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INTRODUCTION. V
mit à son tour à écrire pour les plaideurs, à exercer le métier
de logographe. Mais Isée n’était qu'un étranger dans la ville où
il s'était établi; Démosthène était citoyen d'Athènes : un plus
grand théâtre s'ouvrait à son talent, et dès sa première Jeunesse
il paraît avoir concu l'ambition de gouverner les hommes par
l’ascendant de la parole. Sil faut en croire une anecdote bien
connue, il assista encore enfant, grâce à la complaisance de son
gouverneur, à un des plus célèbres débats judiciaires de cette
époque. L’orateur Gallistrate, accusé d’avoir trempé dans Île
complot qui livra la ville d'Orope aux Tuébains, se defendit de
manière à recueillir un triomphe au lieu d'une condamnation.
L’anecdote est racontée avec plusieurs variations. Si elle se rap-
porte en effet à ce procès de haute trahison, comme la prise l Fr
d'Orope eut lieu en 366, Démosthène, déjà majeur alors, n'a- |
vait plus besoin de son gouverneur pour se faire introdure en | |
cachette dans l'auditoire. Quoi qu'il en soit, un spectacle où la
puissance de la parole se révélait avec tant d'éclat, fit, dit-on, |
une profonde impresston sur la jeune àme de Démosthène, et |
sa vocation se décida en ce jour. |
Dès lors il ne se contente pas de rêver des succès oratoires,
il s'y prépare par des exercices incessants. [Il médite les débats |
auxquels il assiste : redit à sa facon, modifie, corrige ce qu'il a
entendu dire : sa pensée, toujours active, est continuellement
tendue vers le but qu'il veut attemdre. Si des faits journaliers
lui servaient ainsi à aiguiser sa sagacité et à nourrir son esprit,
à plus forte raison faut-il supposer que les événements litte=
raires du temps excitaient son intérêt. On croira volontiers sans
preuves qu'il a lu les dialogues de Platon. Un nouveau discours |
d’Isocrate devait vivement occuper cette âme avide de progrès.
Mas il est plus que douteux qu'il ait fréquenté l’école d'Isccrate,
ou qu'il ait été disciple de Platon. Les littérateurs de la Grèce
se sont souvent amusés à composer des filations de maîtres et
d'élèves qui n'avaient rien d'historique. Pour ce qui est de Dé-
mosthène, ils se référaient à des Mémoires anonymes ou à des 5
lettres apocryphes. Cicéron et Quintilien s’y sont laissé trom-
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