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INTRODUCTION. LI
poursuivre son droit personnellement. Dès sa majorité, peut-être
même plus tôt, il chercha un maître capable à la fois de l'initier
à l’art de parler et de lui servir de conseil. Il ne s’adressa pas à
Isocrate, mais à un professeur plus humble, le praticien Isée”,
alors un des logographes les plus recherchés d'Athènes, verse
dans le droit civil et dans les usages des tribunaux, en même
temps écrivain si habile, que les plaidoyers composés par lui
furent, après sa mort, conservés dans les bibliothèques et étu-
diés comme des modèles. Onze de ces morceaux, tous relatifs à
des affaires de succession, sont venus jusqu à nous.
Dirigé par un tel maître, Démosthène put, dans sa vingtième
année, plaider sa propre cause avec une clarté, un bon sens, un
accent de vérité, une émotion contenue, qui portèrent la con-
viction dans l'esprit des juges. En lisant aujourd'hui les deux
premiers discours contre Aphobos, le lecteur moderne recoit la
même impression : ce Mauvais parent avait indignement trompé
la confiance absolue que son oncle, le père de Démosthène, lui
avait témoignée en mourant. Le jeune homme réclama de lui
dix talents, se réservant d'en demander autant à chacun des
deux autres tuteurs, Démophon et Thérippide. Aphobos, déjà
condamné par les arbitres, le fut encore par le tribunal. Mais
de même qu'il avait d’abord cherché, par une odieuse intrigue,
à étouffer le procès *, il s'efforce maitenant d’éluder les con-
séquences de sa condamnation à l’aide de toute sorte de chi-
canes. Il accuse de faux témoignage un citoyen (Phanos) qui
4, Un jeune docteur allemand, M. P. se soit borné à une simple affirmation, sans
Hoffmann (De Demosthene Isæi discipulo, ajouter ni détail, ni autorité; que ce fait
Berlin, 1872), essaye d’établir que Démo- nait eu d'autre garant que le seul Her-
sthène n’a pas été disciple d’Isée. Maisses mippe, et que le témoignage, cité par
arguments ne sont pas de nature à ébran- Denys (:b. 4), d’un orateur contempo-
ler un fait dont les anciens n’ont pas rain de Démosthène, soit autrement inter-
douté, et qui n’a rien que de très-vraisem-
blable. Denys d’Halicarnasse dit (Zsée, 1)
qu'on savait peu de chose sur la vie d’Isée,
et qu'Hermippe n’en avait rapporté que
deux ou trois points, parmi lesquels figu-
rait l’enseignement donné à Démosthène.
M. Hoffmann tire de ce passage des con-
clusions imprévues : il veut qu'Hermippe
prété. Isocrate dit (Antidose, S 41) qu’au-
cun logographe n’a jamais eu de disciple
Prenant au pied de la lettre cette assertion
d’un orateur, M. Hoffmann y trouve la
preuve certaine que Démosthène n’a pas
été formé par Isée.
2. Noir Contre Aphobos, I, 47; Contre
Midias, $$S 78-80.
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