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des nouvelles Chambres du Parlement, et qu’un monument
rappelle, dans les Nouvelles Cours de Justice, l’architecte de
cet édifice, sir George Edmund Street (1) ».
Charles Lucas.
Architecte, S. C.
Grand concours d’architecture dit « Prix de Rome
EXPOSITION DES ESQUISSES DU CONCOURS PRÉPARATOIRE
n la grande salle d’exposition de
l’Académie d’Anvers, s’alignent
les esquisses des neuf concur-
rents admis en loge.
Ne voulant décourager d’au-
cuns ni encore faire entrevoir à
d’autres des espérances dont ils
pourraient, hélas! reconnaître
le peu de fondement, nous nous
bornerons à critiquer ces esquis-
ses en les jugeant à leur valeur
propre, sans augurer de l’avenir.
Etablissons d'abord les préliminaires de cette épreuve.
Le jury chargé de juger l’esquisse d’architecture, se com-
posait de MM. Janlet, Van Ysendyck, de Bruxelles ; Pauli,
de Gand ; De la Censerie, de Bruges ; Gife et Van Dyck, d’An-
vers ; Marès, directeur de l’Académie de Saint-Luc, à
Bruxelles, et le peintre Tytgat, de Gand.
On s’étonnera peut-être de voir un peintre figurer dans ce
jury, chargé d’apprécier des œuvres architecturales !
Voici la clef de ce mystère.
On sait que le concours préparatoire comporte deux
épreuves : l’une architecturale, l’autre consistant en la repro-
duction au trait d’une statue antique..
Deux jurys distincts classent, l’un les esquisses, l’autre les
croquis.
Or, il s est fait que, par une erreur administrative,
M. Tytgat a été appelé à faire partie du jury d’architecture,
tandis que M. l'architecte Winders était appelé à juger les
croquis d’après plâtre.
On sait, de plus, que chaque membre du jury présente un
programme, et que ces programmes sont ensuite tirés au sort,
afin de déterminer celui qui sera imposé aux logistes.
M. Tytgat y a été aussi de son petit programme, et il
s’est fait, par l’aveuglement du sort, que précisément le pro-
gramme rédigé par ce peintre a été imposé aux architectes.
Sans vouloir ici discuter la légalité d’un pareil fait, nous
nous permettrons de dire que, si par erreur on nous appelait
à juger un concours de peinture, nous aurions la modestie de
nous récuser.
On a demandé aux concurrents, pour l’épreuve du dessin,
la reproduction au trait de la statue Laocoon.
Pour les architectes, qui sont peu habitués à manier le
conté, on n’eût pu moins heureusement choisir le modèle.
Au lieu d’imposer une statue grecque, aux lignes simples,
statue qui pourrait au besoin figurer dans un motif d’archi-
tecture, on impose un fragment de groupe romain, aux con-
tours tortionnés et aux raccourcis extrêmement difficiles à
reproduire au trait à des jeunes gens peu experts en l’art
du dessin à main levée.
Que l’on donne à copier une Minerve aux lignes sobres et
puissantes, une caryatide, une Vénus quelconque; mais
imposer un modèle ainsi tordu, c’est mettre les concurrents
bien inutilement à la torture. Aussi, les dessins sont-ils tous
très mauvais.
Celui de M. Lambot nous déplaît le moins. Les contours
sont nettement accusés, trop anguleux peut-être, mais cette
façon franche d’interpréter la sculpture, est de mille fois pré-
férable pour un architecte que la facture papillotante du pre-
mier.
Avant de passer en revue toutes les esquisses, voici le pro-
gramme imposé, et nos lecteurs pourront se convaincre de sa
banalité, car en leur ressouvenance, ils se remémoreront la
demi-douzaine de fois qu’ils ont vu imposer ce sujet dans
des concours divers.
Nous nous insurgeons contre cette pauvreté d’imagination,
dont font preuve ordinairement les membres des jurys d’ar-
chitecture.
On voit imposer constamment les mêmes programmes,
dont les plans doivent être conçus d’après le même cliché’
admis comme parfaits de par la* tradition.
Si vous demandez quelque talent aux concurrents, il est .
bien admissible qu’en revanche ceux-ci vous réclament
quelque imagination pour ne pas imposer un programma
(1) Ch. Lucas, l’Architecte à travers les âges, Paris-Toulouse-Londres
1888-1889, in-8°, passim.
parcheminé, dont on ne se donne même pas la peine de
changer l’étiquette.
Voici ce programme hautement suggestif ! ! !
« Un cercle artistique et littéraire ».
L’édifice est isolé dans un parc. Il se compose d’un sou-
bassement, d’un rez-de-chaussée et d’un étage.
Le soubassement contient les locaux pour le service (habi-
tation du concierge et du limonadier, cuisine, caves, etc.).
Le rez-de-chaussée et l’étage contiendront au moins les
locaux suivants : vestibule, vestiaire et dépendances, esca-
liers, une grande salle de 5oo à 600 mètres, devant servir aux
expositions, concerts et conférences, quelques petites salles
pour des expositions particulières et pour réunion des sec-
tions. Salles de café et de billard, salle de lecture avec biblio-
thèque, salle d’administration avec cabinet du Secrétaire.
Le bâtiment sera érigé sur un terrasse, avec descentes cou-
vertes pour voitures et de grands escaliers d’accès.
On demande le plan du rez-de-chaussée, de l’étage, et une
coupe principale à omoo5 par mètre, la façade principale à
om 01 par mètre.
Comme je l’ai dit en commençant cet article, je me bor-
nerai à critiquer sommairement les compositions, notre visite
ayant été très rapide, et nous réservant déjuger les concur-
rents à leur mérite réel lors de l’exposition du concours défi-
nitif.
Le plan du projet classé premier, frappe surtout par sa
sobriété. Aucune influence française ne s’y remarque ; c’est
très simple, peu original, mais pas mauvais.
Les escaliers , placés dans un seul des angles diagonant de
la. façade principale et postérieure, contribuent à rendre très
difficile la sortie des visiteurs aux salles d’exposition du pre-
mier étage.
Pour atteindre les salles d’exposition du premier étage, à
droite du plan, il faut prendre l’escalier à gauche de l’entrée
et faire tout le tour des galeries au premier, ou bien prendre
l’escalier situé à droite du plan relégué tout à l’arrière du bâti-
ment.
Cela constitue le défaut capital du plan.
Les escaliers sont étriqués, et l’acoustique de la grande
salle serait épouvantable.
La façade est peu originale ; les deux tours qui la surmon-
tent en contribuant à former la ligne pyramidante en dessin,
sont bien inutiles. M. Vereecken devrait se garder de tomber
dans labus du pittoresque malgré tout, afin de ne pas con-
finer au vulgaire ou à l’irrationnel.
Le rendu est très mauvais, et nous surprend, car M. Ve-
reecken, pour son prix de la Société des Architectes d’Anvers,
nous a montré combien il savait habilement manier le pinceau
à l’égal des élèves de l’Ecole des Beaux-Arts de Paris.
M. Emile Lambot est classé second.
L’esquisse présentée par ce concurrent marque un tempé-
rament artistique de grande valeur. L’influence française s’y
marque peut-être trop, et l’auteur prouve combien lés ficelles
employées par les élèves de l’Ecole des Beaux-Arts (ficelles
qui sont consignées dans l’Intime-Club), lui sont familières.
Indépendamment de ce brio à épate, lorsque l’œil s’est
reposé, et que le papillotement obtenu par la surcharge des
details s est eteint, on remarque combien ce concurrent est
sérieux, et quel parti il peut tirer d’un plan banal amené par
le programme imposé.
La distribution des locaux est très bonne, mais est gâtée
par l’abondance des escaliers et la multiplicité des vestibules
qui atteignent des dimensions de salles de bal.
L’escalier principal, qui a 17 mètres de largeur et autant
de longueur, est d’une utilité très discutable; il conduit à des
galeries qui sont déjà desservies par deux escaliers de peu
ordinaires dimensions.
L’arrangement des terrasses, des rampes et des jardins,
démontre chez l’auteur du projet une haute science de l’effet
décoratif que l’on peut obtenir de ces éléments.
Le rendu, quoique très lâché, est fait de main de maître,
et nous fait entrevoir une aquarelle remarquable pour le
rendu définitif.
La façade est très peu originale ; on y retrouve les motifs
toujours les mêmes, que M. Lambot associe suivant les
besoins en intervertissant leur ordre.
M. Van Arenberg est classé troisième.
L’auteur s’est trompé quant au plan de sa grande salle, qui
est canée, ce qui la entraîne à faire des couloirs sans issue
directe vers les locaux qu’ils desservent.
La façade est peut-être la meilleure de celles exposées,
quoique étant dun caractère trop froid pour sa destination.
Nous engageons l’auteur du rendu de cette façade à laisser
pour le concours définitif son godet d’or à Louvain.
M. Mertens, d’Anvers, est classé quatrième.
Nous serions heureux de connaître les raisons qui ont valu
à ce concurrent la place qu’on lui a accordée.
Nous avons scruté son œuvre, perdant un temps beaucoup
plus étendu que la composition ne le méritait, pour chercher
mais en vain, les qualités artistiques dont avait fait preuve
ce logiste. Le plan est détestable, les locaux se commandent,
et certaines galeries filent d un bout du plan à l’autre sans
utilité. Comme façade, quatre colonnes et un fronton, le tout
surmonté d une horrible toiture, qui fait songer avec frémis-
sement à la couverture du nouveau musée d’histoire naturelle
de Bruxelles. Ce concurrent ouvre la série des projets sans
valeur artistique.
M. Van Goethem est classé cinquième.
Nous ue nous étendrons pas sur ce projet, qui nous ménage
d'hilarantes surprises pour le concours final.
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L’ÉMULATION.
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