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Après avoir reçu notification des candidatures, il décide-
rait s’il y a lieu ou non de mettre la place au concours.
Nous n’imposerons donc pas à l’avance une ligne de con-
duite absolue ; nous l’obligerions uniquement à avoir égard
aux circonstances pour le choix de l’une ou l’autre voie. Rien
ne pourrait, dès lors, empêcher les artistes en évidence de
poser leur candidature; rien n’empêcherait non plus de
recourir à l’épreuve du concours, lorsque l’utilité en serait
démontrée; et les intérêts de l’enseignement seraient, en tout
état de cause, on ne peut mieux sauvegardés.
Telle est, à notre avis, la solution la plus logique que
permet la situation actuelle.
Répondant plus spécialement à la seconde partie de la
question qui nous occupe présentement, nous ajouterons
qu’une des mesures les plus efficaces pour assurer l’observa-
tion des méthodes adoptées, serait une inspection très active,
surtout à la suite des concours de fin d’année, de toutes les
écoles soumises aux programmes officiels. Les rapports des
inspecteurs relateraient ce qu’ils auraient constaté relative-
ment à l’application des méthodes et conclueraient de là au
maintien ou au retrait des subsides accordés antérieurement.
La crainte de se voir privées en totalité ou en partie des
secours officiels, mesure qui atteindrait par ricochet les pro-
fesseurs en faute autant que les administrations dont ils dépen-
dent, cela seul engagerait mieux que tout le reste à la stricte
observation des méthodes adoptées.
SEPTIÈME QUESTION
Quelles âispcsiihws spéciales ccmpcrte l'organisation d'un enseigne-
ment artistique complet à l'usage des femmes, soit qu’il ait lieu dans
des locaux séparés et soit doi né par un personnel spécial, soit que la
même académie eu école puisse servir à l’enseignement des deux
sexes?
Nous reconnaissons volontiers que le rôle social de la
femme doit essentiellement consister à veiller à l’éducation
de ses enfants et à vaquer aux soins de son ménage. Néan-
moins, nous sommes loin de prétendre que la femme doive
se concentrer exclusivement dans des occupations domesti-
ques. Nous croyons, au contraire, qu’elle sera d’autant plus
apte à remplir sa modeste mais noble mission, si, étant jeune
fille, elle a exercé ses facultés, développé son bon goût, son
intelligence, son habileté, son initiative, par la pratique de
travaux d’art compatibles avec son sexe.
Mais nous ne pouvons pas envisager uniquement le sort
de la femme, épouse et mère. Il y a encore celle qui, pour
une raison quelconque, où souvent sa volonté n’a pas eu à
intervenir, ne s’est pas engagée dans les liens de l’hyménée,
la femme abandonnée d’un mari peu soucieux de ses devoirs,
la veuve, enfin, dénuée de ressources et ayant charge de
famille.
Celles-là ne sont-elles pas en droit de réclamer une exis-
tence indépendante et digne? La société n’a-t-elle pas pour
devoir de leur assurer, de leur accorder aide et protection,
en leur donnant l’occasion de se procurer des ressources dans
l’exercice d’une profession artistique ou autre, car, au même
titre que l’homme, la femme a droit à l’existence ?
Cependant, avec quelle insensibilité égoïste notre civilisa-
tion tant vantée traite la femme, réduite à devoir subvenir à
sa propre subsistance, voire même à celle des siens. Non
seulement l’accès d’une position lui est extrêmement difficile,
mais son travail est encore plutôt exploité que rétribué. Elle
a beau déployer autant de soin, de zèle, d’activité et d’intelli-
gence que l’homme, sa rémunération est toujours inférieure
et trop souvent en dessous de ses besoins.
Nous n’avons point l’intention de faire ici un plaidoyer en
faveur de l’émancipation de la femme, ce qui a déjà été fait,
maintes fois, avec toute l’autorité voulue, par les Salisbury,
les Peruzzi, les Jules Simon, etc.
Mais, nous renfermant dans les limites de la question qui
nous est posée, nous sommes heureux de constater l’existence
et les bienfaits déjà importants des écoles professionnelles
pour femmes, et faisons des vœux pour que l’œuvre si bien
commencée soit complétée par un enseignement artistique
aussi étendu que possible, dont le programme nous paraît
devoir être le même pour les deux sexes.
Dans l’intérêt même du perfectionnement des industries
d’art, telles que la broderie, la dentelle, la passementerie, le
costume, etc., qui conviennent tout particulièrement au sexe
féminin, nous désirerions qu’on mît leur étude plus spécia-
lement à la portée de la femme, non seulement au point de
vue de la pratique manuelle, ce qui se fait déjà dans les
écoles professionnelles, mais aussi au point de vue artistique
et esthétique, c’est-à-dire : l’art du dessin. A propos de l’en-
semble de la 7e question, il est opportun de signaler ce qui
se passe en France, où le conseil supérieur de l’enseignement
de l’Ecole des beaux-arts, sous la présidence de M. Larrou-
met, directeur des beaux-arts, s’est occupé de la pétition
adressée au ministre par Mme Léon Bertaux au nom de
l’Union des femmes peintres et sculpteurs, pour obtenir l’ad-
mission des femmes aux cours et ateliers de l’Ecole des
beaux-arts. 11 a émis, à l’unanimité, le vœu que les mêmes
facilités d’éducation artistique fussent mises par l’Etat à la
disposition des deux sexes, mais il a été d’avis qu’ils ne pour-
raient être réunis à l’Ecole des beaux-arts.
A la suite de ce vœu, il est probable que la question de
l’enseignement artistique des femmes va être portée devant le
conseil supérieur des beaux-arts, sans préjudice pour les nom-
breuses écoles d’art appliqué, qui donnent d’excellents résul-
tats et où la femme peut acquérir des connaissances artis-
tiques très étendues et non moins pratiques, car c’est surtout
dans cette dernière voie que la femme a un beau rôle à
remplir.
HUITIÈME QUESTION
Quelles mesures y a-t-il lieu de prendre, pour l'inspection des Acadé-
mies et Ecoles, en vue d'assurer l’unité de l’enseignement?
S’il était nécessaire de prouver l’utilité de l’inspection offi-
cielle des académies et écoles de dessin, nous invoquerions
les deux raisons qui, selon nous, militent le plus en sa faveur.
D’abord, elle sert à témoigner la sollicitude des adminis-
trations publiques pour l’enseignement des aRts du dessin, dont
elle rehausse ainsi le prestige aux yeux du public et plus par-
ticulièrement des élèves. En second lieu, elle sert de contrôle
et plus encore de stimulant au zèle du professeur, en lui
donnant l’occasion de mettre en évidence le travail de ses
élèves et les progrès réalisés par ceux-ci sous sa direction.
Il serait bon que chaque école reçût deux fois par an la
visite des inspecteurs, l’une dans le courant de l’année, l’autre
après le concours de fin d’année. Cette seconde inspection
serait suivie d’un rapport, dont nous avons indiqué la prin-
cipale teneur lors de notre examen de la sixième question.
Tout en étant partisans décidé des méthodes officielles, au
point même que, pour en assurer le maintien, nous n’avons
pas hésité à proposer une mesure quelque peu rigoureuse,
nous n’en apprécions pas moins l’importance capitale de
l’initiative particulière du personnel enseignant, et nous
devrions nous prononcer contre tout ce qui tendrait à abolir
cette initiative, que nous considérons comme un élément
indispensable au progrès de l’art du dessin.
Nous voudrions que tout perfectionnement introduit dans
l’application des méthodes adoptées fît l’objet d’une men-
tion spéciale dans le rapport annuel de MM. les inspecteurs.
L’administration supérieure aurait soin d’encourager par l’oc-
troi de gratifications et de subsides les efforts couronnés de
succès.
Ces éloges et ces récompenses engageraient les hommes de
valeur à chercher l’occasion de se distinguer, et cette émula-
tion habilement entretenue profiterait beaucoup à l’enseigne-
ment en général.
NEUVIÈME QUESTION
Dans quelle mesure peut-on organiser des concours entre les diverses
catégories d’établissements ?
L’exposition de 1868, dans les locaux de la gare du Midi,
à Bruxelles, a soulevé une critique mettant absolument en
doute la valeur de ce genre de concours.
Des soupçons furent émis, en effet, quant à l’authenticité des
ouvrages qui avaient été produits. Le bruit circula avec per-
sistance, parmi les élèves des Académies et Ecoles de dessin,
à cette époque, que les plus remarqués des travaux exposés
n’étaient point l’œuvre des concurrents; d’ailleurs, M. Can-
neel, directeur de l’Académie de Gand et inspecteur de l’en-
seignement artistique, n’avait-il pas émis des doutes sembla-
bles par la proposition qu’il fit en ces termes, au Congrès
de 1868?
« On pourrait faire connaître aux Académies qu’elles sont
« appelées à prendre part à un concours ; qu’à telle époque,
« on dessinera telle figure dans telles dimensions, dans telles
« conditions, etc.; et que l’on sera surveillé par une personne
« ayant intérêt à ce qu’aucune fraude ne soit commise. Ainsi,
« Gand surveillerait Bruxelles ; Bruxelles Anvers, et ainsi de
« suite. »
Nous ne citons cette proposition que pour mémoire, ne
désirant pas la discuter ni nous appesantir sur la possibilité
pratique de la proposition, mais seulement rappeler un des
inconvénients les plus sérieux de l’institution des concours.
Celle-ci ne saurait, d’ailleurs, parfaitement cadrer avec notre
plan de réorganisation, qui consiste, comme on a vu, en une
adaptation complète de l’étude des arts graphiques et plasti-
ques aux besoins industriels locaux. Les conditions à rem-
plir ne sauraient donc être identiques pour l’enseignement
dans toutes les localités. Nous ne croyons pas qu’il soit dès
lors bien logique de faire subir le même concours à tant d’éta-
blissements différents par le but même de leur enseignement
et les éléments dont celui-ci dispose. Ce serait susciter inuti-
lement des rivalités mesquines, dont l’art n’a rien à profiter.
Ce n’est pas que nous soyons adversaires des expositions
générales, que nous tenons, au contraire, pour fort utiles et
dignes d’intérêt à tout point de vue ; mais c’est à la seule con-
dition que leur programme écarte l’idée de concurrence et
respecte le principe de l’autonomie de chaque académie ou
école. Selon nous, l’exposition doit être pour les écoles une
occasion non de rechercher à s’éclipser l’une l’autre, mais
simplement de prouver publiquement, à quiconque s’intéresse
à l’enseignement artistique, à quel point chacune d’elles
répond à sa mission et se montre digne des sacrifices que le
pays s’impose pour elle.
Sur le point de terminer, nous désirons encore signaler la
publication d’un programme des études sous forme de tableau
synoptique, dont ci-contre un exemplaire, permettant d’em-
brasser d’un seul coup d’œil tous les cours, dans leur ensemble
et dans leur marche progressive, et de distinguer sans peine,
en même temps, les diverses voies qui sont offertes aux élèves
et les degrés divers que chacune d’elles comporte.
Ce tableau affecte, à première vue, l’aspect d’un arbre
généalogique. Comme on peut voir, les radicelles correspon-
dent chacune à la dénomination d’une industrie d’art ; elles
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L’ÉMULATION
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