Full text |
nous ne voulons pas trop étendre notre travail et d’ailleurs ce
récit, par sa note drôle, serait mieux à sa place à la fin de la
séance de ce soir. Nous nous contenterons de rappeler à nos
auditeurs les concours de l'hôtel communal de Schaerbeek,
de l’hospice de Liège et de l’Harmonie de Verviers. Le pro-
gramme de ce dernier concours dépasse tout ce qui a été fait
et nous ne croyons pas inutile de le résumer.
Les concurrents avaient à fournir : les plans du rez-de-
chaussée, des étages et des caves ; toutes les façades et deux
coupes à l’échelle de 0.02 ; de plus, les détails demi-grandeur
de toutes les moulures et ornements tant extérieurs qu’inté-
rieurs, et enfin un devis détaillé en vue de l’adjudication. La
construction pouvait coûter 35o,ooo francs et occuper une
surface de 1,3oo m. c. Pour ce travail il était offert une pre-
mière prime de 2,5oo francs au projet déclaré le meilleur par
un jury à nommer par la Société, et une seconde prime de
5oo francs au projet classé deuxième. En échange de la prime
de 2,5oo francs, l’heureux auteur du projet primé devait four-
nir les épures nécessaires à l’exécution des travaux sans
nouvelle indemnité, de sorte que la Société d’Harmonie de
Verviers, qui n’est pas pauvre puisqu’elle peut se faire con-
struire un local valant 35o,ooo francs, offrait à son architecte
moins d’un pour cent d’honoraires. C’est tout simplement
scandaleux, et cette façon d’agir a été caractérisée dans notre
organe, l'Émulation, comme elle méritait de l’être.
On ne voit pas tous les jours des choses aussi fortes que
celle-là, mais souvent des injustices ont été commises, des faits
blâmables se sont passés.
Nous pouvons donc accepter comme justes les réponses
données par M. Davioud et, partant de là, nous allons cher-
cher ce qu’il y aurait à proposer pour remédier à l’état de
choses existant.
Le Congrès de Paris, dans le même but que le nôtre,
a proposé le concours à deux épreuves. Les partisans de ce
système ont dit ceci en résumé : « Un architecte qui a une
mauvaise idée, ne s’en rend pas compte toujours ; il l’arrange,
l’étudie et finit par croire quelle est bonne. L’exposition
arrive et une minute suffit parfois pour ouvrir les yeux au
concurrent ; mais, malheureusement, pendant un mois ou
deux, il a perdu son temps, son argent et négligé ses affaires
courantes pour étudier une idée.qu’il reconnaît défectueuse.
Une esquisse, au contraire, se trouve rapidement; elle est
jugée, et on voit tout de suite si l’on a quelque chance de
réussite. Il faut donc en arriver à faire un concours d’es-
quisses d’abord. Les auteurs des esquisses désignées par le
jury seront alors appelés à faire le concours définitif. »
Voilà ce qu’ont dit en substance les partisans du concours,
à deux épreuves.
M. Hermant, adversaire de ce systême, tout en lui recon-
naissant de grands avantages, n’a pas voulu s’y rallier cepen-
dant, et il a objecté ceci : « Le concours à deux degrés me
gêne un peu. Il y aura deux programmes, et le deuxième
programme paraît à tout le monde devoir être le développe-
ment du premier. Dès lors, le danger du concours à deux
degrés, c’est qu’on s’est livré dans son esquisse, qu’on a donné
son idée dont le voisin peut s’emparer et arriver ainsi à faire
un projet rendu meilleur, tout en ayant eu une esquisse
moins bonne.
« Si le deuxième programme n’est pas l’agrandissement du
premier, à ce point que le projet rendu puisse s’appuyer sur
la première esquisse, le danger est qu’on ne sera pas certain
que le projet classé premier sera le meilleur ! »
Les inconvénients signalés par M. Hermant sont sérieux;
mais ne sont-ils pas compensés par l’avantage de ne faire
perdre du temps à personne ?
Le Congrès de Paris a cherché longtemps à obvier aux
inconvénients signalés. Un seul système a été trouvé efficace,
mais il n’a été défendu par personne. Il consistait à ne rendre
publique l’exposition de la première esquisse que lors du
jugement du concours définitif. Les auteurs des esquisses
choisies auraient été tenus de faire leur nouvelle étude d’après
des calques pris avant l’envoi des dessins.
Finalement, le concours à deux épreuves a été admis en
section par 27 voix contre 19.
L’Assemblée générale, ne voulant pas entrer dans la discus-
sion des.détails, a voté les deux résolutions suivantes :
« Le Congrès émet le vœu que les concours publics soient
l’objet d’une réglementation d’ordre public, émanée de l’auto-
rité supérieure.
« Le Congrès délègue son bureau pour suivre auprès du
gouvernement français la solution de cette question, en s’in-
spirant des discussions qui ont eu lieu devant lui, soit en
commission, soit en assemblée générale. »
Le principe adopté par le Congrès de Paris a été admis
par notre Société, dans sa séance du 3o octobre 1884. Nous
espérons que vous le maintiendrez, Messieurs, et nous don-
nerons plus loin des détails sur sa mise en pratique.
M. Davioud, nous l’avons dit plus haut, donnait également
pour motiver l’abstention de tant d’architectes aux concours
publics, cette raison que de nombreuses injustices ont été
commises. Ce dernier motif appelle l’examen de l’organisation
complète des concours publics. Voyons donc ce qu’il y aurait
à faire pour donner satisfaction aux architectes, en ce qui
concerne le programme, le concours à une ou deux épreuves,
le jury et la question des primes.
LE PROGRAMME
Les architectes, jusqu’ici, se sont peut-être trop exclusive-
ment occupés de la composition du jury et ont négligé un
point tout aussi important. Nous voulons parler de la rédac-
tion du programme. A mauvais programme, mauvais con-
cours, peut-on dire. Jusqu’à maintenant, les collèges échevi-
naux, les sections des travaux publics ou les administrations
des hospices se sont occupés de la rédaction des programmes
de concours. La façon dont ces documents sont généralement
compris, atteste que l’on trouve rarement dans les administra-
tions communales et celles des hospices, des hommes capables
de préparer convenablement un concours d’architecture.
Les administrations, quelles quelles soient, doivent être
représentées dans la commission du concours, c’est évident;
ce sont leurs délégués qui ont à faire connaître leurs inten-
tions et leurs désirs, qui peuvent seuls indiquer les locaux
nécessaires aux différents services d’un édifice, choses qu’en
certains cas les architectes ne sont pas tenus de savoir. Mais,
à côté de ces délégués, il est de toute nécessité qu’au moins
un architecte d’expérience fasse partie de la commission, afin
qu’il puisse voir si les exigences des administrations sont en
rapport avec la surface du terrain ou la somme destinée à la
construction. Que de fois n’a-t-on pas vu des concours donner
un mauvais résultat, parce que matériellement il n’y avait pas
moyen de placer tous les locaux demandés sur l’emplacement
désigné. Les commissions de concours, ou de programmes devraient, à
notre avis, être composées d'un certain nombre de délégués de l'adminis-
tration qui ouvre le concours, deux ou trois au plus, et auxquels seraient
adjoints un- architecte et une personne dont les connaissances spéciales
seraient en rapport avec le genre d’édifice à construire.
Au sujet du programme, nous avons trouvé dans le Building
News de 1884 un article intéressant de M. Tuxford Hallatt.
En voici un passage :
« Les désirs des administrations ne sauraient être trop
clairement indiqués aux concurrents. Si les premiers connais-
sent une constructioia existante qui répond à leurs désirs, ils
feraient bien de le mentionner au programme. Si de même
ils ont l’intention de préférer tel ou tel style ou une disposi-
tion quelconque, il serait injuste de ne pas le faire savoir, car
il se pourrait que des concurrents obtinssent ces renseigne-
ments d’une façon détournée et eussent, de cette façon, un
avantage illégal sur leurs confrères. Il est particulièrement
- désirable que le prix de la construction soit indiqué.
« Il doit être entendu que la somme fixée est un maximum
et que tous les projets dépassant cette somme seront mis hors
concours, ou bien que le chiffre n’est mis que pour indiquer
aux concurrents le degré de luxe ou de confort que l’on
demande.
« A notre point de vue, il vaut mieux indiquer la limite de
la dépense et dire, si les deux choses ne sont pas possibles,
quelle est la plus importante des deux : ou de ne pas répondre
complètement au programme ou de dépasser le chiffre fixé.
On oublie trop que généralement il faut prendre un de ces
deux partis, et rien n’est plus ordinaire que des administra-
tions demandant un tas de choses tout à fait impossibles à
faire pour la somme allouée. »
Les idées de notre confrère anglais nous paraissent sensées
et nous croyons avoir bien fait en les citant ici.
LES CONCOURS A UNE ÉPREUVE ET A DEUX ÉPREUVES
Le concours à deux épreuves doit être recommandé lors-
qu’il s’agit de constructions relativement importantes ; lorsque
le travail exigé menace, par la somme d’études qu’il deman-
dera, d’écarter les architectes n’ayant pas tous leurs loisirs.
Jusqu’ici, en pays étranger, il n’y a guère eu de règle fixe
qui détermine quand le concours aura lieu à une ou à deux
épreuves. ’
En France, les concours de l’Hôtel de Ville, de la Maison de
répression de Nanterre, de la Sorbonne ont été à une épreuve.
Par contre, il y en a eu deux pour le concours de l’Opéra et
celui du monument commémoratif de la Constituante en 1880.
21
L’ÉMULATION.
22 |