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Le jury a décerné deux premiers prix ex œquo, un rappel
de prix, une mention spéciale à un élève libre, pour le travail
d’application qu’il a présenté comme suite à ses études anté-
rieures, et un accessit.
JURISPRUDENCE
La Basilique du Sacré-Cœur
Un très curieux procès touchant à de délicates questions
de droit d’auteur a été vidé par le tribunal correctionnel
de Paris.
Mme Saudinos-Ritouret, fabricante d’objets de piété, avait
fait saisir une foule de médailles, scapulaires, images et sou-
venirs divers colportés par de petits camelots et représentant
la basilique du Sacré-Cœur récemment inaugurée à Mont-
martre. Elle affirmait être seule investie par l’archevêque de
Paris du droit de vendre les dits objets, et requérait le minis-
tère public, auquel elle s’était jointe comme partie civile, de
réclamer contre les prévenus des condamnations sévères.
Défense des petits camelots : L’archevêque de Paris n’étant
pas propriétaire de la basilique, n’a pu disposer par contrat de
cette œuvre. La loi sur la propriété littéraire n’est d’ailleurs
pas applicable en l’espèce. Il ne s’agit pas d’une propriété
privée, mais d’un monument dû à des souscriptions publiques ,
et son caractère fait retomber sa production dans le domaine
public.
Mais le jugement n’est pas de cet avis et condamne chacun
des prévenus à 100 francs d’amende et 20 francs de dommages-
intérêts.
Le motif de cette rigueur, c’est que le droit conféré à l’arche-
vêque d’ouvrir des souscriptions publiques, de prendre toutes
les mesures voulues tant pour l’acquisition des terrains néces-
saires que pour l’achat des projets, plans et dessins des archi-
tectes, lui a donné la faculté de rétrocéder valablement la
reproduction du monument, en l’absence de toutes réserves de
la part de ces derniers.
La loi de 1793 s’applique à toutes les œuvres d’art, y compris
les plans d’architecture.
Si la basilique de Montmartre, qui est un monument public,
peut, une fois érigée, être reproduite par le dessin, la photo-
graphie ou tout autre procédé (1), chacun devenant proprié-
taire de l’œuvre ou de l’épreuve due à son initiative propre,
on ne saurait étendre ce droit de reproduction jusqu’à la partie
de la basilique qui, n’étant pas édifiée, ne se trouve pas tombée
dans le domaine public; or, les objets saisis s’appliquent à la
reproduction de tout l’édifice, y compris, notamment, la flèche
et le dôme et autres parties détachées des plans et devis qui
ne sont pas construits ou achevés. Dès lors, les prévenus ont
porté atteinte à un droit privatif, acquis par l’archevêque de
Paris et, par lui, valablement transmis à la partie pour-
suivante. (L'Art moderne.)
Responsabilité. — Accident
Nous reproduisons ci-dessous, à raison de l’intérêt spécial
qu’il peut présenter pour la responsabilité des archi-
tectes et entrepreneurs, un extrait d’un arrêt de la Cour
d’appel, 2e chambre, du 22 novembre 1892.
Il s’agissait de savoir à qui incombait, vis-à-vis des victimes,
la réparation d’un accident causé par la chute d’une balustrade
en marbre formant le garde-corps d’un escalier construit dans
le commissariat de police du quartier Léopold, à Bruxelles.
Le Tribunal de Bruxelles avait décidé que l’entrepreneur
de la marbrerie était seul responsable. La Cour a réformé et
a partagé également la responsabilité entre l’architecte et l’en-
trepreneur, par des motifs que le sommaire ci-après fait suffi-
samment connaître :
« En ce qui concerne l’architecte :
« Lorsqu’un architecte est chargé de la confection des plans
d’un édifice, du cahier des charges spécial y relatif, ainsi que
de la direction et de la surveillance de l’exécution ';
« Que ni les plans ni le cahier des charges spécial ne four-
nissent la moindre indication relative au mode d’attache d’une
balustrade, laquelle constituait cependant la partie la plus
importante peut-être de tout le travail de marbrerie, puisqu’il
s’agissait là d’un véritable gârde-corps, devant, eu égard à la
destination spéciale de l’édifice, présenter toutes les garanties
de sécurité ; ......
« Lorsqu’on constate, d’autre part, aux autres articles du
cahier des charges, que l’architecte a cru devoir prescrire,
dans les détails, les plus minutieux, le mode d’attache à
employer pour les travaux en pierres bleues et blanches, pour
ceux en zinc et même pour les ouvrages de vitrerie ;
a II est impossible de ne pas considérer comme une omis-
sion professionnellement fautive l’absence, dans les plans et
cahier des charges, dé toute indication relative au mode
d attache des marbres dont l’assemblage devait composer une
des parties les plus importantes de la construction ;
« En ce qui concerne le marbrier :
« Lorsqu’un sous-entrepreneur de marbrerie a édifié, con-
trairement à toutes les règles de l’art, la balustrade dont s’agit,
en se bornant à sceller à l’aide d’un simple coulis de plâtre les
différentes pièces de marbre qui la composaient, pièces dont les
(1) Ce principe est très contestable. Le contraire a été jugé en Belgique,
où la rigueur des principes du droit d'auteur est généralement mieux
observée qu’en France.
surfaces lisses n’offraient au plâtre qu’une prise faible et éphé-
mère; si ce mode d’attache est reconnu vicieux par des experts,
comme par le simple bon sens et par le marbrier lui-même, il
chercherait vainement à rejeter la responsabilité de ce vice
d’exécution sur l’architecte et sur les agents de la Ville en se
retranchant derrière cette double circonstance, à savoir que
d’une part, ni le plan ni le cahier des charges n’indiquaient un
mode quelconque d’attache, et que, d’autre part, le travail tel
qu’il a été exécuté par lui, l'a été au vu et au su tant de l’archi-
tecte que des agents de la Ville, et sans provoquer de leur part
la moindre observation;
« L’architecte et le marbrier sont tous deux en faute, celui-ci
à raison d’un vice d’exécution, celui-là à raison, comme il a été
dit ci-dessus, d’un vice ou plutôt d’une lacune du plan et du
défaut de surveillance ; ces deux fautes coexistent comme fac-
teurs directs de l’accident et l’une në saurait être considérée
comme élisive de l’autre ;
« Le système plaidé par le marbrier n’aurait quelque appa-
rence de fondement que si le mode d’attaché employé par lui
avait été prescrit par le plan et le cahier des charges, bien que,
même dans ce cas, sa responsabilité eût encore pu être enga-
gée à raison du caractère grossier du vice. »
(Chronique des Travaux publics.)
Durée de la responsabilité
L « es articles 1972 et 2270 du code civil portent que (mal-
gré la réception des travaux) les architectes et entrepre-
neurs sont responsables des vices de construction, des
vices du sol et de la garantie des gros ouvrages pendant dix ans ;
« Ces dispositions ne règlent que la durée de la garantie,
mais non la durée de l’action en responsabilité qui en procède ;
« Dès que l’action en garantie a pris naissance, celle-ci peut
être poursuivie pendant le terme ordinaire de trente ans après
le jour où le vice s’est manifesté dans les dix ans à partir de
la réception des travaux. »
Arrêt de la Cour d’appel de Bruxelles, du 27 juillet 1892.
Dans l’espèce, les travaux avaient été reçus en octobre 1875.
L’action n’avait été. intentée qu’en décembre 1886.
L’entrepreneur a plaidé qu’elle était prescrite par l’expiration
des dix années ; le tribunal de Charleroi avait admis cette thèse.
La Cour a réformé et maintenu la responsabilité de l’entre-
preneur.
Cette décision a une grande importance. Elle est conforme
à l’avis de la plupart des auteurs.
Mais la jurisprudence est fort divisée.
La Cour de cassation française, par un arrêt du 12 août 1882,
rendu chambres réunies, a décidé « que l’action en garantie
« contre l’architecte ou l’entrepreneur à raison des vices de
« construction, se prescrit, comme la responsabilité elle-même,
« par le laps de dix ans à compter de la réception des tra-
« vaux. » Cet arrêt a définitivement déclaré non recevable
une action en responsabilité dirigée par la comtesse de Béarn
contre l’architecte du château de Clères, mais intentée plus de
dix ans après la réception des travaux.
(Chronique des Travaux publics.)
Architecte dirigeant ou consultant. — Responsabilité
Le Tribunal civil de Bruxelles, 4e chambre, a décidé,
le 8 juin 1892 :
« Est architecte dirigeant, et non pas simplement
architecte consultant, l’architecte qui a assumé une mission
d’ensemble, de direction et de surveillance, se trouvant ainsi
engagé vis-à-vis du propriétaire dans les liens du contrat de
louage d’ouvrage, alors surtout qu’il ne se borne pas à donner
un ou plusieurs conseils sur des objets déterminés, mais qu’il
apparaît, tant dans la conception que dans toutes les phases
de l’exécution des travaux, comme chargé d’assurer la bonne
fin de l’œuvre, d’être l’arbitre et l’appréciateur indispensable,
de procéder aux réceptions et d’arrêter les décomptes, et
même d’avoir la haute surveillance des travaux.
« Dans de telles conditions, l’architecte peut encourir la
responsabilité même des fautes d’autrui, quand il n’exerce pas
suffisamment sa mission de direction en éclairant ses commet-
tants, en leur faisant, s’il est nécessaire, toutes les remon-
trances voulues et toutes les protestations utiles et en se tenant
régulièrement au courant de la marche de l’entreprise, sup-
pléant, s’il le faut, à l’inertie ou au silence des entrepreneurs,
des propriétaires ou de leurs agents. »
L’espèce était celle-ci :
Une terrasse de l’hôtel d’une de nos plages présentait des
défectuosités de construction au point de vue du bétonnage,
du défaut de pente, etc. A la suite d’ouragans, des dégâts
s’étaient produits dans les appartements inférieurs.
L’architecte soutenait qu’il n’était que consultant ; il signalait
qu’antérieurement il avait présenté un plan dont l’exécution
•eût évité les inconvénients signalés, mais qui avait été écarté
pour des raisons d’économie; il ajoutait que le propriétaire
l’avait directement mis en rapport avec l’entrepreneur dont le
plan avait été agréé.
Le Tribunal, visant les considérations reproduites dans le
sommaire ci-dessus, a déclaré l’architecte responsable des
réfections et dégâts à concurrence des trois cinquièmes.
(Chronique des Travaux publics.)
E. Lyon-Claesen, éditeur, Bruxelles.
Bruxelles. — Alliance Typographique, rue aux Choux, 49.
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L’ÉMULATION.
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