-sens et une
faute de construction ?
A côté, trois maisons, par M. Ernest Dieltjens, ont des
façades plâtrées qui, tout en étant bien proportionnées, man-
quent totalement de cette originalité qui marque la plupart
des œuvres de notre jeune confrère; et deux maisons de
Mme Vanderviele, en briques rouges et pierre bleue, présentent
une architecture simple et de bon goût, par MM. Hellemans
et O. Van Rysselberghe.
A proximité, derrière celles-ci, deux habitations en style
ogival, d’aspect un peu froid, qu’accentue, dans l’une, l’em-
ploi exclusif de la pierre bleue, dues à M. l’architecte
Helleputte, attirent légitimement l’attention par le soin
scrupuleux apporté dans l’étude et dans l’exécution.
L’avenue Rubens possède deux maisons assez jolies en
renaissance, de M. F. Baekelmans, dont nous critiquons cepen-
dant les couronnements des portes d’entrée, qui manquent de
simplicité et nous paraissent une superfétation, et trois habita-
tions, formant un ensemble enseigné : in ’t Valkennest, aux
façades en pierre blanche entièrement couvertes de sculptures,
construites pour M. Vandenbroeck, par un jeune architecte
de Lierre, M. Carreels, qui nous paraît-posséder une ima-
gination trop vive, ayant besoin du frein que donne l’expé-
rience. Certaines parties sont bien proportionnées; certains
détails sont judicieusement choisis et heureusement agencés,
tandis qu’à 'côté nous trouvons des choses regrettables.
Néanmoins, nous sommes heureux de saluer chez M. Car-
reels un vrai tempérament d’artiste, qui nous promet dans
quelques années un architecte de talent.
Avant de quitter ce quartier du Parc, signalons le monu-
ment élevé à la mémoire du bourgmestre Loos, pour lequel
on a employé une sorte de pierre blanche dont la gélivité est
telle qu’on est obligé de la couvrir chaque hiver d’un manteau
de paille, qui nous prive durant quatre ou cinq mois de la
vue de ce monument, ce que, pour notre part, nous ne regret-
tons pas trop; l’école rue Longue d’Argile, de M. Dens,
dont le plan est bien étudié et la façade a du caractère, et
n’oublions pas la belle statue de Quentin Metsys, du sta-
tuaire De Brackeleer, qui, avec son piédestal conçu dans
le style du xve siècle, par M. Léonard Blomme, produit le
plus gracieux effet.
Parmi les habitations construites depuis quelques années
déjà à l’avenue des Arts, nous citerons en passant :
L’hôtel de M. Lansdorf, de M. Stordiau père, dont la
façade, en style Louis XVI très simple, présente d’assez
bonnes proportions ; la forme générale de la porte cochère
n’est cependant pas heureuse, et les espèces de crossettes qui
en entourent malencontreusement l’archivolte sont irration-
nelles.
Un très grand nombre de maisons et d’hôtels de M. Van
Opstal père, dans le même style Louis XVI dont il semble
n’avoir jamais voulu s’écarter et dans lesquels on retrouve la
même disposition générale, les mêmes formes, les mêmes
moulures, les mêmes ornements ; c’est l’idéal du poncif archi-
tectural ; quiconque a vu une de ces façades dont le type
dénote néanmoins un certain goût les a vues toutes.
Et de très nombreuses constructions de M. Leclef, l’un de
ceux d’entre nous qui ont le plus construit depuis 20 ou
25 ans dans cet inévitable genre Louis XVI dont le public
s’était si... naïvement engoué et qu’on a accommodé quelque
peu à toutes les sauces, surtout les plus mauvaises.
Tout cela est banal, monotone et a donné à l’avenue des Arts
qui, par ses vastes dimensions en longueur et en largeur, pou-
vait avoir une allure vraiment monumentale, un aspect triste et
ennuyeux que ne parviennent pas à faire disparaître les quel-
ques rares façades en couleur telles que celle de l’hôtel du
comte de Bergeyck, par F. Baekelmans, qui par son ordon-
nance générale et par ses moulures, ses détails bien étudiés et
d’une grande finesse, présente des réminiscences des Renais-
sances italienne et française ; celles de deux maisons de rapport,
du même architecte, en briques et en pierre blanche, apparte-
nant à M. Slaets, à peu de distance de la première, mais aux-
quelles nous reprochons la forme peu heureuse des portes
qui détonne dans cet ensemble harmonieux, et celle construite
très récemment, avenue de l’Industrie, à proximité de la
Banque, entre celle-ci et la rue Bolandus, par l’architecte
Hompus qui présente de sérieuses qualités.
(A continuer.)
La Gare de Bruges
nfin, on vient d’inaugurer ce monument, dont
la construction a demandé plus de six années.
On se souvient que c’est à M. Schadde, archi-
tecte à Anvers, qui avait si heureusement con-
struit la Bourse de cette ville, que M. Beernaert.
ministre des travaux publics, commanda en 1876 ou 1877 les
plans de la gare de Bruges.
Etant donné le vif désir qu’on avait en haut lieu de doter
cette ville, qui a conservé au milieu de notre siècle de pro-
grès, un aspect moyen âge si pittoresque, d’une gare gothique,
le choix de l’artiste était judicieux; on voulait, en dépit de
l’anachronisme, avoir à Bruges une gare en style brugeois.
Ce ne fut que trois ans plus tard qu’on en commença la
construction ; on crut s’apercevoir bientôt que si l’artiste avait su,
avec beaucoup de talent, mais avec beaucoup moins de logique,
faire plier les formes rationnelles de l’architecture ogivale aux
exigences si diverses d’une gare du XIXe siècle, le constructeur
ne s’était pas suffisamment inquiété des nécessités du service
du passage des trains et de la solidité de certaines parties de
l’édifice; les travaux furent suspendus pendant quelque
temps et, après des discussions et des tiraillements de toutes
sortes, l’achèvement fut confié à M. Seulen, architecte de
l’administration des chemins de fer, sous la haute direction de
M. l’architecte Beyaert. Plusieurs parties du monument
furent renforcées; d’autres, notamment les grands pignons et
les tours en maçonnerie encombrant les entrées en queue et
en tête de la gare couverte furent démolies à grands frais, et
enfin, au mois de juillet de cette année, on put le livrer com-
plètement à sa destination.
L’inauguration donna lieu à une cérémonie très simple,
présidée par MM. les ministres Vandenpeereboom et de
Moreau.
Ferons-nous ici la description de cet édifice, dont les
mérites et les défauts ont été si souvent et si diversement dis-
cutés ?
La gare de Bruges, comme toutes les gares récemment
construites, se compose d’une vaste halle couverte, de con-
struction exclusivement métallique, et d’un bâtiment en
briques, dit des recettes, renfermant une salle des pas-perdus,
des salles d’attente, des bureaux, etc. Ici, comme à la gare,
de style ogival, d’Ostende, il est flanqué d’une tour.
Disons immédiatement que, malgré l'étude serrée et con-
sciencieuse dont il a été l’objet, ce bâtiment des recettes ne
possède pas du tout le cachet de sa destination ; cela peut
être tout ce que l’on voudra, mais on devine difficilement une
gare dans cette construction, d’ailleurs très originale, avec ses
baies de formes et de grandeur si diversifiées, dont celles don-
nant jour et accès aux vastes salles d’attente semblent bien
insuffisantes.
Tout autre est notre sentiment sur le hall, dans lequel |