Full text |
LE BRABANT. 101
de logis espacés sur le pourtour. On y pénètre aujourd'hui par un petit pont de bois, bâti sur
des arches en briques; mais le pont n'enjambe plus le moindre filet d’eau et rattache seulement
le bastion à la crète des anciens fossés, à demi comblés de hautes herbes qui lentement ont
envahi les pierres éboulées. Une clef, remisée chez le fermier voisin, vous ouvre le seuil de la
féodalité partout dormante dans l'ancien nid de vautours, et vous circulez dans ce passé plein
. d'ombres, évoquant, à la manière romantique, le fantôme des châtelaines dont vous croyez aper-
cevoir les pâles silhouettes errantes, où bien, si vous préférez les investigations positives, Vous
efforcant de reconstituer, d'après des réminiscences d'archéologie, l'outillage intérieur et le
détail des installations. Salle des gardes, barbacanes, tourelles aux escaliers colimaconnants,
fenêtres allongées par lesquelles coule un jour
sombre, restes de chapelle, débris d'âtres,
basses-fosses et oubliettes, rien ne manque
à ces ruines, malheureusement ravagées par
le paysan qui, vengeur inconscient des maux
soufferts par ses ancêtres, bâtit avec leurs
épaves les assises de sa maison. C’est la
{annière d'un carnassier, merveilleusement
organisée pour les rapines et l’extermination,
dans un pays plat où les hautes constructions
offriraient trop de prise.
; 4 . ? El ll
À moins de deux lieues de là, une autre RSS
:
i \
Il
oi
seigneuriale maison, domaine des sires de l
Gaesbeek, érige au milieu des bois, dans une
solitude admirable, ses longues façades coiffées
de toits en poivrière, avec des saillies de
pignons irréguliers, accrochés tant bien que
mal à un fruste et vétuste donjon. Tout étran-
olé qu'il est par les constructions parasites,
celui-ci a gardé son air sourcilleux et érige
fièrement ses blocs de maçonneries, découpés
en créneaux et percés de longues baies
pointues par-dessus l'ouverture d’une fenêtre
béante à mi-hauteur, dans l'axe du porche. ete
Mais le donjon seul demeure rébarbatif. Le RUINES DU CHATEAU DE BEERSEL.
train des grandes demeures féodales, le piaffe-
ment des haquenées, les allées et venues bruyantes des pages, l'aboi des meutes, le branle-bas
des remparts, le pas lourd des hommes d'armes, l'entrée des chariots gorgés de vivres, tout ce
fourmillement des ruches abondamment emplies aboutit aujourd'hui au silence d’une gentil-
hommière presque constamment déserte, où un concierge vous précède par les longs corridors
muets et les escaliers tapissés de nobles et graves portraits d'ancètres, un trousseau de clefs
dans la main. La visite a d’ailleurs son charme : quand on pénètre dans la séculaire salle des
gardes, encombrée de panoplies sombrement étincelantes sous la nappe de lumière déversée
par Ja haute fenêtre, il semble qu'une trouée s'ouvre sur l'humanité de sac et de corde dont
cette chambre-arsenal était comme l'organe essentiel; et tout à coup le spectacle des croupes de
bois moutonnant à perte de vue dans le clair miroir des vitres vous ramène à des sensations
de nature qui font oublier la mélancolie du lieu.
)
|
I
}
|
:
Ÿ |