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XXX INTRODUCTION.
la main. Démosthène, d'accord avec Phocion, combattit des pro-
jets peu sensés. Cependant il ne voulut pas que l’on descendit à
livrer Harpale aux lieutenants d'Alexandre qui demandaïent son
extradition. Sur sa proposition, Harpale, après avoir déclaré le
montant de la somme qu'il avait apportée à Athènes, fut arrêté
et son or mis en dépôt sur l’Acropole, jusqu à l’arrivée d’un man-
dataire d'Alexandre auquel on püt remettre l’un et l’autre. Dé-
mosthène fut lui-même un de ceux que le peuple chargea de
l'exécution de ces mesures. Les vérificateurs nè trouvèrent qu'un
peu plus de la moitié des sept cents talents déclarés par Harpale,
et ce dernier parvint à s'évader de la prison.
La sensation fut grande dans Athènes. L'opinion n épargna à
aucun des hommes publics les soupcons les plus injurieux. Il
faut dire que les orateurs avaient en général la plus mauvaise ré-
putation, au point que le nom d’orateur était devenu synonyme
d'homme avide et vénal. Démosthène lui-même s'est fait plus
d’une fois l'écho de ces préventions, surtout quand il prêtait sa
plume à d'autres; et le peuple accueillait les propos malveillants
avec la plus grande légèreté : il s'amusait plus qu'il ne se fachait
de la corruption de ceux qui le dirigeaient”. Démosthène fut ac-
cusé d’avoir reeu vingt talents pour favoriser la fuite d'Harpale.
Il se déclara prêt à subir la peine de mort si l'enquête, dont 1l
avait fait charger l’Aréopage, établissait sa culpabilité.
L'Aréopage se trouva fort embarrassé, et son enquête traina
en longueur. Eufin, après six mois, il dénonca Démosthène, Dé-
made et plusieurs autres, comme ayant reçu de l'argent d Har-
pale. Dix orateurs, désignés par le peuple, et appartenant tant
au parti des patriotes, comme Hypéride, qu'au parti macédonien,
comme Stratoclès, soutinrent l'accusation devant une assemblée
de quinze cents jurés. Démosthène, jugé en premier lieu (cir-
constance des plus fâcheuses pour lui), fut condamné à une
amende de cinquante talents et, comme 1l ne put payer une
somme aussi exorbitante, jeté en prison comme débiteur de l'Etat.
3. Voir Phil. III, 39.
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