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L’ ÉMULATION.
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vreté d’aspect des façades latérales que, sans déployer beau-
coup de luxe, on eût pu rendre plus intéressantes et mieux
relier à la façade principale.
On nous a dit, dans le temps, que l’administration commu-
nale, en prévision de la démolition tant désirée du Temple
des Augustins, avait exigé de grandes masses d’une architec-
ture monumentale, à cet emplacement', destiné à être vu de
loin, de l’autre bout du boulevard. Ce désir aurait été mieux
satisfait, selon nous, par un édifice à la silhouette élégante
et plus mouvementée. Cette façade, tout d’une pièce, ne
gagnera guère à être vue à distance ; elle fera quelque peu
l’effet de la butte du Lion à Waterloo, et nous craignons '
fort que sa situation hors de l’axe des boulevards Ansp’ach et
du Hainaut n’ajoute encore à son effet déplaisant.
Un coup d’œil rapide au boulevard de la Senne, avant de
suivre le boulevard Anspach, nous permettra de signaler la
façade du théâtre du Cirque, de l’architecte Cluysenaer (où
provisoirement, depuis quelques années, s’est installé le théâtre
flamand), avec sa grande arcade largement traitée embrassant
deux étages, dont la forme rectangulaire du fond, comprenant
deux étages de fenêtres banales, est cependant assez déplai-
sante. Remarquons en passant que cette arcade pousse au vide
et qu’elle nous donnerait des craintes très justifiées en cas
de démolition des constructions voisines qui lui servent de
contreforts; l’hôtel de M. Desmedt, n° 63, de 1 architecte
Samyn (18e prime), et l’hôtel de la Compagnie d’assurances,
nos 53 et 55 (11e prime), par M. De Keyser. Signalons, dans
un autre ordre d’idées, la longue façade nos ii5 à 121 comme
une de ces horreurs qui indigne les gens de goût, et regar-
dons le reste avec une indifférence bien méritée.
C’est au boulevard Anspach que se trouvent la maison
Thonet de l’architecte Félix Laureys, le café Sesino de M. De
Keyser (5e prime), la maison nos 14 et 16,-très jolie et très ori-
ginale, par notre confrère Samyn (12e prime).
C’est là également que l’architecte De Curtë a construit le
passage des Postes que, nous l’avouons franchement, nous
n’aimons pas du tout. L’ensemble est monotone, malgré la
profusion de détails et la richesse de l’ornementation. Le
colossal fronton qui le couronne ne suffit pas à lui donner du
mouvement, et les balcons presque uniformes des étages ne
sont pas heureux ; leur forme se dégage difficilement, c’est un
véritable fouillis.
Nous estimons trop le talent incontestable de M. De Curte
pourne paslui dire ici, sans réticence, ce que nous pensons de
cette façade, que lui-même doit considérer comme une erreur
qu’il ne commettrait certainement plus.
Le Grand-Hôtel, dont les plans sont dus à un architecte fran-
çais, M. Lhomme, occupe à peu près tout le carré (ce carré est
un rectangle) entre les halles, le boulevard, les rues des Halles
et des Vanniers. Il est d’une architecture de maisons à loyer
de Paris, sans autre mérite que ses vastes dimensions ; nous
n’en exceptons pas l’intérieur, dont la luxueuse décoration poly-
chrome et la prodigalité de dorures qui éblouissent le public,
ne peuvent, à nos yeux, sauver la pauvreté et le goût détes-
table des détails. Mentionnons cependant l’entrée de l’hôtel,
le vestibule à trois travées et la cour qui sont traités avec une
certaine sobriété.
En face, une maison toute en pierre bleue, d’une architec-
ture déplorable, aux masses très lourdes, aux profils infor-
mes, aux balcons imités de bénitiers, due, croyons-nous, à
M. Hoste, attire les regards,mais non l’admiration; c’est une
vraie carrière de pierres de taille.
* *
Les Halles Centrales, de l’architecte Léon Suys avec la
collaboration de notre confrère Lamal, sont une construction
en fer, sobre, légère, agrémentée d’une ornementation en
fonte, analogue à celle des Halles de Paris, ’et dont on
ne peut dire grand’chose. Trouvées trop vastes lors de leur
construction, elles sont aujourd’hui insuffisantes; il en est
du reste presque toujours ainsi dans notre pays aux idées
mesquines et étroites, où l’on ne sait qu’à de rares exceptions
— le Palais de Justice, par exemple, mais avec exagération
dans le sens opposé — faire grand sans trop marchander
l’espace et l’argent.
*
* *
La rue Grétry est trop proche pour que nous n’allions pas,
en passant, examinerles façades en briques et pierre blanche,
dans lesquelles M. Mosnier, sous prétexte de Renaissance fia*-
mande, interprétation française, a fait un essai assez malheu-
reux, difficile à apprécier sans devoir être très désagréable à
ses architectes, et revoir avec plaisir la maison originale,
construite à l’angle de la rue des Fripiers, pour compte de
M. Plumlcett, par notre confrère Samyn, dont nous avons
déjà eu si souvent l’occasion, dans nos colonnes, de constater
le talent.
Revenant aü boulevard Anspach nous trouvons : à gauche,
n° 46, la maison Luppens qui malgré la banalité de ses'élé-
ments, n’est pas entièrement dépourvue de qualités ; son
écroulement partiel pendant sa construction fut la cause
d’un procès assez retentissant, à l’issue duquel le géomètre
auteur des plans fut condamné, bien qu’il prétendît n’être
intervenu dans la construction qu’à titre consultatif; à droite,
la maison Thierry, des architectes Casterman et Saintenoy,
qui possède peut-être quelques mérites, mais dont l’ensemble
ni les détails n’offrent rien de bien intéressant.
Puis, à gauche encore, nos 60 et 70, deux façades dues au
talent très reconnaissable de M. Janlet, l’une d’une ordon-
nance tranquille et très sobre d’ornementation ; l’autre, le Café
de la Bourse, qui obtint la deuxième prime au concours, que
nous considérons à juste titre, comme une des meilleures
conceptions qui ont été produites durant la période triodé-
cennale dont nous nous occupons.
Ajoutons, pour ne rien omettre, que l’étroite façade aux
prétentions égyptiennes, rue Marché-aux-Poulets, appartient
à une des Loges maçonniques ; l’intérieur, qu’il nous a été
permis de voir il y a quelque temps, est en tous points digne
de l’extérieur; c’est triste de voir ainsi maltraiter l’antique
architecture des Pharaons, qui a incontestablement droit à
plus d’égards. (A. continuer.)
ŒUVRES PUBLIÉES
es planches nos 35 et 36 ont pour objet les faça-
des des hôtels élevés place du Congrès, d’après
les plans de feu Poelaert, à la suite d’un concours
auquel prirent part en 1840 un assez grand nom-
bre d’architectes.
Ce fut, croyons-nous, un des premiers concours ouverts en
Belgique; il fut suivi bientôt de ceux de l’église de Laeken,
du Palais de Justice, de l’église Sainte-Marie, etc.
Nous donnons, planches 37 et 38, les plans et la façade prin-
cipale du projet présenté par notre regretté directeur feu
Charles Neute, au concours ouvert par la commune de
Schaerbeek pour une maison communale.
Ce projet, qui se fait surtout remarquer par son_excellente
distribution intérieure, avait été désigné par le jury dans son
premier rapport pour la deuxième prime ex cequo avec ceux de
MM. Dumortier et Van Rysselberghe publiés dans notre
Xe année.
Il portait pour devise S et H entrelacés et nous en avons
apprécié les mérites dans le compte rendu de ce concours (1).
Malgré nos instances, notre trop modeste ami n’avait jamais
voulu consentir à la publication de son travail, qu’il jugeait
beaucoup trop sévèrement; notre Comité de Rédaction était
loin de partager son avis, il appréciait hautement, au con-
traire, les qualités de ce projet que Neute avait étudié avec
tout le soin et le talent qu’il apportait toujours à tout ce qu’il
faisait ; aussi a-t-il cru pouvoir le mettre sous les yeux des lec-
teurs de l’Émulation, dans le double but de leur être utile, de
faire connaître l’œuvre de notre estimé confrère Charles N eute
dont nous déplorerons toujours la perte et de rendre ainsi un
légitime hommage à sa mémoire.
Le tombeau de Louis Hymans, planche 3g, est l’œuvre de
notre sympathique collaborateur M. Ernest Acker. Les plans
lui en furent confiés à la suite d’un concours ouvert par le
Cercle artistique en i885 et dont nous avons commenté le pro-
gramme dans notre n° 2 de la Xe année, col. 18.
N ous croyons pouvoir affirmer que la nouvelle conception
de M. Acker est digne de sa devancière, le monument de
l’Eau d’Andrimont, que nous avons reproduit l’année der-
nière (2) ; on y retrouve, dans une silhouette toute différente,
la correction, la pureté de profils, la distinction de détails,
qui constituent la plus grande part des mérites que peut avoir
un monument funéraire.
Le monument Hymans est construit en pierre d’Euville,
sauf le soubassement qui est en grès de Bretagne, d’un ton
gris tacheté de noir. Le médaillon, en bronze à patine flo-
rentine, a été modelé par M. Vinçotte, et c’est M. Houtstont
qui a exécuté la sculpture ornementale.
(1) VIIfi année, col. 3 à 6.
(2) Planche 42, Xe année. |