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médaillon, œuvre réussie du statuaire Brunin, son ancien com-
pagnon d’études. Il restera ainsi le témoin de nos travaux; il
rappellera à nosmembres, à ceux qui l’ontpeu ou point connu,
à ceux qui continueront après nous l’œuvre ardue de la Société
Centrale d’Architecture, de quelle estime nous entourions cet
homme d’honneur, ce modèle de loyauté, d’abnégation et
d’absolu dévouement.
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* *
Les faits que je viens de vous exposer, Messieurs, prouvent
surabondamment l’utilité et la vitalité de notre association,
dont l’importance croît de jour en jour.
Vous comprendrez, Messieurs, l’importance de ses travaux
en constatant qu’indépendamment du journal qui fait l’objet
d’une administration spéciale, elle a dépensé depuis le Ier jan-
vier 1873, en frais d’administration, de publicité, de propa-
gande des concours, d’expositions, d’excursions, etc., près
de 80,000 francs.
Elle a certainement rendu de réels services à notre art ; on
ne peut nier que par ses voyages, son journal, ses relations
avec les sociétés d’architecture étrangères (I), la propagande en
faveur des concours, elle n’ait eu une certaine influence sur
les progrès de l’art architectural en Belgique. Mais nous vou-
lons faire plus encore, Messieurs. A côté des intérêts de l’art,
nous voudrions nous occuper aussi des intérêts matériels de
l’architecte, qui méritent aussi quelque attention ; c’est pour
cela surtout qu’il nous faut le concours de tous nos membres,
de tous nos confrères ; il est indispensable que nos correspon-
dants qui peuvent nous être très utiles dans l’étude des diverses
questions qui se rattachent à notre profession, nous viennent
en aide dans nos revendications vis-à-vis des autorités. Ce n’est
qu’à cette condition que nous deviendrons suffisamment forts
pour nous faire écouter de nos gouvernants. C’est pourquoi,
je le répète en terminant, nous avons institué les réunions
annuelles.
Nous avons porté à l’ordre du jour de la séance d’aujour-
d’hui, la question des concours publics, que nous considérons
comme une des plus importantes pour notre profession. Votre
présence parmi nous, nous permettra d’invoquer votre opinion
en même temps que la nôtre dans les démarches que nous
allons faire pour obtenir la réalisation des décisions que vous
aurez prises, des vœux que vous aurez émis. De votre côté,
vous pourrez en tenter d’autres auprès de vos Représentants et
de vos Sénateurs, et, par ces efforts communs, nous arriverons
certainement à faire triompher des idées qui n’ont en vue que
le bien-être général des architectes et le progrès de l’architec-
ture.
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L assemblée a entendu avec plaisir . retracer les faits qui
ont marqué les quatorze années qui viennent d’écouler ; elle
confirme par des applaudissements les paroles de remercie-
ment que son président adresse à M. Dumortier.
II. La conservation des Monuments historiques
M. le Président annonce à l’assemblée que M. Van
Riel, pi ésident de la Société des Architectes d’Anvers,
empêché d’assister à la séance, s’est fait excuser.
M. Saintenoy a bien voulu se charger de développer, en
son absence, la proposition relative a la conservation des
monuments historiques dans les termes suivants :
LISTE DES SOCIÉTÉS CORRESPONDANTES
(1) Association Architecturale, 9, Conduit Street, Londres, W.
Association royale des Architectes civils et Archéologues Portugais,
Lisbonne.
Institut royal des Architectes Britanniques, 9, Conduit Street,
Londres, W.
Maatschappij tôt bevordering der Bouwkunst, Marnixstraat, 402,
Amsterdam.
Société Académique d’Architecture, Palais des Arts, Lyon.
Société « Architectura et Amicitia », Marnixstraat, 400, Amsterdam.
Société Autrichienne des Ingénieurs et Architectes, Eschenbach-
strasse, 9, Vienne, I.
Société Centrale des Architectes, boulevard Saint-Germain, 168, Paris.
Société d'Architectes de Stuttgart.
Société des Architectes d'Anvers, rue Léopold, 45, Anvers.
Société des Architectes de la Seine-Inférieure, rue Saint-Lô, 40bis,
Rouen.
Société des Architectes et Ingénieurs des Alpes-Maritimes, avenue de
la Gare, 23, Nice.
Société des Architectes de l'Aisne, Saint-Quentin.
Société des Architectes et des Ingénieurs du Bas-Rhin et de la West-
phalie, Morsergasse, 11 et 13, Cologne.
Société des Architectes et Ingénieurs Suédois, 12, Hollanderagatan,
3 tr. upp., Stockholm.
Société des Architectes et des Ingénieurs Hongrois, IX, Esillag-Uteza,
12, Bude-Pest.
Société des Ingénieurs et des Architectes Italiens, via del Collegio
Romano, 27, Rome.
Société Impériale des Architectes, Académie impériale des Beaux-Arts,
Saint-Pétersbourg.
Société Régionale des Architectes du Nord de la France, rue Nationale,
87, Lille.
Messieurs,
Un éminent magistrat, M. Henri Schuermans, aujourd’hui
premier président de la cour d’appel de Liége, disait en i865
ces paroles émues que nous vous demandons la permission
de vous lire :
« Il y a un livre très curieux à faire : c’est l’histoire de ce
« qui adisparu et de ce qui disparaît en fait d’art. Ce n’est pas
« nous qui ferons ce livre, parce qu’il ne saurait être l’œuvre
« que de plusieurs ; mais nous voulons y fournir quelques
« pages lugubres dans lesquelles se révéleront de coupables
« et niaises incuries... Qu’on ne croie pas que c’est de gaieté
« de cœur que nous allons descendre au sein de ces ruines et
« de ces constatations douloureuses ; il ne saurait nous con-
« venir de faire à ce sujet du scandale uniquement pour le
« plaisir d’infliger une punition aux vandales, soit en les
« signalant à la risée publique, soit en flagellant leur sordide
« cupidité ; non, une pensée plus consolante nous anime,
« c’est celle de croire qu’en voyant le tableau des richesses
« perdues, on sera disposé à mieux conserver celles que nous
« avons encore... »
La liste qui suit ces paroles est longue et triste à lire.
Et notez qu’il ne s’agit que des monuments et objets d’art
dépendant des fabriques d’églises, M. Schuermans laissant à
d’autres le soin d’ajouter les « pages lugubres » qui forme-
raient la liste néfaste des méfaits commis sur les monuments
civils.
Dans la séance générale tenue le 19 janvier i865 par la
Commission royale des monuments, le même jurisconsulte
avait émis un vœu tendant, quant aux édifices et objets d’art
religieux, à renforcer la législation sur le temporel des cultes.
Après une assez longue discussion et sans rien décider en
principe, la Commission renvoya les pièces et le compte rendu
des discussions à M. le ministre de la justice pour examen.
Sans rechercher— pour le moment — ce qui en est advenu,
disons qu’il ressort de cette discussion que l’article 25y de la
loi pénale n’atteint pas la démolition ou la vente des monu-
ments historiques, mais simplement les actes de mauvais gré,
les déprédations.
C’est pourtant ce fameux article (1) que l’on invoque tou-
jours contre les demandes d’une loi protectrice des œuvres
d’art. Il est avéré — on le sait — par la jurisprudence des
cours et tribunaux que ses prescriptions n’atteignent que
l’auteur de déprédations contre les monuments élevés par
l’autorité publique ou avec son autorisation, qu’il punit le
gamin qui casse une vitre à un édifice municipal quelconque
tout en laissant parfaitement libre de le démolir, le posses-
séur du vieil édifice qui fait l’orgueil de toute une ville.
Dans le second cas, la loi est impuissante, tandis que dans
le premier elle frappe quand... elle le peut.
Il ressort en outre de la discussion dont nous parlions tan-
tôt que le décret de 1809 et la loi sur le temporel des cultes
sont impuissants à prévenir la vente ou la dégradation des
objets d’art appartenant aux fabriques d’église.
Il y a donc de ce côté urgence et utilité absolue à obtenir
une législation protectrice de nos vieux monuments religieux,
cet héritage de nos ancêtres que nous aurions dû depuis long-
temps mettre sous la main conservatrice de la loi.
Quant aux monuments civils, je n’ai pas à m’appesantir
longtemps à leur sujet; des démolitions à jamais déplorables
dont le souvenir est présent dans notre mémoire à tous, des
restaurations inhabiles qui les défigurent appellent une
répression.
Et que l’on ne vienne pas nous dire : la Commission des
monuments, chargée de la sauvegarde de ces édifices, est
armée contre ces faits. Non, la Commission des monuments
n’est pas armée contre ces actes de vandalisme. Oui, elle est
impuissante ; oui, elle doit laisser faire sans que ses efforts
produisent le moindre résultat.
Ses laborieuses négociations à propos des portes et de la
Tour Bleue d’Anvers en sont la preuve. Donc ici encore
nécessité d’une loi protectrice.
Pour les monuments tombés à la suite des révolutions ou
par d’autres causes dans le domaine privé, le mal est plus
grand encore.
Ici, des exemples arrivent en foule à ma pensée, les monu-
ments se présentent pantelants, ruinés, défigurés à ma mé-
moire, — il doit en être de même pour vous.
Je ne veux pas vous en citer pour des raisons de conve-
nance que vous comprendrez, mais je désire insister tout par-
(1) Code pénal, liv. I, art. 257. Quiconque aura détruit, abattu, mutilé
ou dégradé des monuments, statues et autres objets destinés à l’utilité ou
à la décoration publique, et élevés par l’autorité publique ou avec-son
autorisation sera puni d’un emprisonnement d’un mois à deux ans, et
d’une amende de 100 à 5oo francs.
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L’ÉMULATION.
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