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x INTRODUCTION.
il pliait son talent à la précision qu'exigent les affaires d'argent,
la clepsydre enün, qui, dans les tribunaux d'Athènes, mesurait
impitoyablement le temps assioné à chaque plaideur, le forçait
de choisir les preuves, de renoncer au superflu, de s’interdire la
phrase, de s'appliquer à une concision efficace. Mais, d'un autre
côté, on ne saurait se dissimuler que la profession d'avocat à la
facon d'Athènes n'ait été une école dangereuse pour de futurs
hommes d'Etat. Caché derrière le plaideur pour lequel il écri-
vait, le logographe employait, sans être retenu par aucune honte,
toutes les ruses du métier; il ne se familiarisait que trop avec les
moyens de colorer, d’arranger, d’altérer la vérité, en parcou-
rant tous les degrés qui, de l'hyperbole ou de la réticence, con-
duisent insensiblement jusqu’au mensonge. Ces habitudes, con-
tractées par l'avocat, suivaient l'orateur dans la carrière politique,
et Démosthène aussi (il faut le dire, quelque regret qu'on en
éprouve) a quelquefois fait comme les autres : il lui est arrivé,
en parlant à ses concitoyens, de dénaturer les faits sciemment,
et de se servir du mensonge comme moyen de persuasion.
L’anonyme qui couvrait l’avocat athénien, l'exposait à la ten-
tation de prévariquer. Une accusation de ce genre pèse sur Dé-
mosthène. Il composa pour le riche banquier Phormion, en
procès avec Apollodore, un discours qui est un de ses chefs-
d'œuvre ; et, s’il faut en croire la tradition et le témoignage des
manuscrits, il écrivit, dens la suite du même procès, pour Apol-
lodore, deux discours qui réfutent le premier. Plutarque n’a pas
douté du fait, et il flétrit avec raison une duplicité pour laquelle
on a récemment plaidé, sans trop y réussir, je le crains, les cir-
constances atténuantes ‘. Quelques critiques modernes ont pensé
que les deux derniers discours étaient faussement attribués à Dé-
mosthène. M. A. Schæfer, en particulier, essaye d'établir que
es nombreux plaidoyers pour Apollodore qui se trouvent dans
le recueil de Démosthène , n’ont d'autre auteur qu Apollodore
1. Voirl’intéressantmémoire de M.Eg- Jéssion d'avocat , dans ses Mémoires de
ger, Si les Athéniens ont connu la pro= littérature ancienne, p. 368.
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