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doit dater de la seconde moitié du XVIe siècle ; elle n’est pas
précisément d’un beau fini et n’a aucun caractère religieux,
c’est plutôt un peu théâtral. Nous avons vu une colonne
presque entièrement peinte du haut en bas ; la plinthe infé-
rieure est d’une couleur foncée, la partie en retraite entre les
deux moulures de la base porte un rinceau, le fût est décoré
de feuilles et d’ornements jusqu’au tiers de sa hauteur et
d’imitation de cannelures, très platts, sans aucun relief pour
le reste; le chapiteau, comme du reste ceux des autres
colonnes, a dû être entièrement doré. Les parties les plus
intéressantes de ces peintures, qui sont encore intactes, se
trouvent sur un des piliers triangulaires du transept ; le fond
du panneau, creusé sur chacune des trois faces, porte des
inscriptions en lettres gothiques. D’après ce qu’on peut
encore en déchiffrer, ce sont des prières, des légendes et des
extraits évangéliques. Du côté de la nef centrale, le pilier
est en outre décoré de deux prieurs (un homme et une femme)
à genoux, le visage tourné vers l’inscription, le tout dans une
ordonnance et une combinaison de bandes, de pilastres et de
moulures, couronnés de frontons très aigus ; les quatre piliers
ont dû être traités de la même manière.
Dans la nef centrale, les ogives et toute la partie du mur
au-dessus des colonnes ne portent aucune trace de couleur ;
dans le chœur, au contraire, toute la partie supérieure est
décorée, et il semble que cette partie a dû être plus soignée ;
les colonnes sont ornées d’un autre dessin, mais bien peu de
ces choses ont été mises à nu.
Dans les comptes de la fabrique de l’église et aux archives,
on nous a dit n’avoir rien trouvé concernant cette peinture ;
il est donc probable que c’est au moyen de dons ou de
collectes que les frais de ce travail ont été couverts.
Quoique cette peinture décorative constitue un hors-d’œuvre
dans un monument qui date du xue siècle, elle méritait qu’on
mît un frein au grattoir imprudent des ouvriers qui, au com-
mencement surtout, croyant que cela allait leur rapporter
quelque bénéfice, y allaient franc jeu et s’empressaient de
râcler, de nettoyer toute trace de dessin ou de couleur. Heu-
reusement, on finit par leur faire comprendre qu’on n’exigeait
d’eux rien d’autre que de rebadigeonner l’église ; l’on sauva
ainsi plus d’un précieux vestige, et tout cela est de nouveau
recouvert d’une bonne couche de badigeon !
Mais n’aurait-on pu mieux faire? La Commission royale
des Monuments n’aurait-elle pu s’occuper plus activement
de cette découverte archéologique ? Ne pouvait-elle déléguer
quelques-uns de ses membres pour les examiner et, au besoin,
faire stater les travaux de badigeonnage, pour que des rele-
vés des peintures et dessins, exécutés par des dessinateurs
habiles, permettent de les reconstituer plus tard, si on le juge
utile. Peut-être un examen fait par des personnes compétentes,
par des archéologues érudits, eût-il permis de déchiffrer les
. inscriptions ; peut-être y aurait-on trouvé des noms, des dates
qui eussent été d’un grand intérêt pour l’histoire.
Mais ni le Conseil de fabrique, ni le Conseil communal,
n’ont rien fait dans ce but.
N’est-il pas déplorable de voir que la plupart des autorités
de nos petites villes portent si peu d’intérêt aux choses de l’art?
Nous n’en voulons point tant àM. Naert, de Bruges, architecte
inspecteur provincial, qui, en cette qualité, est venu voir les
peintures, ni à M. Vanhoutte, de Courtrai, architecte dirigeant
les travaux. Nous avons la conviction que ces messieurs
ont fait ce qu’ils pouvaient pour sauvegarder de la ruine
tout ce qui leur a paru digne d’intérêt ; c’est sans doute à eux
que l’on doit d’avoir laissé intacts de tout nouveau badigeon
deux des quatre piliers triangulaires du transept, que la Com-
mission royale des Monuments a été invitée à venir voir.
Cette visite, nous l’attendons avec impatience; nous en
espérons des mesures énergiques, pour qu’à l’avenir les faits
que nous venons de signaler soient évités.
Henri Bogaert,
Les Campi-Santi
armi les questions d’édilité publique, une des
plus importantes est certainement celle des cime-
tières ; une étude sur la solution au point de
vue monumental qui y a été donnée dans plu-
sieurs villes de l’étranger ne manquera pas d’actualité.
Nous commencerons par nous déclarer grand partisan et
admirateur des Campi-Santi, si nombreux en Italie, et nous
sommes persuadés que quiconque a visité Gênes, Milan,
Bologne, Rome, etc., est de notre avis sur ce sujet et voudrait
voir nos cimetières complétés dans ce sens.
Voyons d’abord les raisons qui militent en faveur de l’édifi-
cation de Campi-Santi, aussi bien chez nous qu’à l’étranger.
Ces raisons sont d’ordres divers : il y a, en premier lieu,
celles qui concernent les administrations communales, puis
celles qui touchent les particuliers et enfin celles qui doivent
préoccuper tous les artistes, architectes, statuaires et peintres.
Il est certain que, dans le domaine des arts, chaque ville
tend, ou au moins devrait tendre, à s’enrichir d’édifices publics
qui l’embellissent, de musées qui réunissent les œuvres d’art
pur ou d’artindustriel, de monuments qui rappellent les dates
glorieuses de l’existence de la cité et les hommes célèbres qui
l’ont illustrée par leur talent et par leurs œuvres ; c’est l’en-
semble de ces richesses qui attire et retient les étrangers et
étend la réputation de beauté et d’intérêt artistique de nos
communes. Supprimez les monuments artistiques et histo-
riques de bien des villes et vous leur enlèverez en même temps
leur fortune et leur renommée.
Qu’est-ce qui vaut à Pise, la visite de tant de milliers
d’étrangers depuis tant d’années ? Rien que ses monuments,
et parmi ceux-ci le fameux Campo-Santo.
Bien des fois, en le visitant, nous avons fait cette réflexion :
Que n’aurions-nous pas à admirer dans notre propre pays, si
l’exemple donné par Pise y eût été suivi dès la même époque?
Il n’est jamais trop tard pour bien faire, et Gênes, Milan,
Bologne, Vérone, Sienne, Messine, etc., l’ont compris, en
élevant leurs Campi-Santi ; aussi leurs efforts sont-ils couron-
nés de succès. En effet, ne sont-ce pas de véritables musées
que les Campi-Santi de ces villes, où les architectes, les
sculpteurs, les peintres, les mosaïstes ont déjà exécuté tant de
tombes remarquables, où l’on trouve, comme à Sienne, des
œuvres de la valeur de la Pietà de Dupré, qui obtint la
médaille d’honneur à l’Exposition universelle de Paris en
1867 ; comme à Rome, des fresques de Fracassini ; des
œuvres de Gemito, de Sarocchi, de Vela et de tant d’autres;
offrant en outre sur les musées cet avantage que les œuvres
qui s’y trouvent, occupent la place pour laquelle elles ont été
exécutées ? Ne sont-ce pas là les Panthéons de chacune de ces
villes, où les noms de tous ceux qui illustrèrent leur pays,
sont ou seront un jour mis en évidence dans des monuments
dignes d’eux, où la patrie honore ses braves, les administra-
tions, les sociétés savantes, leurs membres distingués, les arts,
les sciences, leurs adeptes éminents? C’est là l’histoire racon-
tée à tout passant, la plus propre à instruire le peuple, comme
ces nombreuses inscriptions, souvent si éloquentes, dans leur
concision, par les faits qu’ils rappellent, que l’on trouve à
Vérone, à Venise, à Florence, etc., sur toutes les places,
témoins des événements les plus importants ou les plus dra-
matiques de leur existence.
Mais dira-t-on, nos cimetières actuels renferment les mêmes
souvenirs de grands hommes et de nombreux monuments
funéraires. Sans doute, mais comment sont-ils présentés,
comment se conservent-ils, que de frais d’entretien n’occasion-
nent-ils pas ; que deviennent les hommages d’admiration, de
piété filiale, de respect, d’amour déposés sur ces tombes véné-
rables ou chéries? Les pluies, un soleil brûlant, la neige, la
gelée ont bientôt raison de tous ces témoignages de sentiments
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L’ÉMULATION.
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