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L’ÉMULATION.
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pies bourses de voyage à donner comme encouragement à de
jeunes architectes, pour leur permettre de voir ce qui se fait
à l’étranger.
Il faut bien tenir compte de l’état de choses existant : il n’y
a pas d’école ni d’académie où l’enseignement est suffisam-
ment développé, au point de vue scientifique surtout. Sans
rien retrancher des desiderata formulés autrefois sur ce point
par la Société, plutôt que de faire passer un examen très
incomplet, supprimons celui-ci transitoirement.
Le moment est, du reste, bien choisi pour demander la
révision du programme du concours de Rome, M. Beernaert
ayant lui-même déclaré que cette révision était réclamée, non
sans raison.
M. Saintenoy est partisan du maintien de l’examen; car,
quel qu’en soit le titre, le concours sera toujours considéré
comme le couronnement des études scolaires. Il ne s’agit
pas, du reste, de maintenir le programme défectueux de
1842, mais, au contraire, d’élaguer de celui-ci toutes les par-
ties inutiles, et d’y ajouter tout simplement quelques éléments
de physique, de chimie, une application des règles de la con-
struction et l’histoire de l’art, science qui, embryonnaire en
1842, a acquis aujourd’hui une grande importance.
M. Saintenoy dépose donc la proposition suivante :
« L’épreuve préparatoire comprendra un concours auquel
« sera consacré un tiers du nombre total des points affectés
« à la dite épreuve, et portera, à défaut d’un pareil enseigne-
« ment dans les écoles d’architecture, sur un programme
« scientifique à établir sur l’ensemble des études de l’ensei-
« gnement moyen, en y adjoignant la construction et l’his-
« toire de l’art. »
M. Canneel rappelle que les matières de l’examen actuel,
bien que très insuffisantes, sont souvent ignorées des concur-
rents, et qu’un second examen à passer par les lauréats est
institué dans le but de faire entre-temps acquérir à ceux-ci les
connaissances élémentaires indispensables.
Il est donc, dans les conditions actuelles, inutile de
demander le renforcement de l’examen, et comme mesure
transitoire, en attendant la création d’une école d’art, avec
un programme scientifique assez étendu, il est préférable de
supprimer l’examen illusoire que l’on fait subir actuellement.
M. Brunfaut entend beaucoup parler de science, mais
voudrait ne pas voir perdre de vue le point essentiel : l’archi-
tecture.
Le temps passé à revoir les matières de l’examen actuel,
serait mieux employé par le concurrent, s’il était dépensé à
l’étude de l’histoire de l’art. Il y a tant à apprendre en archi-
tecture ! Le lauréat ne fera de voyage utile que s’il est bien
préparé pour s’assimiler les choses qu’il lui sera donné de
voir.
Dans les académies, la majorité des jeunes gens n’ont évi-
demment pas, par suite de l’état de fortune de leurs parents,
dépassé les classes de 4e ou de 5e professionnelle. Ils peuvent
cependant devenir de bons dessinateurs et d’excellents archi-
tectes.
Une instruction moyenne complète est l’exception, excep-
tion dont on ne peut faire la loi générale.
Supprimons donc le prix de Rome, dont le programme est
suranné, et donnons aux jeunes gens l’espoir de pouvoir
compléter leur instruction artistique par des voyages à
l’étranger. Dans ce but, instituons des concours analogues à
ceux qui existent, notamment en France.
M. De Becker se rallierait à l’avis de M. Brunfaut, s’il
lui était prouvé qu’il y a incompatibilité entre les connais-
sances artistiques et scientifiques. Tout architecte doit, dès
25 ans, posséder au moins les éléments de certaines sciences.
M. Vandenberg croit entrevoir dans la discussion une
sorte de confusion entre deux questions bien distinctes :
d'une part, la question du diplôme d’architecte et de pro-
gramme résumant les connaissances nécessaires pour son
obtention ; d’autre part, le remplacement du concours de
Rome par des bourses de voyage décernées à la suite d’un
examen, comportant les matières d’un programme à déter-
miner.
Faut-il supprimer le prix de Rome? Oui. C’est une insti-
tution caduque. Envoyer à Rome pendant quatre ans un
jeune homme mal préparé, est une coutume surannée.
Le fond de la discussion est là.
La question du plus ou moins de science à mettre au pro-
gramme, n’est qu’accessoire.
Rend-on un mauvais service à un jeune homme en lui per-
mettant de voyager ? Evidemment non ; mais il doit être
entendu qu’il ne s’agit plus du concours de Rome, faux cou-
ronnement d’une carrière non entamée, mais de concours pour
des bourses de voyage, permettant aux lauréats de passer
quelques mois non seulement à Rome, mais en tous pays.
Comme pour le prix Wicard à Lille, le lauréat, avant son
voyage, soumettra son programme à des gens compétents,
à qui il fera également parvenir ses croquis et études de
voyage, pour prouver qu’il travaille.
— La discussion générale est close.
M. Hasse propose de mettre aux voix le vœu, tel qu’il
est formulé à l’ordre du jour, mais en le scindant en deux
parties :
i° Suppression des concours dits de Rome pour l’architec-
ture ;
20 Remplacement de ceux-ci par des concours pour des
bourses de voyage.
M. Govaerts préconise le vote sur l’ensemble de l’article
de l’ordre du jour,
MM. Soubre et Ledoux estiment que la question est
insuffisamment étudiée, et qu’il y a lieu de la renvoyer pour
avis aux sections de province.
M. Van Arenberg abonde dans le même sens.
M. Acker combat tout ajournement.
MM. Dümortier et Canneel croient que le principe des
modifications proposées peut tout au moins être mis aux
voix.
M. Saintenoy partage cet avis, car d’un vote sur l’en-
semble du projet résulterait le rejet préalable de la proposi-
tion développée au début de la séance.
— La pioposition de M. Hasse est mise aux voix.
La première partie en est admise à l’unanimité.
M. Horta s est toutefois abstenu de voter, car l’appella-
tion concours de Rome ou bourses de voyage, est pour lui chose
accessoire et indifférente.
— La seconde partie de la proposition est admise à l’una-
nimité moins une voix, celle de M. Hasse, qui ne veut
pas votei les bourses de voyage, le programme pour l’obten-
tion de celles-ci étant resté jusqu’ici trop indéterminé.
— Sur la proposition de M. Soubre, il est décidé, en
outie, que le rapport de M. De Vestel, qui a servi de base à
la discussion, sera publié dans l’Emulation, et envoyé pour
examen et avis aux sections de province.
M. Peeters exprime le vœu de voir ces sections se pro-
noncer à bref délai.
— Adhésion.
La parole est donnée à M. Picquet, sur le 6e article à
l’ordre du jour, le cahier des charges-tjqoes.
Il est décidé que le cahier des charges proposé sera
envoyé, pour avis, à tous les membres de la Société; son
adoption définitive aura lieu trois mois après cet envoi.
Après une interruption de cinq minutes, la parole est
donnée à M. Saintenoy, qui fait une communication très
intéressante et très applaudie, sur l’architecture en Ecosse.
M. De Becker, chargé de faire rapport sur la question
des honoi aiies, entre d abord dans quelques considérations
historiques relatives au mode de rémunération de l’architecte
dans l’antiquité, au moyen-âge et dans les temps modernes,
puis il aborde l’examen de la question pendant la période
actuelle.
Trois systèmes sont en présence :
i° Le système de la réglementation ou de la tarification
pour tous les travaux quels qu’ils soient ;
2° Le système de la liberté absolue, laissant aux parties,
architecte et propriétaire, le soin de déterminer dans chaque
cas spécial le montant des honoraires qui seront dus ;
3° Le système mixte qui admet la tarification pour tous les
travaux ordinaires et la convention préalable pour les tra-
vaux extraordinaires.
Après avoir montré les difficultés d’application des deux
derniers systèmes, le rapporteur s’occupe du premier.
Le système de la tarification a donné lieu à de nombreuses
combinaisons, depuis le tarif uniforme de pluviôse an VIII,
fixant à 5 p. c. pour tous les travaux indistinctement le mon-
tant de l’honoraire, jusqu’au tarif différentiel des architectes
allemands, qui, tenant compte de l’importance et de la classi-
fication des travaux, fait varier le montant de l’honoraire de
2 p. c. à 11 p. c. (1).
A ce propos, le rapporteur examine et discute les princi-
paux tarifs préconisés dans les divers pays d’Europe et
d’Amérique, et spécialement ceux du Royal Institut of British
Architects, de la Société suisse des architectes de Neuchâtel, de la
Société des architectes genévois, de Y American Institute of Archi-
tects, etc., etc,
Puis il aborde l’analyse des travaux auxquels s’est livré
depuis de nombreuses années le Congrès national des archi-
tectes français.
Après bien des discussions, dans lesquelles des hommes
de la plus haute compétence ont défendu des systèmes aussi
nombreux que variés, le Congrès, statuant sur le rapport de
M. Roux, a adopté des conclusions que l’on peut résumer
comme suit :
Le montant des honoraires sera basé sur le total du règle-
ment (ou du devis) et non sur la somme dépensée, après
application du rabais de l’entrepreneur.
Les travaux seront classés d’après leur nature en ordinaires
et extraordinaires.
Pour les premiers on adoptera le tarif uniforme de 5 p. c.
Les seconds seront subdivisés en travaux artistiques, rému-
nérés à 7 p. c., et en travaux extra-artistiques et dangereux,
qui donneront droit à des honoraires de 10 p. c. du montant
de la dépense.
Tous les travaux de moins de 10,000 francs seront payés
au taux uniforme de 10 p. c.
Cette solution serait acceptable si l’on pouvait la faire pré-
valoir en Belgique ; toutefois le rapporteur est d’avis qu’il
serait désirable d’organiser parmi tous les architectes du
pays une sorte de referendum pour déterminer à quel système
la majorité de notre corporation entend se rallier.
(1 ) Le tarif différentiel proposé par les Architectes marseillais va plus
loin encore dans cette voie, car il fait osciller le quantum des hono-
raires entre 2-5o p. c. et 17-30 p. c. du montant de la dépense. |