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INTRODUCTION, XXIX
pris et jugé le procès intenté par Eschine à Ctésiphon, ou plutôt
à Démosthène. Les deux partis, celui qui avait combattu contre
Philippe, celui qui avait conseillé la soumission avant la lutte, se
trouvaient encore en présence : un verdict judiciaire devait déci-
der entre eux. Les défenseurs de la liberté grecque avaient été
vaincus : leurs efforts n’en sont pas moins glorieux. On méprise
les cœurs faibles qui désertent les grandes et mobles causes; il
n'y a point de honte à succomber pour elles, et le succès n'est
pas la mesure des actions humaines. Telle est la thèse de Dé-
mosthène. Il l’a soutenue avec une hauteur de sentiments, une
énergie de conviction qui commandent le respect, dans un lan-
gage digne d’un tel sujet, avec une éloquence dont on aime à
subir l’ascendant, parce qu’elle élève le cœur autant qu'elle ravit
l'esprit. Les Athéniens se firent honneur en ne désavouant pas
leur grand citoyen. La motion de Ctésiphon fut ratifiée par le
jury populaire. Eschine, au lieu de payer l’amende encourue par
tout accusateur qui n'obtenait pas la cinquième partie des suf-
frages, partit pour l'exil, afin de ne pas assister au couronnement
de son adversaire.
Six ans après ce triomphe, Démosthène éprouva à son tour
l’'amertume de l'exil, victime d'une condamnation ‘ bien autre-
ment flétrissante que ne l'avait été l'échec d’'Eschine. Quand
Alexandre revint de l'Inde, Harpale, qui pendant l'absence du roi
avait follement dissipé les revenus de l'empire, prit la fuite, et.
arriva à Sunium avec cinq mille talents, pris dans le trésor confié
à sa garde, et six mille soldats mercenaires. Repoussé d'Athènes
une première fois sur l'avis de Démosthène, il réussit à s’y faire
admettre quand il se présenta une seconde fois seul, c’est-à-dire
sans troupes, non point sans or. Des hommes gagnés par cet or,
ainsi que des patriotes trop ardents, tel qu'Hypéride, demandè-
rent que le peuple fit cause commune avec Harpale et se servit
de cette occasion pour reconquérir son indépendance les armes à
4. Outre l'ouvrage de M. A. Schæfer, et Un procès de corruption chez les Athe-
les travaux qui y sont cités, voir la remar- niens extrait de la Revue nationule),
quable exposition de M. Jules Girard : Paris, 1862.
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