Full text |
16 LA BELGIQUE.
victoire de Charles-Quint à Pavie. C'est un amoncellement d'inventions plus extraordinaires
les
unes que les autres, dans un cortège qui remplit la largeur de la Grande-Place, s'étale
en remous de bêtes et de gens, bat les maisons avec des ondulations qui ne finissent pas,
et, comme une prodigieuse ménagerie lâchée dans un flot de peuple, emmèêle parmi les
chars remplis de musiciens, de guerriers casqués, d’empereurs à dalmatiques, de personnages
affublés de robes écarlates, de jeunes vierges tenant des palmes, de grosses femmes
étincelantes sous leurs oripeaux à paillettes, la plus grotesque promiscuité humaine et
animale : montures bizarrement Caparaçonntes, démons dont la tête se dentelle en crête
de coq, hommes sauvages prolongés par des coiffures en plumes, dragons ailés, girafes,
chameaux, onagres, léopards, tout un monde chimérique qui semble reproduire les IMaAgI-
nations d'une race amoureuse du pittoresque et du boufton.
A peu près un siècle plus tôt, avait été créée la procession de l'Ommeganck, dont
toutes les folies populaires ne font que répéter à satiété les magnificences burlesques. Il
faut lire, dans les chroniques du temps, le détail du cortège qui sortit, en 41545, le
dimanche avant la Pentecôte : c'est le délire d'un peuple qui veut être amusé par des
gaietés épaisses, des entassements de drôleries, un spectacle interminable, Le sacré
sy mêle au profane: les dalmatiques, les chasubles, les ostensoirs, les baldaquins, les croix,
les bannières du culte s'allient aux diableries grimaçantes, au haut bonnet étoilé des
magiciens, à la marotte des fous, dans une confusion qui se rencontre dans quelques-unes
des fêtes à la fois religieuses et populaires du pays. On vit apparaitre là, successivement :
des prêtres, des confréries, des théâtres trainés par des chevaux et jouant les mystères
de la vie de Notre-Seigneur et de la Vierge; le diable, sous La forme d'un bœuf
monstrueux soufflant du feu et accompagné de deux enfants vêtus en loups; derrière lui,
les porte-bannière de saint Michel et le saint patron de la ville lui-même, représenté
par un cavalier couvert d'une armure étincelante. l'épée et la balance à la main; puis
les corps de métiers précédés de leurs étendards: un grand char sur lequel un ours
assis touchait un orgue d'une musique particulière, produite, au dire des chroniqueurs,
par les miaulements exaspérés de vingt-quatre chats enfermés séparément dans des caisses
et dont Îles queues étaient liées aux touches du clavier, ce qui amena sur le pâle
visage soucieux de Philippe I, présent à la fête, uu de ces rares sourires que l'histoire
COMPIA; puis encore des bandes de jeunes garçons, habillés les uns en singes ou en
cerfs, les autres en pourceaux, ceux-ci chargés de représenter au naturel la fable des
compagnons d'Ulysse; Je cheval Pégase; les quatre fils Aymon montés sur Bayard; un
griffon, des chameaux, des autruches chevauchées par des anges; un serpent vomissant
le feu; puis toujours des chars, au nombre de quatorze ou quinze, dont l'un, occupé
par un arbre à chaque branche duquel figurait un enfant, symbolisait les rois juifs,
ancêtres de la Vierge, et, comme pour allonger démesurément cette cavalcade déjà si
lourmillante, les patriciens, les serviteurs de la ville, les membres du magistrat, les
(rois ordres mendiants, le clergé: des paroisses avec la châsse de sainte Gudule, ete.
Ce ne sont, en ce règne brillant de Charles-Quint, que tournois, carrousels. tirs à l'arc,
concours de rhétorique, défilés pompeux, parades publiques, réceptions solennelles, prétextes
à fêter les souverains. Heureux peuple! serait-on tenté de Ss'écrier si l'on n'entrevoyait derrière
tout cet apparat la nécessité de complaire au maitre tout-puissant, et si à la gaité des parades
en plein vent, c
onfondant dans une large cohue merveilleusement reluisante d’or et de couleurs
vives les se
ISneurs, les bourgeois, les massiers et les serments, ces escrimeurs armés. de
piques et de ballebardes, tout en
blanc et bleu, ces archers en blanc, noir et rouge,
ces arbalétriers de Sain(-
ee É , .
Georges en rouge et blane, ces hommes d'armes, ces juges, ces
nl © |