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L’ÉMULATION.
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culières élevés dans notre pays, et nous citerons notamment
la Maison du Roi, à Bruxelles, due à M. l’architecte Jamaer.
« A ce sujet, Monsieur le Ministre, permettez-nous une
diversion qui a bien son importance : actuellement le Gouver-
nement et, à son exemple, beaucoup d’autres administrations,
font dresser les plans des monuments à construire par des
architectes particuliers, qui n’ont pas même à soigner l’exécu-
tion de l’entreprise, mais qui cependant, fiers de leur œuvre,
désirent y donner tous leurs soins et se charger même de la
confection des épures, alors qu’ils ne sont nullement rétribués
pour ce travail.
« Cet usage nous est très préjudiciable ; nous n’avons pas
besoin de vous dire que l’étude d'une façade en pierre bleue
demande beaucoup plus de travail que la même façade en
pierre blanche ; aussi désirerions-nous que les deux plans
soient payés différemment, ou, si vous craignez que cette
mesure n’occasionne de nouvelles charges pour le Trésor
public, que vous nous autorisiez à payer le salaire dû pour
tout travail, sans que ce fait puisse, comme aujourd’hui, être
considéré comme une prévarication.
« Nous croyons devoir, de nouveau, appeler votre attention
sur l’admission à conditions égales du calcaire dévonien et de
la pierre dite de petit granit : par une requête du 12 mai 1886
nous vous avons exposé longuement les motifs qui nous
engageaient à vous demander que les adjudications se fissent
en deux hypothèses, en donnant un avantage au petit granit
comme on le fait du reste en faveur du porphyre dans les
entreprises de pavage ; cette mesure serait équitable et par-
faitement justifiée.
« Il nous reste, Monsieur le Ministre, à vous faire connaître
les moyens qui, d’après nous, peuvent atténuer la triste situa-
tion qui va être faite à nos ouvriers :
« i° Obtenir du Gouvernement français, lors de la discus-
sion d'un nouveau traité de commerce, des atténuations aux
droits d’entrée en France sur le tarif minimum voté par les
Chambres françaises ;
« 20 Obtenir du Gouvernement allemand une interpréta-
tion très large en pratique du dernier traité beige-allemand ;
« 3° Mettre immédiatement en adjudication (et c’est ici le
point principal et ne dépendant que du Gouvernement belge),
tous les travaux dont les projets sont étudiés et notamment :
« L’Arc de Triomphe du Palais du Cinquantenaire ;
« L’écluse du canal de Charleroi à la Porte de Flandre, à
Bruxelles ;
« La station de l’Est, à Anvers ;
« La station du Sud, à Anvers ;
« Le prolongement du quai, à Anvers ;
« La maison du pilotage, à Anvers ;
« Une nouvelle section du canal du Centre ;
« La construction des ponts Léopold devant relier le canal
de Willebroeck à celui de Charleroi, et quantité d’autres tra-
vaux dont l’utilité est incontestable et parmi lesquels nous
citerons d’abord le canal de Bruges à la mer et l’approfondis-
sement du canal de Willebroeck.
« Cette dernière entreprise seule serait de nature à donner
du travail à nos carrières pendant plusieurs années.
« Nous ne doutons pas que vous voudrez bien apporter le
plus grand intérêt à notre requête et vous présentons, Mon-
sieur le Ministre, l’assurance de notre haute considération.
« Le Secrétaire-adjoint, « Le Président,
« M. Legrand. « J.-B. Velge. »
es directeurs des Ardoisières de Belgique viennent de
1 P lancer le manifeste suivant :
« Monsieur,
« Les soussignés exploitants d’ardoisières belges prennent
la liberté de vous recommander l’emploi des ardoises indigènes
pour les toitures que vous avez à faire exécuter.
« Nos voisins de l’Est et du Sud, tout en protégeant leur
industrie ardoisière par des droits de douane assez élevés,
veillent encore avec un soin jaloux à l’emploi exclusif des
ardoises de leur pays pour la couverture des édifices publics.
Il est donc juste que nos produits soient aussi protégés en
Belgique et y obtiennent le bienveillant appui des Architectes
et des Administrations publiques.
« Les ardoises françaises jouissent chez nous d’une faveur
trop marquée et pas assez justifiée. Elles doivent cette situa-
tion à la facilité quelles ont eue, de tout temps, d’entrer en
Belgique par eau et par les premiers chemins de fer, alors
que nous en étions encore réduits aux moyens de transport
les plus primitifs. Les ardoises françaises ont donc surtout
l’avantage du premier occupant.
« Les ardoises de nos différents bassins leur sont cepen-
dant supérieures sous beaucoup de rapports : d’une plus forte
épaisseur, d’une pierre dure et tenace, elles ne donnent pas
lieu, comme les ardoises trop minces, à de fréquentes et coû-
teuses réparations. Leur couleur est généralement d’un bleu
foncé inaltérable.
« Nos ardoises ne sont pas plus chères que les ardoises
étrangères ; elles sont plutôt d'un prix plus avantageux, et elles
donnent des toitures réunissant les meilleures conditions de
solidité, de durée et de nuance uniforme.
« En faisant emploi des ardoises du pays, vous prenez
soin des intérêts bien entendus de vos commettants, en même
temps que vous soutenez l’industrie nationale.
« N ous avons donc lieu d’espérer que vous voudrez bien
prescrire l’ardoise belge pour toutes les toitures que vous
aurez à faire exécuter. Nous vous en remercions d’avance et
vous prions, Monsieur, d’agréer nos salutations empressées, »
(Suivent les signatures.)
Pourquoi les ardoisiers ne demandent-ils pas, comme les
maîtres de carrières de petit granit, de coopérer à augmenter
les honoraires des architectes qui emploieront leurs produits à
l’exclusion de ceux de provenance étrangère ?
Et après cela viendra le tour des maîtres de carrières de
pierres blanches du pays, etc., etc., et l’on verra bientôt les
honoraires des architectes décuplés ! (Sans prévarication,
oh! non!)
BIBLIOGRAPHIE
Prolégomènes à l’étude de filiation des formes des
fonts baptismaux, depuis les baptistères jusqu’au sei-
zième siècle, par M. Paul Saintenoy, architecte.
Mr Saintenoy, dont nous parlions dernièrement à pro-
pos de la décoration du Palais du Peuple, à Bruxelles,
vient de faire paraître un ouvrage très intéressant
d’architecture comparée sur les baptistères, depuis les origines
jusqu’à la fin du seizième siècle. Nous ne pouvons ici
qu’analyser sommairement cette étude très remarquable,
mais il est bon, croyons-nous, de la signaler à nos lecteurs.
Dans un avant-propos magistralement écrit, il passe en
revue ce qu’il appelle la filiation des formes de ses fonts.
Ceci est de la haute esthétique qu’on dirait inspirée par les
idées de notre savant directeur, tant elle est philosophique et
profondément humaine. Après, abordant son sujet, M. Sain-
tenoy passe en revue les baptistères de la primitive Eglise,
avec leurs piscines et leurs cuves, puis il arrive aux fonts
eux-mêmes, qui succèdent à ces constructions, surtout faites
pour le baptême par immersion. Une étude des ciborium,
édicules élevés sur les fonts baptismaux eux-mêmes et dont
l’usage se conserva jusqu’à la Renaissance, et même jusqu’au
règne de Louis XIV, succède à son premier chapitre ; elle
est des plus instructives.
Puis il revient aux bassins placés en contre-bas du sol dont
il donne des spécimens variés. Puis aux fonts à formes rudi-
mentaires, aux fonts cylindriformes, cubiques, coniques, trapézoï-
daux, etc., sur lesquels il disserte avec la science que vous lui
connaissez.
Des cuves inférieures, il passe à celles que l’on plaça sur
un socle; le baptême était alors devenu un simple ondoiement
de la tête. Ensuite, il traite des bassins acostés de colonnettes
comme ceux de Chartres et de Cluny, dont il explique le
symbolisme en donnant la signification des têtes qui accom-
pagnent ces colonnettes et qui ne sont que les figures des
fleuves du Paradis terrestre : Géon, Phison, Tigre et Euphrate.
Poursuivant toujours sa thèse du transformisme nécessaire
de l’architecture suivant les besoins du culte, il arrive aux
fonts monopédiculés. Les gravures qui accompagnent son texte
le rendent d’une lucidité parfaite, malgré l’aridité de la
matière.
M. Saintenoy termine ses prolégomènes par des exemples
nombreux de fonts des époques plus récentes.
Ses tableaux chronologiques, ses classifications métho-
diques pourront être d’une utilité grande pour ceux de nos
confrères qui voudront étudier cette question qui ne manque
pas d’importance. Nous regettons de ne pouvoir consacrer
que quelques lignes à une étude aussi consciencieuse, mais
de la lecture attentive de cette œuvre, il ressort un fait que
nous constatons : c’est que nos voisins font en architecture
des progrès énormes, grâce à leur étude approfondie du
passé, et que c’est du Nord décidément que, pour notre art
si grandement humain, nous viendra la lumière (1).
H. Raison.
(Semaine des Constructeurs.)
CONGRÈS
Le Congrès des architectes français
e Congrès annuel des architectes français
s’est réuni à Paris, sous la présidence de
M. Daumet, de l’Institut, président de la
Société centrale des architectes français.
A partir de la séance d’ouverture, qui a
eu lieu, dans l’après-midi de lundi, à l’hé-
micycle de l’Ecole des beaux-arts, le Con-
grès a partagé tout son temps entre des pro-
menades pratiques et des discussions théoriques.
Il a successivement visité, au cours de ses promenades, les
travaux du Musée Galbera, sous la conduite de M. Ginain,
de l’Institut ; le Musée d’architecture comparée, au Trocadéro,
sous la conduite de M. Bourdais; la Bourse du travail, sous
la conduite de M. Bouvard; les nouveaux bâtiments du Con-
servatoire des arts et métiers, sous la conduite de M. Ancelet,
de l’Institut ; les nouvelles salles de la Cour d’appel et de la
(i) Nous insérons ces lignes en remerciant vivement M. Raison et son
savant directeur, M. César Daly, de leur bienveillance à l'égard de notre
ami et collaborateur. (Note de la Rédaction.) |