Full text |
JURISPRUDENCE
(carrières de gœgnies c. l’etat belge.)
Attendu que l’action tend à l’expropriation, pour cause
d’utilité publique, de 3 ares 5o centiares dans une terre
appartenant à la Société appelante et formant le n° 372E, sec-
tion B, du cadastre de Gœgnies;
Attendu qu’envisagée dans son objet direct et principal,
ladite action constitue un litige sur la propriété ou la posses-
sion d’un immeuble ;
Attendu qu’aux termes de l’article 32 de la loi du 25 mars
1876, la valeur d’un litige de cette nature se détermine en
multipliant le revenu cadastral par le multiplicateur officiel ;
Attendu qu’en matière d’expropriation pour cause d’utilité
publique, le mode d’évaluation ainsi établi doit, sans doute,
être écarté, lorsqu’il donne, pour la totalité de la parcelle
cadastrale dont une portion seulement est emprise, une valeur
supérieure au taux du dernier ressort, puisque, dans cette
Irypothèse, il est impossible de vérifier, à l’aide des mentions
du cadastre, si la valeur de l’emprise partielle dépasse ou non
25,ooo francs ;
Mais attendu qu’il cesse d’en être de même lorsque le mode
d’évaluation dont il s’agit donne, pour la totalité de la parcelle,
une valeur inférieure au taux du dernier ressort, puisque, en
pareille occurrence, il est certain que, d’après les indications
du cadastre, l’emprise partielle ne peut avoir une valeur supé-
rieure à ce taux ;
Attendu que, fût-il établi par les travaux préparatoires de la
loi du 25 mars 1876, qu’en cas d’emprise partielle d’une
parcelle cadastrale, une action en expropriation pour cause
d’utilité publique est, toujours et invariablement, régie par
l’article 33 de la loi, encore faudrait-il décider que les parties
ne peuvent, sans donner lieu à l’application de l’article 35,
attribuer à la cause une valeur supérieure à celle qu’elle aurait
eue, si toute la parcelle avait été expropriée;
Attendu que, dans l’espèce, il est constant et reconnu que,
calculée suivant le mode établi par l’article 32 de la loi de
1876, la valeur de la parcelle n° 372E, section B, du cadastre
de Gœgnies, s’élève à fr. i,245-3o seulement ;
Attendu qu’il importe de faire observer, au surplus, que
l’exploit introductif de l’instance actuelle et les premières
conclusions échangées entre parties sur le fond du litige ne
contiennent aucune évaluation de la cause, l’appelante s’étant
bornée, dans son écrit du 22 juillet 1885, à signaler, comme
sujets à vérification, divers préjudices que les experts auraient
pour mission d’apprécier et d’évaluer, sous réserve du droit
des parties de conclure, comme il appartiendrait, après le
dépôt du rapport ; d’où il suit que, même par application du
seul article 33 de la loi de 1876, le jugement a quo devrait
être considéré comme rendu en dernier ressort.
Par ces motifs, la Cour, entendu M. l’avocat général Gil-
mont en son avis conforme, déclare l’appel non recevable ;
le met, en conséquence, à néant et condamne la Société
appelante aux dépens.
SOCIÉTÉ CENTRALE D’ARCHITECTURE
DE BELGIQUE
Excursion en Hollande
DORDRECHT, ZALT-BOMMEL, BOIS-LE-DUC ET BREDA
uatre heures de chemin de fer, par delà les
plaines fertiles des Polders et le pont célèbre du
Moerdyk pour arriver à Dordrecht, presque au
cœur de la Hollande !
Est-ce le plaisir d’avoir atteint en si peu de temps notre but
d’excursion, ou seulement l’attrait de cette petite ville si pro-
prette, si gaie, si vive qui fait que nous nous sentons heureux
dans ce milieu nouveau ?
Tout en ce délicieux moment d’arrivée nous frappe, et il
n’y a pas que le rire argentin des jolies Hollandaises qui
attire. Nous écoutons, chose bizarre, jusqu’au son perçant de
la cloche d’avertissement du tramway qui nousvéhicule à notre
hôtel ! On voudrait déjà être au lendemain pour voir et revoir
ces rues tortueuses, ces minuscules pignons ciselés dans la
brique et à peine entrevus, et ce port aux eaux tranquilles,
qui sans horizon se perd dans l’ombre.
Disons-le tout de suite, notre pressentiment ne nous trom-
pait guère.
Le port de Dordrecht est d’une bien grande attraction pour
qui aime ce pittoresque, que l’on détruit chez nous comme
à plaisir! Dès l’aube, la Meuse est sillonnée par des navires
de toutes provenances qui abordent là près de nous ou vont se
perdant dans la brume lointaine, derrière de grands fonds de
verdure, d’où émergent, comme de grands bras, les ailes des
moulins qui, en tournoyant, semblent appeler à eux le spec-
tateur !...
Mais nos heures sont comptées ! Architectes avant tout, il
nous faut visiter les monuments ! Tournons le dos à la Meuse
et voyons l’ancien hôtel de ville. On l’a gratifié d’une restaura-
tion dont, à notre avis, le plus grand mérite est d’avoir con-
servé intact un médaillon d’une excellente allure et fort bien
travaillé. On le dirait égaré dans cette architecture et placé là
comme pour nous donner l’avant-goût des belles œuvres que
nous allons rencontrer tout à l’heure.
Les rues que nous avions traversées la veille nous mènent
bientôt à la cathédrale.
Le monument par lui-même, à part sa grande tour en
briques assez élancée, n’est guère intéressant; ce qui nous y
attire, ce sont les stalles en chêne sculpté, occupant quatre
travées du chœur, et qui, pour ceux qui ne les ont pas vues,
sont une véritable révélation ! Quel ensemble heureux et quel
luxe grandiose de détails ! Celles de droite surtout ont des
sculptures de toute beauté, dont le moindre motif est étudié.
Celles de gauche, quoique de même ordonnance, pèchent par
l’exécution des détails : les sculptures sont plus fouillées, les
artistes se sont plu à revêtir leurs héros d’habillements luxueux
et ont manqué par là l’harmonieuse grandeur de la composi-
tion. landis que d’un côté l’influence italienne se fait sentir
dans toute sa pureté, de l’autre on ne sent plus qu’un pastiche
inspiré par le désir de faire plus riche.
La conservation de ces stalles est remarquable, et leur
richesse fait ressortir davantage le nu et le vide de l’église
protestante.
Seule, une grille en cuivre d’un assez beau travail et qui
sépare la nef du chœur, jette une note brillante au milieu du
ton blafard de ces murs blanchis. Il y a là, malgré tout, un
jour trop cru qui agace l’œil.
Notre promenade à travers la ville nous montre, côte à côte,
l’architecture ancienne (1) et l’architecture moderne, car Dor-
drecht aussi se modernise !
La première a un charme particulier, un ensemble si
local et si caractéristique, malgré ses mutilations, que
le détail échappe à la critique et que l’on pardonne aux
artistes de s’être souvent répétés. La seconde nous a semblé
banale et vulgaire. Certes, les architectes y sont suffisamment
à la recherche de la variété, mais, tandis que d’aucuns vou-
draient la rencontrer sagement dans leur architecture, eux, ils
l’ont cherchée dans les plantations d’un parc, dont les massifs
de verdure viennent parfois, très à propos/intercepter la vue
de leurs villas !
Mais ne nous y arrêtons pas davantage. La critique res-
treinte que nous pourrions en faire ici ne suffirait pas à éclai-
rer ces bâtisseurs. Il faudrait tout un article, même plusieurs
articles, et cela nous conduirait au delà du cadre que nous
nous sommes tracé.
Passons même sous silence le musée, dépourvu d’intérêt et
ce grand bâtiment précédé de « quatre colonnes et d'un fronton »,
qu’on appelle le nouvel hôtel de ville. Dordrecht nous a révélé
assez de richesses pour satisfaire les plus difficiles et leur faire
prendre, non sans regrets, le train qui bientôt nous conduira
à Zalt-Bommel.
A l’arrivée, Zalt-Bommel, dont la gare se trouve très éloi-
gnée de la ville, est caché par un immense rideau de verdure
d’où seule émerge la grande tour de l'église. Une pluie fine,
mais perçante, donne à l’ensemble une note grise d’une si
grande finesse de ton que, pour notre part, nous ne regret-
tons guère le soleil ! Les pataches qui nous attendent nous
amènent bientôt, par delà les arbres, au cœur de la petite
ville et nous déposent devant l’église, dont la tour élégante se
profile en une jolie silhouette sur le ciel. L’intérieur, dont le
pavement est orné de quelques pierres tombales sans impor-
tance artistique, est assez élancé, et il suffirait d’une intelli-
gente restauration pour rendre cette église suffisamment pit-
toresque.
(1) L’époque de la renaissance, où l’architecte suppléait souvent à son
insuffisance de bon goût par la recherche du pittoresque, nous semble si
éloignée, à côté des maisons prétentieuses que nous avons vues, que, par
extension, nous croyons pouvoir employer ce terme.
121
L’ÉMULATION.
122 |