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En 1854, lors de sa réparation, on y a découvert des pein-
tures anciennes, dont les couleurs sont bien conservées et
auraient pu servir de modèle aux badigeonneurs qui avaient
entrepris la décoration du temple.
La maison de Martens van Rossum, aujourd’hui tribunal de
commerce, offre un type d’architecture très intéressant. La
façade principale , quoiqu’elle ait perdu le motif placé
au-dessus de la porte d’entrée, est d’une très bonne ordon-
nance. La façade postérieure est encore mieux comprise.
Avec ses avancées, son clocheton de forme très réussie, ses
lucarnes et ses hors d’axes, elle est absolument originale.
L’intérieur est bien aménagé et pourrait offrir, quoique
ce ne fût pas sa destination première, un joli type de tri-
bunal pour une petite ville. La décoration n’en est guère
riche : des murs blanchis à la chaux, des plafonds en bois,
noircis par le temps, et pour tout ameublement de luxe, trois
manteaux de cheminées, dans le goût François Ier, assez gros-
sièrement sculptés et ornés de faïences à dessins bleus.
Nous avouons avoir passé plus de temps à visiter ces deux
monuments qu’à les décrire! Nous les regardions encore
quand l’heure du départ sonna et qu’il fallut nous mettre en
route pour Bois-le-Duc.
* *
La cathédrale nous y attirait et c’est heureux, car Bois-le-
Duc n’est ville hollandaise que par le langage de ses habi-
tants. Pas un bâtiment de quelque importance, pas le moin-
dre coin attachant ! On dirait tout l’intérêt concentré dans la
cathédrale, comme pour forcer le visiteur à lui rendre hom-
mage !
Le soir tombait quand nous l’avons vue pour la première
fois, l’ombre avait envahi l’immense vaisseau, et la lumière
du dehors n’éclairait plus que le dôme qui, de ci de là, reflé-
tait quelques faibles rayons; à cette heure l’intérieur delà
basilique nous paraissait vraiment majestueux.
Que n’avons-nous pu conserver cette première impression,
lorsqu’au lendemain, la lumière du jour nous en révélait
jusqu’aux moindres détails !
Nous n’avons pas été déçus complètement, là cathédrale a
des parties très heureuses dans leur ensemble, elle a des coins
en ruine d’une couleur superbe, une tour très élancée, un
mobilier d’église renommé, mais tout cela ne résiste pas à
une analyse approfondie et, à notre avis, il ne suffira même
pas de la restauration intelligente faite actuellement sous la
direction de M. l'architecte Hesenmans, pour faire de cette
église un des types de l’architecture ogivale. Nous lui repro-
chons sa mauvaise exécution et son manque d’unité. Il semble
que les artistes qui s’en sont occupés, aux différentes époques,
n’étaient pas en possession de leur art, mais voulaient faire
quand même. Et passant du bâtiment au mobilier nous dirons
que la réputation du buffet d’orgue nous a paru également
surfaite ; il y a bien un grand luxe de détails, des sculptures
à foison, comme cela ne se rencontre que trop souvent dans
la Renaissance, mais précisément, par là, nous lui trouvons
un côté petit, qui rappelle le meuble d’appartement, et nous lui
préférons la modeste chaire de vérité, du même style, il est
vrai, mais traitée de main de maître. Les sculptures des pan-
neaux de la cuve et de l’ornementation des colonnettes qui la
soutiennent, sont admirablement exécutées et plus pures encore
que celles des stalles de Dordrecht. Les stalles ici datent du
xive siècle et possèdent quelques petits groupes de sculpture
d’un fort beau sentiment et d’un fini remarquable. Nous ne
parlerons que pour mémoire des grands lustres en cuivre qui
ornent la nef du milieu.
En terminant notre visite par l’ascension de la tour, nous
constatons les soins que l’on apporte à la restauration des dif-
férentes parties de l’édifice, et de là haut nous voyons la
cathédrale presque à vol d’oiseau ; nous dominons l’immense
plaine uniforme qui s’étale à perte de vue, terminée au loin
par quelques gros villages et tout près de nous, par les deux;
lignes régulières du chemin de fer de Breda !
C’est la dernière grande étape de notre excursion ; elle nous
laissera aussi de bons souvenirs, car Breda est coquette avec
ses avenues toutes modernes et son parc élevé sur les fortifi-
cations de jadis, avec ses jolis quais et sa cathédrale du moyen
âge, dont la tour élégante et bien assise domine la cité.
La cathédrale, dont l’architecture intérieure est sobre et
dépourvue de toute décoration, possède des tombeaux fort
riches, notamment ceux d’Ingelbert de Nassau et de Jan Van
Polank.
Le premier a été intelligemment restauré par M. l’archi-
tecte Cuypers d’Amsterdam; les matériaux employés sont
l’albâtre pour les figures et les accessoires, et le marbre noir
pour la pierre tombale et les soubassements. Si nous parlons
en premier lieu des matériaux employés dans l’exécution de
ce monument, c’est qu’à notre avis ils en constituent la plus
grande richesse. Certes, les sculptures en sont très travaillées,
mais cela ne peut suffire à une œuvre d’art. Il se fait qu’on
ne s’intéresse plus qu’au travail manuel... Mais là, nos faibles
critiques n’ébrécheront pas la réputation surfaite de ce monu-
ment et, tandis que protégé par des grilles contre la trop vive
curiosité du public, tenu à distance respectueuse, il sera pré-
senté longtemps encore comme une merveille, on laissera le
tombeau de Jan Van Polank modestement placé dans un des
bas côtés près de l’entrée latérale de l’église. Et pourtant com-
bien ce dernier nous semble supérieur! Tout y est bien
ordonné et les figures sont d’un sentiment exquis. Et cette
œuvre du moyen âge forme un charmant contraste avec les
petits monuments commémoratifs renaissance qui enrichissent
encore les murs de l’église. Nous avons noté entre autres ceux
de Dirk Van Assendelft et Jan Van Dendermonde. On les
reverra avec plaisir, car ils plaisent autant par leur aspect
modeste que par la finesse de leur exécution. Et alors que
nous étions sous l’impression des belles choses que nous
venions de voir, Breda nous réservait une plus agréable sur-
prise encore : celle d’une œuvre moderne personnelle et
réussie !
Nous voulons parler de l’église Sainte-Barbe, construite
d’après les plans de M. Cuypers et que l'Émulation vient de
publier.
Pour ne parler que de l’intérieur (car l’extérieur est ina-
chevé) disons que l’architecte a tiré un excellent parti de la
décoration avec les matériaux apparents que de ci de là il a
rehaussés de quelques ornements peints. C’est sobre, ration-
nel et généralement de bon goût, et de tout cœur nous ren-
dons hommage au grand talent du maître hollandais.
Nos pressentiments ne nous avaient point trompés. Breda
nous laissera un excellent souvenir et clôture à souhait notre
excursion. Victor Horta.
Séance du 3 août 1888.
L’assemblée, après avoir procédé à l’admission de
MM. Vandenbosch et Van Roelen, architectes à Bruxelles,
en qualité de membres effectifs, reçoit la présentation de
quatre membres effectifs et d’un membre correspondant
nouveaux.
M. le président félicite M. Dumortier qui vient d’étre
nommé architecte provincial adjoint du Brabant.
La séance s’est terminée par l’examen et la discussion des
travaux préliminaires envoyés au Congrès archéologique
que la Fédération des Sociétés d’archéologie et d’histoire
de Belgique va tenir cette année à Charleroi. Ce Congrès
s’annonce comme devant être très fructueux. Nous en ren-
drons compte dans un de nos prochains numéros.
BIBLIOGRAPHIE (I)
Éléments d’archéologie chrétienne, par M. le chanoine
Reusens, professeur d’archéologie à l’Université de Louvain.
2e édition, 1885-87. 2 vol. in-8°, illustrés de 2 phototypies et
de 1186 gravures sur bois. Vol, I, 576 p.; vol. II, 622 p.
Il y a beau temps que sont évanouies les braillantes cla-
meurs de la gent dite classique contre ce que l’on appelait
l’art barbare ou gothique. Ils sont allés trouver le repos dans
la tombe et dans l’oubli, ces vaillants, ces Raoul Rochette,
qui discutaient gravement s’il était convenable d’élever au
xixe siècle une église ogivale, qualifiant de pastiche les imita-
tions de ces styles, sans s’apercevoir que leurs églises à eux
étaient les temples de l’Attique transplantés dans les brumes
du Nord. Ce sont les dignes fils de ces gens-là aussi qui crient
à l’anachronisme, lorsqu’ils voient une gare de chemin de fer
en style ogival, tout en trouvant parfait de voir passer les
locomotives sous les architraves du Panthéon ! Hélas ! les
braves gens ! ils ne comprennent pas qu’eux comme les autres
témoignent de la débilité de notre esthétique, mais qu’entre
s’inspirer de l’art autochtone ou de l’art étranger, il y a une
(1) Les ouvrages renseignés sous la rubrique Bibliographie sont en vente
chez notre éditeur M. Ch. Claesen, à Liége.
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L’ÉMULATION.
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