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INTRODUCTION. XXXIIT
ques mots à sa famille. Ayant cherché des tablettes, 1l approcha
de sa bouche le style qu’il portait sur lui, et le serra entre ses
lèvres, comme pour réfléchir. Bientôt on le vit pencher la tête et
s’envelopper de son manteau. Les soldats se moquaient déjà de
sa lâcheté; mais Démosthène avait sucé un poison renfermé dans
le style. Quand il en sentitles premiers effets, il releva la tête, et
faisant allusion à la profession de comédien exercée autrefois
par Archias, « Maintenant, lui dit-1l, tu peux jouer le rôle de
Créon, et jeter ce corps sans sépulture. Je sors vivant de ton tem-
ple, à Neptune; Antipater et les Macédoniens n'ont pas même
respecté ton sanctuaire. » Il fit quelques pas, puis s’affaissa près
de l’autel et rendit l’âme.
C'est ainsi que mourut Démosthène, à l’âge de soixante-douze
ans, le seize de pyanepsion, dans la troisième année de la cent-
quatorzième Olympiade, l'an 322 avant J. G. Avec lui périt la
liberté d'Athènes, qu'il avait défendue, tant qu'il vécut, de tou-
tes les ressources de son génie, de toute l’énergie de son âme,
combattant la puissance macédonienne, les divisions de la Grèce,
l’'énervement d'Athènes, et succombant enfin dans cette lutte
tragique contre l'mexorable force des choses.
Quarante ans plus tard (en 280), les Athéniens, sur la propo-
sition de son neveu Démocharès, accordèrent pour toujours à
l'aîné de sa famille le repas au Prytanée, ainsi qu'une place
d'honneur au théâtre, et ils lui érigèrent sur l’agora une statue
de bronze avec cette inscription :
S1 ton bras, Ô Démosthène, avait égalé ton génie,
jamais les Grecs n'eussent obéi à l'épée macédonienne.
Eïnep Tonv yvoun founv, Anuôodevec, elyec,
oÙnor dv Evwy npéev ‘Apns Maxedov.
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