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LE BRABANT. 23
différent de celui de la scène française, pantalonnades au gros sel, farces avec accom-
pagnement de grimaces et de coups de pied au derrière, affabulations burlesques, reposant,
presque toutes, Sur une observation assez juste du personnage, surtout quand ce personnage
se prête à une interprétation satirique. Il y a là comme une création spéciale, un peu
grosse, reflétant avec une jovialité expansive les drôleries et les ridicules d’un certain type
local, tenant tout à la fois du cockney, du jocrisse et du prud'homme. Naturellement, la
pure langue littéraire n'a rien de commun avec le jargon qu'on lui prête : c'est un patois
mixturé, dans lequel les mots français s'achèvent en désinences flamandes et les expressions
flamandes se greffent sur des tournures francaises; mais l'effet en est irrésistible quand à
la charge parlée s'ajoutent une mimique expressive et une tète sérieuse, rasée de près, d'une
rondeur sotte et bouflie.
Le Théâtre flamand, à Bruxelles et à Gand notamment, se dénonce personnel et
autochtone. La spontanéité du trait et la franchise des moyens comiques le rendent
souvent supérieur aux théâtres où se jouent des œuvres françaises. On y sent la
rigueur d’une observation moins soucieuse peut-être de visées littéraires, mais
préoccupée d'effets immédiats et d'observation exacte. Il a ses auteurs dont l'art s'alimente
aux sources nationales et reflète les mœurs et les types de la race, grand avantage sur
les auteurs écrivant en français et qui, sauf un très petit nombre demeurés fidèles à leur
pays, sont portés à imiter les genres de Paris. de parle ici de la comédie de mœurs et
de ce qu'on pourrait appeler le théâtre d'expression nationale dans ses modalités
ethniques. Encore faudrait-il mettre nettement à part l'admirable effort qui, avec d'ardents
et sensibles génies comme Maeterlinck et Verhaeren, substitua aux formes expérimentées
un théâtre de rêve et de forces mystérieuses.
L'acteur, l'interprète flamand est différent aussi des autres : il ne doit rien aux
conservatoires, aux écoles où se dénature l'instinct originel et particulariste. Rien chez lui
qui sente l'affectation guindée et la pose systématique de l'homme de métier, petit à petit
ankylosé dans ses roles et finissant par leur donner une tournure habituelle et comme
un même pli figé. I joue comme il sent avec une émotion sincère et spontanée.
Bien peu, d'ailleurs, sont des spécialistes faisant du théâtre par état; la plupart
s'improvisent comédiens au feu de la rampe et, le jour, sont commerçants, font des
métiers ou semploient dans des bureaux. Il ont des mœurs paisibles, une existence
modeste, familiale, et, le soir seulement, se transforment en crispins, en sganarelles ou
en héros.
IV
Coup d'œil rétrospectif, — Bruxelles historique. — La révolution brabançonne.
Bruxelles, l'humble bourgade obscure du sixième siècle, après avoir connu des fortunes
diverses, s'était petit à petit étendu au point de compter, en 1579, deux enceintes, sep
portes et soixante-quatorze tours. Devenue au temps de la cour de Bourgogne comme le
jardin des lettres et des arts, la vieille cité continua à fleurir sous l'épanouissement de
ces esprits, les poètes Jean Lemaire, Remacle de Florennes et Jean Second, les peintres
Franc Floris, Michel Coxie et Bernard van Orley, les architectes Keldermans, van Pede,
van Bodeghem, les savants Corneille Agrippa et Érasme. Riche, remuante, en proie à des |