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229 LA BELGIQUE.
À l'intérieur règne le bien-être dans toute son assurance tranquille. Les chambres,
grandes à y mettre trois ou quatre ménages, se déroulent sous des plafonds coupés de travées,
d'un chêne enfumé et noir; et des bahuts, des dressoirs, des vaisseliers chargés de porcelaines
et d'étains, des chaises à fond de bois, barbouillées d'un ton sang de bœuf, s'alignent le
long des murs, percés, aux encoignures, de cages profondes qui sont les alcôves. D'habitude,
la famille se tient dans une salle commune, où se fait la cuisine, tantôt sur de grands poêles
à récipients de fonte, encadrés d'une armature de tuyaux larges et plats, tantôt dans l’âtre
profond des cheminées à manteau, ventilé par des conduits vastes comme des corridors, et
que garnit, sur un fond de carreaux luisants, historiés de peintures lie de vin selon le goût
des faiences de Delft, l'appareil compliqué des crémaillères et des chenets. C’est aussi dans
cette pièce que se consomment les repas, tout autour d’une table écurée après chaque usage
et sur laquelle, aux heures vespérales, fument la pastanade odorante et les platelées de
pommes de terre. À la file s'assoient les maitres et les domestiques, gardant dans cette
promiscuité de la réfection en commun les distances respectueuses de la hiérarchie; et le
jaune soleil, si c'est le midi, les rousses clartés de la lampe, si c'est le soir, éclairent à la
ronde des faces hälées, des cuirs verruqueux, des peaux calleuses, devenues elles-mêmes
pareilles à de la terre.
Le repas terminé, la fermière aide ses servantes à enlever le couvert, les chats rôdent
sous la table, en quête de rogatons, lentement le bruit des sabots décroit dans la profondeur
des cours; puis, tandis que le fermier allume sa pipe aux fumerons de l'âtre et se prépare
à inspecter une dernière fois ses étables, la digne matrone attire à elle un paquet de chausses,
de linges et de surcots, et, les deux pieds sur les barreaux d'une chaise, calme, se levant
par moments pour surveiller l'achèvement d'un travail ou donner un ordre. elle presse active-
ment sa besogne. C'est l'existence rustique dans son charme grave et sa noble placidité
occupée; un peu de la solennité des mœurs patriarcales persévère dans la régularité du train
de maison, la répartition équitable du labeur commun, la soumission déférente du valet envers
le maitre et la mutuelle concorde de la famille.
Souvent il m'est arrivé de m'asseoir au foyer de ces fermes hospitalières, au retour d'une
excursion dans l'immense plaine verdoyante : chaque fois j'étais frappé de l'aménité des
manières, de la politesse du langage, de l'accord qui régnait entre l’âme et le corps, chez
ces créatures robustes, entretenues dans une sorte de paix intérieure par les salubres émana-
tions des champs. Je repensais alors à tes rudes romans, Georges Eckhoud, mélancolique
et suggestif poète de cette contrée attirante, ton terroir d'élection, ainsi que tu le baptisas
toi-même en ton « Kees Doorik ». C’est d'elle, en effet, que procéda, toujours et sans défail-
lance, ton honnête labeur d'artiste méprisant de la ville et filialement dévotieux à la terre.
De ses sèves et de ses sueurs tu fis le sang de tes livres.
Cependant il ne faudrait pas s'en tenir exclusivement aux apparences; ces lourds terriens,
ces patauds assoupis, ont par moments de furieux réveils. Vienne, par exemple, le temps des
ducasses, et, entre toutes, celte mémorable kermesse de Putte, célèbre dans tout le pays,
vraie noce de Gamache, compliquée des grimaces et des hilarités d'une fète des Fous, toutes
les faces écarquillées de grands rires, les estomacs soumis à l'épreuve d’'interminables gogailles,
les femmes et les hommes se cherchant sous les saules: et la bombance, commencée au
clair soleil du matin, se poursuit,
à travers une fermentation grandissante, jusque dans les
ombres de la nuit.
] nl # , 4 x à St s
Une ivresse lourde, hoquetante, s'en méle à la fin el, comme à coups de
maillets, assomme les buveurs derrière les haies.
Dès avant midi, la grande route est encombrée de voitures emplies à déborder, cahotant
Sur le pavé houleux des tapées d'hommes en chapeaux de paille enrubannés et de femmes |