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L’ÉMULATION.
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La conservation de nos Monuments historiques
LA RESTAURATION DE LA HALLE DE MALINES
n parle beaucoup, depuis quelque temps, de
restaurer la Halle de Malines, dont l'état de
délabrement fait peine à voir.
Nous félicitons l’édilité malinoise de l’intérêt
qu’elle porte à ce vieil édifice, auquel les arrêts successifs de
sa construction, qui n’a été reprise sérieusement que sous
Charles-Quint, et les ajoutes du xvne siècle, ont donné cette
hétérogénéité de style, cet aspect original et tant soit peu
bizarre qui étonne à première vue.
Afin de s’éclairer, tant sur l’utilité de la restauration que sur
les meilleurs moyens à employer dans ce but, et sur la desti-
nation à donner au monument restauré, l’administration com-
munale de Malines a nommé une commission consultative!!
On sait d’expérience ce qu’on peut attendre, en Belgique
surtout, des commissions consultatives ; mais ici, il semble
résulter de la séance d’installation, dit le journal malinois
De Burgenj, dans son numéro du 5 septembre dernier, qu’elle
n’existe que pour la forme et que le collège a déjà un projet
tout prêt à exécuter, quels que puissent être d’ailleurs les con-
seils de la commission consultative.
Nous nous refusons à croire à pareille comédie et nouà
nous joignons à l’organe malinois, pour réclamer le concours
public, dont il défend éloquemment le principe dans le
numéro précité, par les lignes suivantes que nous en
extrayons :
« N’était-ce pas plutôt le moment de faire un appel aux
« architectes du pays entier afin d’arriver à produire un avant-
« projet réunissant toutes les qualités désirables au point de
« vue de l’art, de l’archéologie, du style et surtout de la distri-
« bution logique, rationnelle des services intérieurs de l’édi-
« fice ?
« L’on nous dit qu’il n’y a pas encore de projet arrêté
« quant à la destination future de l’édifice. Cela ne nous sem-
« ble point admissible ; car il est évident que pour une res-
« tauration pareille un plan d’ensemble est absolument indis-
« pensable, il ne saurait être question de faire des dépenses
« —• excessives —• aux frais des contribuables pour une res-
« tauration qui n’aurait aucun but, ni aucun caractère d’utilité
« publique et pratique ; restauration qui ne serait, disons le
« mot, qu’un immense décor, une gigantesque et coûteuse
« plaisanterie.
« Un projet d’ensemble et une appropriation à un but
« déterminé s’imposent incontestablement.
« Mais ce qui s’impose encore plus impérieusement dans
« le cas qui nous occupe, c’est que les projets pour la restau-
« ration d’un monument pareil soient mûris, étudiés par des
« personnes aptes et surtout que plusieurs architectes soient
« consultés.
« Il nous semble que, puisque c’est la caisse publique qui
« doit supporter les frais énormes que pareil ouvrage occa-
« sionnera, il serait juste et équitable que tous les architectes
« fussent appelés, par la voie des journaux ou par des circu-
« laires, à apporter leurs idées pour mener à bien pareille
« entreprise : de cette manière le Conseil échevinal aurait
« fait le possible pour éviter de se trouver plus tard devant
« une œuvre peu ou pas réussie.
« La « Commission consultative » elle-même ne peut, nous
« semble-t-il, hésiter à abonder dans notre sens, car ces mes-
« sieurs doivent bien admettre que la coopération directe
« d’artistes qui ont passé leur vie à étudier l’architecture et
(( l’archéologie d’une manière pratique, ne peut être qu’avanta-
« geuse à l’œuvre pour l’élaboration de laquelle la Commis-
« sion a été réunie.
« Nous demandons donc à l’Administration communale
« de bien vouloir mettre le projet de restauration et d’appro-
« priation de la Halle au concours.
« Non pas un concours dont le lauréait serait le mieux
« soutenu soit par ses relations, sa position ou sa réputation.
« Non! nous voudrions un concours sérieux et loyal, sans
« réticences ni arrière-pensée, avec un jury donnant toutes
« les garanties d’impartialité et d’aptitude possibles.
« Nous demandons surtout que le concours ne soit pas
« destiné à donner un semblant de satisfaction à l’opinion
« publique et que la décision du jury ne soit pas considérée
« comme nulle et non avenue ; il faut qu’elle soit respectée.
« Que le collège échevinal élabore un projet contenant
« tous ses « desiderata », toutes les nécessités du service
« auquel il veut que l’édifice soit désormais affecté, que l’on
« y joigne le plan du monument tel qu’il existe, ainsi que les
« coupes et élévations, que la ville offre une prime au projet
« ou aux projets jugés les meilleurs.
« Voilà ce que nous voudrions voir adopter.
« Nous désirons surtout que l’on ne se méprenne pas sur
« les intentions qui nous font agir. Nous ne voulons faire
« aucune personnalité ; nous ne voulons exclure personne de
« cette joute artistique ; notre seul désir est — puisque le
« principe d’une restauration de la Halle semble arrêté—sim-
« plement de voir s’élever sur notre « forum » un édifice, un
« monument entièrement réussi ou du moins aussi réussi que
« possible, la perfection étant un idéal bien difficile à
<( atteindre.
«. Ces concours, lorsqu’il s’agit de « monuments » à élever
<( ou à restaurer avec l’intervention pécuniaire de l’État, de
« la province et de la ville, ces concours, disons-nous, sont
« entrés presque partout dans les usages. En France, en
« Allemagne, en Hollande et même dans notre pays l’on est
« entré dans la voie des concours publics. Anvers, la ville
« artistique par excellence, qui compte tant d’architectes offi-
« ciels de grand savoir et de talent, Anvers n’a-t-elle pas mis
« au concours son nouveau Musée ? La commune de Borger-
« hout n’a-t-elle pas mis son église au concours ?
« C’est de ces concours que sont sortis victorieux plusieurs
« de nos architectes les plus recommandables qui, sans ces
« concours ne seraient peut-être jamais arrivés à prouver les
« connaissances acquises par un travail de dix à douze années
« d’études, et à démontrer qu’à côté des grands artistes que
« nous perdons journellement il y a toute une pléiade de
« jeunes artistes capables de les remplacer dignement.
« La Commission et le collège échevinal ont-ils réfléchi
« combien peu il serait logique de fermer la porte aux jeunes
« architectes en opposant un « non possumus » à notre
« demande de concours public?
« Les villes — nous parlons en général et pas seulement
« pour Malines, car le cas se retrouve partout — les villes
« dépensent annuellement d’assez grosses sommes pour l’édu-
« cation artistique des fils des habitants. Ceux de nos jeunes
« concitoyens qui se distinguent vont continuer leurs études
« à Anvers, à Bruxelles, à Gand, la plupart grâce aux sub-
« sides de leur ville natale ; après de longues années d’études
« et un travail acharné, ils rentrent chez eux chargés de cou-
« ronnes obtenues dans ces universités des Arts?
« Comment vont-ils montrer à leurs concitoyens que leurs
« études, que le stage fait chez d’illustres confrères leur ont
« été profitables et qu’en définitive ils .sont, eux aussi, des
« artistes?
« Cest triste à dire, ils ont tout acquis par le travail et
« par l’étude, excepté le moyen de se faire connaître, de se
« produire. Le plus souvent, nos jeunes architectes végètent
« dans un état voisin de la misère, et finissent par mettre leur
« temps et leur talent à la solde de l’un ou l’autre prince du
« bâtiment, qui parfois ne se gêne pas le moins du monde
« pour s’approprier carrément et sans vergogne les idées, les
« conceptions quelquefois géniales des malheureux forcés
« par la nécessité et l’impossibilité de se faire remarquer à se
« mettre dans leur dépendance.
« Nous disons que la ville doit continuer son œuvre d’en-
« couragement et entrer résolument dans la voie du progrès,
« en mettant la restauration et l’appropriation de la Halle au
« concours.
« C’est le seul moyen de faire honnêtement, loyalement
« appel à la coopération de tous.
« Et que l’on ne vienne pas nous dire que les concours de
« cette espèce ne sont possibles que pour les jeunes, que les
« architectes d’un certain renom n’y peuvent prendre part ;
« nous répondrons à cet argument qu’il n’y a rien de désho-
« norant à concourir dans les conditions que nous venons
« d’indiquer; que, du reste, il y a de nombreux exemples |