Full text |
102 LA BELGIQUE.
Le pays garde à peu près partout, autour de Bruxelles, les mêmes Dee Quand on
a dépassé les installations industrielles de Molenbeek-Saint-Jean, le remuant faubourg dont
les fumées font au nord de la ville un perpétuel
nuage immobile, par dessus le grondement des
usines emplies d'une multitude pâle, on entre
dans une belle campagne unie, divisée en prairies
sillonnées par de petits cours d'eau et bordées
de longues files d'arbres, au milieu desquelles,
pressés et se touchant presque, se groupent des
villages riants. Toujours l’excursionniste est récom-
pensé par la découverte d'un coin pittoresque,
sur lequel s'exerce l’action très particulière de
la lumière. Elle est la magicienne, en effet, de
ces grandes étendues planes qui n'ont pas le
pittoresque farouche des contrées rocheuses et
tirent leur charme de la mobilité et de la succes-
sion des impressions lumineuses. IL faut avoir vu
l'ascension lente d'une aube de printemps sur
l'humide vert reluisant des pâturages brabancçons,
l'étincellement de toutes les herbes emperlées
CHATEAU DE GAESBEEK. d'aiguail sous les flèches d'or rougeâtre du soleil,
les scintillements profonds des canaux encaissés
entre les floraisons des berges, pour se faire une idée de la clarté partout réfractée et
tissant entre ciel et terre comme une immense guipure couleur d'arc-en-ciel. Les dégradations
du ton, dans cette mer de verdures prolongée jusqu'aux
horizons, s'effectuent par transitions insensibles, à travers
des couches d'air moite où les premiers plans se colorent
de teintes appuyées et lentement se fondent dans l'irisation
des lointains. L'hiver lui-même, avec ses fines blancheurs
diamantées et ses congélations transformant les hauts peu-
pliers en orfèvreries, garde ici comme l'enchantement
d'une féerie.
Les traditions et les particularités abondent, au surplus,
dans cette partie du pays. Chaque lundi de Pâques, comme
autour de Hal, vous verrez s'emplir les routes d'une popu-
lation dolente, les hommes et les femmes chargés de pâles
enfants débiles, aux petites têtes oscillantes, Il ne faut
pas oublier que nous sommes en terre flamande, terre de
foi et de grande dévotion. Toute cette foule se dirige vers
le village de Dieghem, dont la gothique église se coiffe
d'une haute tour bizarre à quatre étages décroissant vers
le sommet, avec des airs vagues de pagode. C'est le grand ÉGLISE DE SAVENTHEM,
pèlerinage de Saint-Corneille, guérisseur de convulsions,
quon voit à l'intérieur représenté en un tableau du peintre Crayer; et, l'un après l'autre,
les pèlerins apportent des offrandes en nature, chacun selon sa condition, grasses oies
charnues, moutons bélants, canes cacardantes, qui, à l'issue des offices, sont vendus au |